Le déclin de l’empire de la coolitude
Il y a des pages couvertures que l'on choisit par évidence. Il y en a parfois quelques-unes qui nécessitent un petit moment de réflexion, et enfin, il y a des fronts au sujet desquels on se dit: "Ah pis fuck."
Vous le devinerez, la une de la semaine dernière (7 juillet) mettant en vedette La Famille Bédard fut l'une de celles-ci. Pas un "Ah pis fuck" de dépit, mais un "Ah pis fuck" de plaisir. Je ne faisais que m'imaginer la semaine qui allait suivre la sortie de cette édition et j'en riais déjà. Pendant sept jours consécutifs, donc, à chaque commerce, institution ou restaurant que je visitais, il y avait ces exemplaires du Voir mettant en vedette l'un des phénomènes artistiques les plus absurdes de la région actuellement.
Si vous vous demandez à quoi ressemblerait le monde si on donnait le pouvoir à quelqu'un qui aime rire, vous en avez donc vu un très modeste aperçu.
À mon grand étonnement, malgré une majorité de réactions très positives, certaines personnes ont tout simplement été outrées par ce choix éditorial. Pas juste indisposées, mais pour citer un de ces lecteurs: "en tabarnac!"
Dans un registre un peu plus élaboré, un autre lecteur commentait: "Comme si y,avait (sic) pas assez de vrais groupes." Le remplacement de l'apostrophe par une virgule laisse présumer une certaine frustration chez cette personne.
Maintenant, si je reviens sur cette histoire, c'est que je crois que quelques éclaircissements s'imposent.
Sans m'être lancé dans une étude poussée, j'ai réalisé que les lecteurs s'étant montrés choqués par ce choix de une étaient pour la plupart issus du milieu de la musique et de celui du théâtre. Avec une telle information, comme le dirait le roi Heenok, "les choses se passent".
Ceux et celles qui ne connaissent pas la nature des performances de La Famille Bédard se doivent de savoir qu'il s'agit purement et simplement d'un freak show. Oui, les Bédard enfilent tubes quétaines sur mauvais classiques, avec comme accompagnement des musiques de karaoké probablement glanées sur le Net, mais ils n'offrent pas un concert de musique proprement dit. Oui, les Bédard sont des personnages déstabilisants et complètement décalés créés de toutes pièces, mais ils ne font pas du théâtre. Oui, les Bédard font rire, mais ce ne sont pas des humoristes.
En partant de ce point, on peut comprendre que les musiciens et les gens de théâtre voient dans cette tribune accordée aux Bédard une espèce d'imposture. Toutefois, je n'en démordrai jamais, je crois qu'un spectacle de La Famille Bédard est autant une ouvre d'art qu'un concert de jazz ou une représentation de Molière.
Pour avoir assisté à plusieurs performances de cet ovni culturel, je ne peux vous cacher que chaque fois, la réaction enthousiaste du public m'a complètement dépassé. Rarement assiste-t-on à une telle euphorie de groupe. Les spectateurs ne vont pas voir les Bédard parce que c'est ce qu'il y a à faire ce soir-là, mais bien parce qu'ils tripent. C'est d'autant plus troublant lorsque l'on sait que ce success story n'est rien d'autre qu'un étrange accident de parcours.
Le journal Voir a comme mandat de s'intéresser à la culture et aux phénomènes qui en découlent. Certains s'en désoleront, mais le cas des Bédard s'apparente à un phénomène socioculturel. Il s'agit en quelque sorte du meilleur exutoire qu'aura trouvé une génération qui en a marre de crouler sous le règne de la coolitude qui leur est imposé jour après jour.
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À L'ATTENTION DE VINCENT VALLIÈRES
Salut Vincent! Tout d'abord, sache que j'aime bien ta toune On va s'aimer encore. C'est vraiment une belle chanson. La première fois que je l'ai entendue à la radio, j'étais en char et, garde ça pour toi, mais je conduisais la larme à l'oil en pensant à ma blonde.
J'ai rien contre le fait que tu aies accepté que ta toune soit dans la nouvelle pub de Cheerios, mais là, à cause de ça, chaque fois que l'annonce passe à la tévé, je reste pogné dans le mood de ta chanson pendant deux jours. Ce qui fait que dans les 48 heures qui suivent, je me sens comme dans le bout touchant d'un film où il y a plein de petites scènes émouvantes. Tsé, le moment dans un film où on va voir si t'es un vrai mâle. Pis malheureusement, je perds souvent à ce jeu-là. Je viens avec des grosses bulles d'eau dans les yeux, pis je ne te ferai pas de cachettes, c'est le genre de choses qui me gêne.
En tout cas, si tu pouvais mettre sur ton site Web toutes les heures de diffusion prévues des pubs de Cheerios, je trouverais ça ben le fun. Comme ça, je pourrais me créer un itinéraire télévisuel qui m'éviterait d'avoir l'air d'un emo pendant tout l'été.
Merci!