Complètement Martel

Schtroumpf nazi

 

Tout le monde sait qu'au Saguenay-Lac-Saint-Jean, on peut faire des tartes avec un seul bleuet. On a sept filles pour un gars, on mange de la tourtière à longueur de semaine, on dit "lâ lâ" entre chaque mot et on est tous des bons buveurs de grosse bière.

Bref, la population du 02 était jusqu'ici aussi inoffensive que le village des Schtroumpfs. Mais bon, les temps changent, et voilà que nous apprenions il y a quelques jours que cette époque est révolue. La nouvelle en question est apparue en page frontispice du journal Progrès-Dimanche: "Symboles nazis. Prolifération de graffitis inquiétants".

Le titre du reportage ne présente que la pointe de l'iceberg, car à la lecture de celui-ci, on apprend qu'il y aurait une "montée" du mouvement néonazi dans la région. Rien de moins. Va falloir que La fabuleuse histoire d'un royaume ajoute un nouveau tableau…

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Disons-le franchement: le racisme, ça craint. J'aimerais écrire que le 02 échappe à un tel mode de pensée, mais ce serait vous mentir.

À titre d'exemple, il y a quelques années, je travaillais avec un étudiant en provenance du Sénégal. On nous l'avait présenté comme se prénommant Patrick, mais quelques jours plus tard, j'apprenais que son vrai prénom était Mukietu. Patrick, c'était moins tough à dire… Or, Patrick me racontait parfois avec amusement que le soir, lorsqu'il marchait dans la rue Racine, il entendait des gens verrouiller subtilement leurs portes de voiture quand il passait près d'eux. Le plus ironique dans tout ça est que c'étaient probablement les mêmes qui ne barrent pas leur char quand ils vont magasiner à Place du Royaume.

Sans vouloir excuser le comportement de certaines personnes, il reste que le racisme, c'est souvent une affaire d'ignorance. Et puis, je ne l'apprendrai à personne, mais l'ignorance suscite la peur. Donc, en un mot: se comporter de façon raciste, c'est dévoiler au grand jour qu'on est un peureux. Et un peu ignare sur les bords. Beau package

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De mémoire d'homme, j'ai toujours aperçu par-ci par-là des graffitis représentant le fameux symbole nazi. Et pour ça, je n'ai jamais eu à fréquenter des gangs nébuleux ou des repaires du KKK. Suffit d'aller aux chiottes une fois de temps en temps dans les édifices publics.

Pour vous faire une confession, j'ai beaucoup de plaisir à m'imaginer les auteurs de graffitis racistes. C'est mon petit côté bourgeois. Je me les représente laids, sans grand charisme et, surtout, dénués de toute personnalité.

C'est pas mal pour ça que, malgré le caractère grave de cette nouvelle concernant la montée potentielle d'un mouvement néonazi dans la région, je retiens un léger ricanement.

Je trouve ça juste un peu gros.

En fait, c'est le périple dans lequel l'article nous mène qui nourrit mon cynisme. On part de l'apparition de graffitis poches pour nous diriger vers le témoignage d'une locataire de HLM qui nous assure qu'il y a bel et bien une explosion de ceux-ci. On nous amène ensuite vers une publication obscure du Collectif anarchiste Emma Goldman intitulée Le Pic-bois, dans laquelle on note une propagation d'idées haineuses dans différents secteurs du 02. Le directeur de l'Office municipal d'habitation nous confirme alors que de nombreux graffitis haineux et racistes ont dû être effacés, et enfin, le propriétaire d'un Surplus d'armée affirme avoir vendu une vingtaine d'épinglettes à "des gens non conformistes et négatifs face à ce qui se passe présentement".

Ah oui, et on apprend que les fans de heavy métal sont reconnus pour être sujets à des comportements haineux. Faudrait piquer un brin de jasette à propos de ça avec le chanteur de Judas Priest.

Et moi qui me faisais du mauvais sang depuis que Columbo est mort.

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En toutes honnêteté et modestie, je n'ai pas de leçon de journalisme à faire à quiconque. De plus, j'ai toujours apprécié ce que l'auteure de l'article écrit. Toutefois, je doute qu'on ait vraiment besoin, en tant que société, d'accorder autant d'importance à une bande de frustrés qui vouent – peut-être – un culte à une école de pensée aussi médiocre.

J'ai souvenir de certains bums à l'école primaire qui s'adonnaient au coup classique de boucher les toilettes en les gavant de papier. Ils n'en avaient pas contre les toilettes. Tout ce qu'ils souhaitaient était d'attirer les projecteurs sur eux. Probablement qu'ils étaient en partie conscients du vide que leur personnalité dégageait.

Ça pourrait faire une bonne manchette à un moment donné.