Complètement Martel

Comment tu vas faire, Robert?

 

Salut Robert,

Je sais que c'est plutôt délicat comme question dans les temps qui courent mais… ça va? Du moins, quand même?

En tout cas, je vais t'avouer que lorsque j'ai entendu la nouvelle te concernant au Téléjournal de Radio-Canada, j'ai avalé de travers ma gorgée de café. Était-ce de la surprise? Je te dirais que oui et non.

Tout d'abord, oui, parce que depuis l'affaire de Marc Demers qui avait pété un plomb et menacé de te faire exploser, disons que je croyais que s'il y avait quoi que ce soit à régler, ça s'était fait dans les jours qui avaient suivi cette histoire-là. Je suis candide comme ça. Moi pis la justice, on fait deux. J'ai un dossier criminel à faire mourir d'ennui un auteur de romans policiers. À vrai dire, la seule fois où j'ai vraiment eu la chienne de me faire arrêter, c'est à 15 ans quand des agents m'avaient pogné en train de me baigner tout nu en pleine nuit avec des chums dans la piscine Naudville. D'ailleurs, pour l'anecdote, un de ces gars-là est maintenant une des plus grandes références en matière de politique américaine ici au Québec.

Mais bon. On a ben du fun avec mes histoires de baignades nocturnes à poil mais ça reste que c'est pas drôle ce qui t'arrive. Tu sais, depuis quelques années, j'ai entendu bien du monde casser du sucre sur ton dos et sortir des supposées true stories dans lesquelles tu n'avais pas le beau rôle, mais quelque chose en moi m'a toujours poussé à me méfier de tout ça. On ne se le cachera pas, avec tous les événements et les spectacles de grande envergure – je rentre même celui de Pat Benatar dans le lot – que tu as produits dans les dernières années, tu es quelqu'un de big dans la région. Autant dans le milieu culturel qu'auprès du monde des affaires. C'est pas rien.

Ce qui me fait dire que lorsque le succès est au rendez-vous et que tu prends plus de place, il y a incidemment plus de jaloux et de personnes qui aimeraient avoir ta tête. Et dans ce temps-là, les gens ont parfois tendance à y aller moins mollo en matière de propos fielleux. Autrement dit, je le sais que c'est plate, mais quand les médias ont annoncé qu'il y avait des accusations de fraude qui étaient portées contre toi, il y a une coupelle de personnes qui ont dû jubiler devant leur tévé et leur journal.

Je serai franc avec toi, Robert, j'espère vraiment que tout ça est de la bullshit. Et là, il y a zéro ironie dans ce que je te dis.

Depuis quelques semaines, j'aimais bien nos échanges par courriel et j'ai eu beaucoup de plaisir à t'avoir en entrevue. Même que, sans vouloir me vanter, à la suite de tout ça, je t'ai fait assez bonne presse en jasant avec certains individus qui t'avaient… bref, j'imagine que tu te doutes à quelle place de l'anatomie humaine.

Je trouverais ça plate que tu sois coupable parce que la région perdrait un producteur important. Je te l'ai déjà dit de vive voix: c'est le fun du monde qui se lance tête première dans des projets de fous.

D'ailleurs, avec le peu de détails que je sais par rapport à cette histoire d'accusations, j'ai comme un feeling que peu importe si c'est fondé ou non, ça a quand même un lien avec ta fougue.

Sans vouloir tomber dans les histoires de conspirations et de délires paranoïaques, ça serait quand même possible que certaines personnes t'aient offert sur un plateau d'or la corde avec laquelle tu te pendrais symboliquement. Genre que, on te laisse tourner quelques coins ronds et prendre quelques raccourcis inusités en te laissant sous-entendre que si à la fin, les choses revenaient à la normale, on garderait les yeux fermés. Et puis, juste quand tu ne t'y attends pas, hop!, on te crisse dans la marde, tu ne passes pas go et c'est nous qui ramassons le jackpot.

Parce que coupable ou non, tu vas être pas mal hors circuit pour les mois qui s'en viennent et à la fin, il y a quand même des risques que la Ville de Saguenay s'approprie le Festival international des rythmes du monde. Jean Tremblay a beau se donner des airs de condescendance à l'encontre des artistes, il ne le dira jamais trop fort, mais il le sait que la culture, ça peut faire du gros cash.

En tout cas, je comprends que dans la situation actuelle, tu n'es pas en position de prendre la parole publiquement, mais j'ai très hâte d'entendre ta version des faits.

Et puis, fin renard comme tu es, je suis bien curieux de voir comment tu t'en sortiras après la tempête, peu importe l'issue du procès.

Sache qu'on est une bonne gang à se poser présentement la même question: comment tu vas faire, Robert?