Ça me trottait dans la tête depuis le début de la soirée et là, je voyais 11h arriver. Passé ça, je pouvais toujours prendre l’auto et me rendre au Couche-Tard, mais je trouvais ça un peu exagéré.
J’ai mis ma manette de PlayStation 3 de côté pour enfiler mes souliers et je suis parti en direction du dépanneur. J’avais juste envie d’un petit chips. Rien de plus. Un Fritos, genre.
Je suis un gars qui marche relax. Même que, sans vouloir me donner un petit côté spécial, je vous dirais que je suis plus du type déambulateur. C’est peut-être pour ça que j’ai comme zéro réagi quand la petite Civic a changé de cap pour me foncer tout droit dessus. Je la voyais qui s’enlignait vers moi, mais j’ai tellement la conscience tranquille que l’idée que quelqu’un ait l’intention de me tuer n’arrivait même pas à prendre racine dans mon esprit.
Mais bon, à la dernière seconde, la voiture a tourné dans une autre direction et, à peine avais-je remarqué qu’elle était conduite par un hypothétique joueur de hockey midget et que son copilote était le parfait exemple du frais chié que je n’aurais jamais voulu avoir comme ami au secondaire, que hop! Ce dernier m’a garroché une grosse citrouille.
Si le crétin en question est un lanceur de balle-molle, faudra probablement travailler son tir de citrouilles à bord d’un véhicule en déplacement parce qu’il m’a complètement manqué. Et heureusement.
J’étais en train de leur faire signe d’un doigt dans le cul, haut dans les airs, quand mes notions de physique 536 me sont revenues. Comme la madeleine de Proust, sauf que là, c’était une réminiscence de mon prof Rémi, fidèle partisan du port de la moustache, et ce, même au cours des années 90, notoire période impitoyable pour les pinchs de toutes sortes.
Je revoyais Rémi inscrire au tableau la fameuse équation expliquant l’accélération due à la force gravitationnelle, et là, sans même calculer, j’ai conclu intérieurement par un: «Mais tu parles d’une crisse de gang de malades pour pitcher des citrouilles sur le monde à partir d’un char qui roule.»
En tout cas, il n’y a rien de scientifique là-dedans, mais pour avoir vu une citrouille percuter le ciment dans ces conditions réunies, je peux vous dire que ça a l’air de fesser pas mal.
Je vous l’avoue, ça m’a pris une vingtaine de minutes avant de ne plus ressentir de frustration. Avoir eu un pouvoir magique, les gars seraient présentement fusionnés dans la seule et même personne et le monde paierait pour voir un tel phénomène de foire. Ou peut-être que je leur aurais jeté un sort pour qu’ils soient pognés avec A La La La La Long dans la tête jusqu’à la fin des temps.
Reste que, pouvoir magique ou pas, il y a toujours la loi du karma. Je suis pas du genre à croire à des trucs comme ça, mais là, faut bien s’accrocher à quelque chose. Et puis, ça doit marcher parce que dans le temps, j’ai déjà aspergé le plus gratuitement du monde des adolescentes avec un extincteur alors qu’elles se baladaient innocemment dans la rue. Ce soir-là, j’ai aussi scrapé la piscine creusée de Philounours avec le même extincteur.
Ça vaut ben une citrouille.
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Il faut savoir que le matin du citrouille-gate, j’avais prévu me rendre au Salon du livre. Le plan était plutôt simple. Du moins, en gardant en mémoire que ma blonde et moi, on a un kid de 15 mois. En résumé, un plan simple pour des parents équivaut à un plan débile pour des non-parents.
Faut penser à habiller le bébé, à lui préparer ses bébelles, à s’assurer qu’il ait du linge de rechange juste au cas où, à checker si la poussette est dans l’auto, à préparer un biberon, bla bla bla… Genre que ce serait moins compliqué de pénétrer dans un château pour tuer un dragon.
Donc, après tout ça, t’es déjà crevé avant même d’être parti, mais bon, rendu là, tu pars.
Ça faisait peut-être quatre minutes qu’on roulait et là, y a un monsieur qui s’est mis à me klaxonner après. Il était dans la voie d’à côté et il me faisait signe de baisser ma vitre. «T’as un flat!» qu’il disait. Un bon Samaritain.
Juste pour bien faire, notre roue de rechange était collée en dessous de l’auto et le garagiste a passé une heure à tenter l’impossible pour la sortir. À la fin, il sacrait.
Ça a pas mal été ça notre Salon du livre cette année.
On va dire que c’était un spécial Guide de l’auto.
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SAVIEZ-VOUS QUE… ce sont toujours les mêmes tounes qui passent aux mêmes heures précises au Couche-Tard. Continuellement. Un employé me confiait dernièrement que lorsqu’il entendait du Nickelback, c’était le temps de faire sa caisse. Ça peut aider à comprendre le truc avec les syndicats.
Vu sur Facebook
Je ne connais pas ce journaliste (M. Joël Martel) mais je lui dis un gros MERCI pour tout le bien que j’ai ressenti en lisant son article. De la mère du petit boucher. xxx
Eh bien… cher Monsieur Martel! Toujours là à fréquenter des dépanneurs?
Évidemment, ce n’est qu’une vieille (et mauvaise) plaisanterie de ma part. Question de faire un petit pont entre la dernière fois où je vous avais envoyé quelques mots (dans un bouquet ou un sac en jute, je ne me rappelle plus du tout). Un petit lien à la recherche du temps perdu, quoi.
Le temps passe et il m’arrive, hélas, d’en perdre des bouts – et même dans le cours de quelques minutes alors que je me lève dans le but de faire quelque chose de précis puis, là debout dans la pièce où je voulais me rendre, je n’ai plus la moindre idée de ce que je comptais faire. Ce n’est qu’une fois être retourné m’asseoir que ça me revient…
Alors que je racontais cela à ma femme il y a une semaine, et voulant tout de même la rassurer en lui disant que j’ai toujours sur moi mon adresse et qu’on pourrait toujours me retourner à la maison si je devais m’égarer quelque part, cela a plutôt semblé la préoccuper…
Bon… hum… j’ai complètement oublié de quoi je voulais vous entretenir…
Ah oui! J’apprends que vous avez à votre tour décroché un «contrat à vie»… Le nôtre remonte à il y a plus de 27 ans déjà et ne montre aucun signe de vouloir nous abandonner. Qu’est-ce que nous ferions seuls, à nous tourner bêtement les pouces, alors que nous sommes tellement heureux d’avoir encore l’immense privilège de pouvoir ramasser derrière lui, de faire les courses, de préparer à manger, de remonter de son antre des montagnes de vaisselle qu’il faut mettre un bon moment à tremper avant de pouvoir tout mettre au lave-vaisselle, et aussi…
Bon, ça suffit. Voilà notre «contrat à vie».
Alors, si vous croyez que planifier une petite sortie avec la poussette, le biberon, les vêtements de rechange, les couches, quelques jouets et une bonne dizaine d’autres indispensables c’est assez fatigant, attendez quelque vingt-cinq ans encore. Après ce quart de siècle au service de votre descendance, vous ne serez plus en mode «fatigue» mais rendu en mode «épuisement».
Et il vous arrivera alors peut-être de vous lever pour aller faire quelque chose de précis mais de revenir vous asseoir en vous demandant ce que vous vouliez faire.
Mais ne vous en inquiétez pas trop pour l’instant. D’ici là vous aurez eu à de nombreuses reprises l’occasion de gravir puis de redescendre l’Everest…
Avec mes salutations les meilleures, cher Monsieur Martel.