Bon, bon, bon. Paraîtrait qu’on est en pleine révolution.
Ça a commencé à New York et voilà que ça se propage un peu partout. Même que si j’étais quelqu’un d’autre, je me féliciterais pour l’utilisation du «un peu partout», car voyez-vous, c’est même rendu à Saguenay.
Donc en résumé, des mouvements se créent un peu partout afin de signifier un désir de se réapproprier une société dominée par l’appât du gain. Un désir émanant de la masse, des 99%. De vous et moi.
Pour dire vrai, j’aimerais ça être enthousiasmé. J’aimerais ça y croire. Me semble que ça me ferait du bien. En plus que j’ai passé mon adolescence à chialer qu’en matière de révolution, les baby-boomers avaient tout pris. J’avais envie de raconter à mes futurs enfants c’était comment la révolution.
Là, si le mouvement Occupy est bel et bien une révolution, ça ressemble beaucoup plus à un brouillon. Le manifeste me plaît, mais en même temps, ça me rappelle la fois où des militants avaient occupé le palace de Jean Tremblay. Il y avait eu lecture publique d’un manifeste et j’avais cette impression que ça partait dans tous les sens. On y parlait de culture, de la façon peu démocratique qu’a la team de Jean Tremblay de mener son royaume, de la fluoration de l’eau, etc. Pas que je sois en désaccord avec toutes ces requêtes. Au contraire. Mais que voulez-vous, je suis empoisonné. J’ai un peu perdu la foi.
«Mais qu’est-ce que tu fais du printemps arabe?» me demanderez-vous. Bien d’accord, sauf que dans le cas présent, on a une belle chance de faire changer les choses tous les quatre ans, et si l’on se fie au taux de participation au scrutin, disons qu’on dort pas mal au gaz… Et puis quand les banquiers vous tiennent par les schnolles, suffit d’une petite pression pour… ben vous savez quoi.
J’écris ça et ça m’attriste. On croirait lire un vieux schnock désillusionné. Un casseux de party.
Mais bon, il n’y a qu’une personne à blâmer et c’est moi. En fait, ma grande erreur est d’avoir un jour cessé d’écouter mes rêves pour écouter ceux des autres. Pas dans le sens de me laisser guider par ceux-ci, mais au premier degré: j’ai tendu l’oreille aux 99% de la population.
Certes, plusieurs de ces rêves m’ont fait sourire et m’ont donné le goût de croire en de meilleurs lendemains. Toutefois, je vous mentirais si je vous disais qu’ils brossent un portrait fidèle des 99%.
J’espère être complètement dans le champ, mais j’ai un feeling que 99% des 99% de la population se sacrent de ce qui va mal dans notre société. Le confort et l’indifférence, disait l’autre.
Maintenant, avant de m’immoler par le feu, laissez-moi mettre les choses au clair. Je ne pense pas que la population en général soit une bande de zoufs qui n’aspirent qu’à un gros pick-up blanc et à leurs trois semaines de vacances par année. Je ne pense pas non plus que les gens qui s’impliquent dans le mouvement Occupons Saguenay sont des rêveurs candides. Non. Je pense seulement que le concept de révolution tel qu’on l’a connu autrefois n’existe plus.
À partir du moment où l’entreprise quasi sectaire Apple a fait de la notion de révolution son branding avec son «Think different», on s’en est tous fait passer une bonne sans trop s’en rendre compte.
La preuve: nous sommes maintenant à l’ère des révolutions en franchises. On copie-colle un peu partout et on adapte le tout aux réalités locales. Ici, on va servir de la poutine et là-bas, du riz.
Ne vous demandez pas pourquoi les banquiers et les milliardaires trouvent sympathique le mouvement Occupy. Ils sont juste en train de chercher comment faire la piastre avec ça.
Je le répète, je doute que nous soyons en pleine révolution. Je crois plutôt que nous sommes en plein cœur d’une «prévolution». Le mouvement Occupy ne changera rien à court terme, mais j’ai espoir qu’il crée les bases d’une nouvelle communauté activiste qui sera en mesure de façonner un rêve concret auquel monsieur et madame Tout-le-monde pourront aspirer.
Un monde meilleur? Oui, mais à quoi ça ressemble?
Tel sera le grand défi. Redonner l’imagination au peuple.
Et à partir de cet instant, tout sera possible.
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MA DERNIÈRE CHRONIQUE. Certains s’en réjouiront, car voilà que je signe ici ma dernière chronique Pop culture. Ça finit là. Cependant, avant de sabrer le champagne, sachez que je serai de retour la semaine prochaine dans un tout nouveau format.
C’est que l’édition que vous tenez présentement entre vos mains en deviendra une de collection. Dès la semaine prochaine, le journal s’offrira un coup de jeune et de ce fait, je signerai une chronique deux fois moins longue. Ça voudra dire encore plus d’opinions de ma part sur le tout nouveau voir.ca.
Vous voilà bien énigmatique dans vos propos, cher Monsieur Martel…
Une chronique qui serait «deux fois moins longue» mais qui voudrait dire «encore plus d’opinions» de votre part?
Là je ne vous suis pas du tout, sans doute parce que je pourrais être un peu dur de «comprenure»…
Est-ce moi ou les sorties avec poussette, biberons, vêtements de rechange et tout le barda qui font que ce que vous nous racontez ne soit pas particulièrement évident?
Bof… Attendons votre prochaine chronique et nous verrons bien. Peut-être…
Hahaha! Monsieur Perrier! Me semble que ça faisait longtemps non?
Pour répondre à votre interrogation, par deux fois plus d’opinions:
Depuis plus d’un an, je suis beaucoup moins actif ici sur voir.ca en tant que blogueur mais là, je reprendrai du service. Je continuerai à écrire ma chronique hebdomadaire pour Voir Saguenay/Alma mais je me permettrai des « sous-chroniques » ici sur le site. Voilà!
Notre belle histoire de cyber-correspondance pourra donc reprendre du pic!
:-)
Monsieur Martel, votre impression n’est pas injustifiée. Le sentiment de « brouillon » qui règne autour de ce phénomène est réel, et assumé. Le mouvement qui appuie Occupy Wallstreet émerge d’un processus de communication nouveau: Internet. Les sociologues passeront sans doute les 20 ou 30 prochaines années à analyser la chose, parce que c’est du jamais vu. Maintenant, le sentiment d’impuissance que vous vivez est partagé par plusieurs. Pour preuve, près de 50% des gens ne sortent même plus de chez eux pour aller voter.
Le processus qui est lancé est véritablement une révolution. Je me demande parfois ce que les gens attendent véritablement de LA révolution… pas besoin de faire exploser le monde pour changer les choses. Simplement, Occupy Wallstreet propose une avenue, une manière d’aborder les problèmes toute neuve. Concrète. Accessible à tous.
Pour une fois, il ne s’agit pas d’un regroupement partisan, politique, ou derrière un gourou. Il ne s’agit pas de mettre quelqu’un au pouvoir ou de faire passer une idée plus qu’une autre. Il s’agit de prendre sa place comme citoyen, de faire des constats, de nommer ce qui nous déplaît, nous dérange. De lancer le processus vers des solutions concrètes.
Non, toujours pas de solution miracle. Mais ça, que je sache, ni Jean Charest ni le Congrès américain ne la possède. Il s’agit d’un cri du coeur d’une partie de notre humanité qui depuis trop longtemps est la majorité silencieuse.