Au risque de me faire haïr, jusqu’à il n’y a pas longtemps, je ne savais pas trop comment me positionner par rapport au débat sur les gaz de schiste. Dans mon for intérieur, je m’en méfiais, mais publiquement, je restais silencieux. De toute façon, quand même que j’aurais voulu me faire une pancarte contre les gaz de schiste pour aller manifester dans la rue, j’aurais été rapidement à court d’arguments si un journaliste ou même un quidam m’avait interrogé sur le pourquoi de ma protestation. «Je truste pas ça, c’est déjà pas mal…» Disons que ça aurait été suffisant pour me faire passer pour un cave en l’espace d’un clip de cinq secondes aux nouvelles.
Bref, je faisais preuve d’une certaine retenue jusqu’à il n’y a pas longtemps, en fait, jusqu’à ce matin. J’attendais l’illumination divine. Et celle-ci s’est présentée sous la forme d’une pub télé sournoise à l’os.
Dans celle-ci, on voit un bonhomme portant une espèce de suit de biochimiste. Le genre d’uniforme que Walter White porte dans Breaking Bad quand il cuisine du crystal meth.
Là, on voit le scientifique observer avec tout le sérieux du monde un terrain ultra-bucolique. C’est alors qu’on entend un narrateur nous informant qu’une source de gaz de schiste a été trouvée à cet endroit. Et la voix de poursuivre: «Nous savons tous que ce n’est jamais très beau quand on ouvre le sol pour puiser de telles ressources.» Ok, elle ne dit pas ça littéralement, mais c’est pas mal dans cet esprit-là. Faut savoir que je n’avais pas encore bu mon premier café du matin. Reste que l’essence de la phrase, c’était ça.
Et puis, juste au moment où on s’apprête à rager intérieurement en se disant que ça n’a pas d’allure, qu’on va démolir ce beau site-là, on nous annonce que c’est déjà chose faite. Mieux que ça, on nous apprend que si le site est aussi enchanteur, c’est grâce aux «bonnes» compagnies qui ont exploité ce terrain et qui ont ensuite pris des mesures afin de le revitaliser.
À cet instant précis, vous pensez qu’on vous l’a déjà rentré bien creux dans le derrière, mais on en rajoute en vous hypnotisant avec des beauty shots de papillons et de fleurs et tout ça, avec la voix rassurante du narrateur qui brainwashe subtilement comme quoi l’endroit est même plus magnifique et biodiversifié qu’autrefois.
Tsé, quand on dit que trop, c’est comme pas assez.
Ça ne me dérange pas d’être bullshité, ça fait partie de la game. Sauf que là, on ne peut même plus appeler ça du bullshitage. J’haïs ça me faire donner l’impression que je suis un morceau de tofu qui va prendre le goût du produit avec lequel tu vas le mélanger. Et de toute façon, si c’était vraiment le cas, je n’aurais pas envie de goûter la merde de bœuf.
Que vous m’endormiez en me mettant dans la tête qu’on a l’intention de revitaliser un site d’exploitation de gaz de schiste après-coup, ça peut passer. Je ne vous crois pas trop, même pas pantoute, mais tsé, on peut ben rêver.
Mais là, qu’on essaie de me fourrer comme un petit pain sandwich en me disant que tout va être juste plus beau et plus paradisiaque après avoir exploité le sol québécois… Wô minute, ti-bonhomme. Ça me fait drôlement penser au louchon qui prétextait avoir un doigt magique doté d’un pouvoir guérisseur et qui se servait de ça pour peloter des pauvres jeunes filles.
J’ai ben hâte de voir les pubs qu’on va nous présenter quand le lobby nucléaire va essayer de faire une opération de séduction. «Avant, il n’y avait que 50 espèces de poissons dans cette rivière. Maintenant, c’est plus de 100 nouvelles formes de vie qui s’y trouvent. Depuis l’arrivée du nucléaire, nous avons créé une plus grande diversité d’espèces. Et bientôt, on finira par vous convaincre que des grenouilles à huit pattes, au bout du compte, ça ne vous fera que plus de délicieuses cuisses à savourer.»