De la main gauche

Les régions, qu’ossa donne?

Je dois l’avouer, le discours des Montréalais est souvent unidirectionnel. Nous balayons trop souvent du revers de la main le sort des régions en insistant sur l’importance de Montréal à titre de centre économique du Québec.

On se dit: « Si Montréal a du succès, les régions en bénéficieront ». Cette mentalité n’est pas étrangère à l’approche économique promue par les néolibéraux, le trickle down effect ou l’effet de percolation. Si les riches s’enrichissent, ceci aura un effet bénéfique envers toutes les strates de la population.

Nous savons aujourd’hui que cette approche économique ne fonctionne pas. Elle n’aura permis finalement qu’une concentration accélérée de la richesse. Ni pour Montréal, ni pour les centres urbains du Québec, ni pour le monde rural, un tel système n’est viable. Il faut changer notre approche.

Un milieu de vie dynamique et réinventé

Dédé Fortin chantait «qu’y est tombé une bombe su’a rue Principale depuis qu’y ont construit le centre d’achat!» De nombreuses villes ont en effet choisi d’adopter des stratégies semblables à celles que l’on a développées dans les banlieues des grandes villes au cours des années 1970, avec les effets catastrophiques que l’on connaît sur la vitalité de nos centres urbains et sur la qualité de vie.

Les nouvelles approches urbanistiques favorisant un milieu de vie riche et les échanges humains ont toutes autant de chance d’obtenir du succès dans une ville de 50 000 personnes qu’une ville qui en compte 3,8 millions.

À la base de ce renouveau des villes, on retrouve une philosophie de densification urbaine misant sur la force d’un milieu de vie où l’on peut acheter ses produits, consommer de la culture, étudier et travailler. Le développement d’un cocktail transport intelligent favorisant le transport en commun, l’utilisation de vélos ou la voiture en libre-service. Une ville où il fait bon marcher, échanger, faire partie d’une communauté. Où les citoyens veulent s’investir, s’impliquer socialement et faire une différence.

La différence entre Montréal et Saguenay ce n’est pas une métropole versus une ville de région, c’est 25 quartiers versus un ou deux. La configuration des villes doit être revue en profondeur pour favoriser la marche, les échanges, le sentiment de communauté.

Des exemples sont heureusement à suivre. Victoriaville et Saint-Hyacinthe me viennent spontanément à l’esprit. Ce sont des villes où l’on concentre les activités dans un secteur, où l’on bâtit autour des forces de la topographie et de la concentration des infrastructures. Ces villes connaissent des croissances démographiques importantes justement parce qu’elles ont mis en place des quartiers où les gens veulent vivre et se retrouver.

Malheureusement, tout concourt depuis une décennie au rétrécissement de nos communautés rurales. Fermetures de gares, raréfaction du transport interurbain par autocar, réseaux Internet et sans-fil déficients, voire inexistants, abandon des quais fédéraux, sous-financement des musées et des lieux patrimoniaux, centralisation des services publics, industrialisation de l’agriculture, mécanisation et robotisation en foresterie comme dans les mines. On prend ici un grand respire, et on continue: services postaux compressés, fermeture des Conférences régionales des élus et élues, sous-financement des centres universitaires. Tout se passe comme si le droit à l’existence, en région, devait se payer d’une lente agonie.

La granularité des économies

Les stratégies de développement économique des régions ont souvent reposé sur de grands projets liés à l’extraction des ressources, à des alumineries, à des projets énergétiques. Ce sont certes des projets porteurs, mais qui créent malheureusement une grande dépendance envers un seul donneur d’ouvrage. En suivant cette voie, nous ne développons pas une économie forte et résiliente. On extrait le meilleur, au moindre coût, le plus rapidement possible.

Les économies fortes sont composées de nombreuses entreprises. Plus elles sont petites et nombreuses, moins la dépendance conjoncturelle est élevée. Oui à des locomotives industrielles, mais dans un cadre complémentaire, à condition qu’une économie locale se bâtisse dans la diversité.

La mobilité

L’accès facile au territoire est un réel enjeu. Rien ne favorise la mobilité aujourd’hui. Je suis convaincu que nous pouvons trouver des solutions innovantes pour le transport interurbain, comme il s’en développe dans les villes.

Le transport ferroviaire est déficient et pourrait bénéficier d’investissements. Il y a des solutions possibles dans l’axe Québec-Montréal-Gatineau, et d’autres, pour relier les régions entre elles. Nous avons l’expertise à Saint-Bruno et La Pocatière pour construire des trains modernes et efficaces.

Le transport aérien interrégional mériterait aussi un examen attentif. Le coût des billets d’avion pour les villes du Québec est actuellement complètement farfelu: 1000$ pour aller aux Îles-de-la-Madeleine? Pas étonnant que l’on choisisse la côte Est américaine pour nos vacances…

Culture et tourisme

La renaissance de la ville de Québec n’est pas liée qu’à la plus forte cohérence de son modèle institutionnel comparé à celui de Montréal. Elle n’est pas non plus le fait exclusif du dynamisme du milieu des affaires. Il y a de cela plus de 20 ans, feu le maire Jean-Paul L’Allier optait pour la culture et… la beauté. En peu de temps, la capitale est devenue une destination touristique de haut niveau. Une solide infrastructure touristique et culturelle génère de la richesse. Ajoutez de la recherche universitaire de créneau, des ponts avec le milieu des affaires, et vous obtenez le plein emploi.

Je suis convaincu que nous pourrions revitaliser et développer l’ensemble de notre territoire en optant pour l’approche L’Allier. Restaurons nos plus belles églises, soutenons nos musées régionaux, préservons nos paysages et offrons au monde entier notre riche patrimoine.

Nos infrastructures touristiques mériteraient qu’un vaste programme d’investissement soit mis en place. Si davantage de solutions de rechange de qualité jumelées à des stratégies de promotion étaient mises en place, je suis convaincu que les Québécois opteraient pour des vacances chez eux.

Pour une réussite collective

Si Montréal est souvent décrite comme le poumon économique du Québec, il est temps de reconnaître qu’un corps requiert de nombreux organes en santé. Et si nous nous unissions et travaillions tous ensemble à nous rendre respectivement plus forts et plus résilients, en reconnaissant les forces propres à chacune des régions du Québec, de Montréal à l’Abitibi, de l’Outaouais à la Côte-Nord? Être fier de Montréal n’est pas renier Québec ou Amos. Bien au contraire. Nous avons besoin de gens fiers de leurs régions et qui travaillent ensemble à notre réussite collective.