Je l’avoue, je suis pas mal porté sur les chiffres. J’aime beaucoup lire les bulletins de l’Institut de la statistique du Québec. Malgré les budgets anémiques dont il dispose, l’Institut nous permet de mieux cerner notre réalité en nous bombardant de données par habitant, par ménage, en soulignant les tendances. Parce qu’il est difficile de bien comprendre ce qu’on ne mesure pas.
Le financement de la culture
Ce que m’ont appris mes séjours à titre de président du conseil d’administration de l’Opéra de Montréal et du Musée d’art contemporain depuis les quatre dernières années est que les revenus de billetterie sont directement reliés aux budgets alloués à la commercialisation. Si les revenus autonomes du MAC ont crû de 300% depuis quatre ans, le budget alloué au placement média a été augmenté au moins d’autant. Au net, c’est plus d’un million de dollars de plus dans le budget d’exploitation du musée.
Dans un contexte de rationalisation des budgets de l’État, le développement de la clientèle, et par ricochet des revenus autonomes, doit être une priorité pour l’industrie de la culture.
La part du portefeuille
Chaque ménage québécois dépense un peu plus de 80$ chaque année pour l’achat de billets de cinéma. En 2015, les billets de films québécois représentaient environ 7% de ce montant. Ce 5,60$ constitue la part du portefeuille «billets de cinéma» que nous consacrons aux films d’ici.
C’est plus de 2800$ par année par ménage qui sont alloués à des biens qualifiés de culturels par l’Institut de la statistique. Ce montant croît annuellement au rythme de l’inflation. Ce que le produit culturel d’ici ne s’approprie pas est dépensé dans un bien culturel étranger, d’où l’importance d’utiliser tous les outils possibles afin d’en percevoir le plus possible. Si chaque Québécois va au cinéma quatre fois par année, il est tout à fait plausible qu’il choisisse un film d’ici au moins une fois, non?
Le box-office à tout prix?
Avant qu’on m’associe à Vincent Guzzo qui milite depuis toujours pour qu’on produise «des films que les gens veulent voir», sachez que je m’associe plutôt à l’école de la qualité. Je suis convaincu que le public est intelligent et qu’il recherche une émotion authentique, vibrante. Ça tombe bien, ce sont tous des ingrédients dont notre culture locale ne manque pas. L’exposition de David Altmejd au MAC en est un exemple. Peu de Québécois le connaissaient avant le succès qu’il a remporté l’année dernière. Bien entendu, la qualité de son travail a un lien direct avec les foules que le musée a accueillies, mais le plus important succès connu au box-office du MAC de son histoire n’est-il pas aussi relié à la première campagne de marketing tapissée mur à mur pour une exposition en son sein? N’est-il pas relié à tous ces derrières d’autobus qui promouvaient son travail exceptionnel?
J’assistais au spectacle de Yann Perreau au Club Soda le 17 juin dernier. D’entrée de jeu, il a fait référence aux ventes moribondes de spectacles francophones rapportées par les médias, excité qu’il était d’avoir réussi un vrai «sold out». Son spectacle était formidable, je suis sorti de là le cœur plein, enthousiaste comme je l’avais été durant le show de Dumas au Métropolis ou comme quand j’ai visionné Félix et Meira cet hiver. Nous produisons du très bon ici. Et ça doit cesser d’être un secret bien gardé. Yann méritait un sold out au Métropolis.
Les quotas
Nous sommes très bons pour créer de l’offre. Il faudrait peut-être apprendre à créer de la demande. S’inspirer un peu plus des Américains et un peu moins des Français qui comptent entièrement sur l’État pour financer leur culture.
Mais force est d’admettre que nos amis français ont compris certaines choses. La bataille ne peut se gagner seulement à coup de budgets marketing. Elle doit être encouragée par des politiques rendues nécessaires et légitimes dans un contexte d’exception culturelle.
L’Institut de la statistique du Québec nous apprenait dans son bulletin relié à la musique, publié en mai dernier, que si 47,7% des ventes d’albums en magasin sont d’artistes locaux, ces derniers représentent seulement 29,7% dans les ventes d’albums numériques. Mais où le bât blesse vraiment, c’est quand on constate les ventes de chansons à l’unité. À peine 7% des chansons téléchargées ont été produites ici. Comment expliquer cela? Il existe une corrélation très forte entre les artistes et les chansons répertoriées sur la page d’accueil des iTunes et Spotifiy de ce monde et les téléchargements générés. La consommation culturelle se «monolithise», influencée par les palmarès, les listes suggérées, les résultats des moteurs de recherche. La règle du 80/20 présente dans de nombreuses industries fait voler en éclats la culture, principalement en musique, remplacée par celle du 98/2. Vous avez bien lu, 2% des chansons génèrent aujourd’hui 98% des revenus.
Je ne serai pas encore très populaire chez les disciples du libre marché. Plus que pour n’importe quel autre secteur, la culture nécessite qu’on la protège en la discriminant positivement. Le CRTC a choisi de ne pas se positionner par rapport à la réglementation du contenu distribué par Internet. À une époque où une grande partie de la consommation culturelle se fait sur demande, cette décision est plus que surprenante. C’est une grave erreur. Si l’avenir du Québec est à l’intérieur du Canada, il doit selon moi rapatrier les champs de compétence qui lui permettront d’influencer la consommation de sa propre culture. Par le maintien des quotas en radio, par l’ajout de quotas sur Internet et, pourquoi pas, par l’obligation de distribuer des films produits ici dans les salles de cinéma du Québec.
Permettre à notre culture de s’épanouir
Je suis convaincu que nos produits culturels n’ont rien à envier qualitativement aux grands succès planétaires. À une époque où les Beyoncé et autres Taylor Swift s’approprient une part de plus en plus importante du portefeuille culturel mondial, le succès qu’a connu Jean Leloup depuis 24 mois fait un grand bien. Il démontre bien sûr qu’il est un redoutable stratège de la commercialisation. Plus lucide qu’on ne le croit, il a su créer un buzz, il a su malgré le manque de moyens manier les médias, le public et l’industrie avec doigté. Leloup est un entrepreneur, un vrai.
On ne peut pas demander à nos artistes de tous être des Leloup de la commercialisation. Nous pouvons par contre les aider, et leur permettre de vivre décemment de leur art pour continuer à créer ce qui nous différencie, nous représente. En mettant autant d’argent à produire le contenu d’ici qu’à le commercialiser. Ce qui permettra à nos artistes de s’approprier une part plus importante de notre portefeuille culturel. Mais aussi – et c’est sûrement aussi important – en réfléchissant à la mise en place de nouveaux quotas de diffusion, qui comme pour la radio encore aujourd’hui, constituent probablement l’outil marketing le plus puissant. Parce que comme pour le yogourt dans un supermarché, le produit culturel bien en vue vendra beaucoup plus que celui qui est caché dans la section des produits spécialisés. C’est aussi ça le showbiz.
LES QUÉBÉCOIS SONT DES ÊTRES EXTRAORDINAIRES…
moi qui est conciliatrice et coach je le réalise tous les jours: quel bonheur extraordinaire d’être témoin et de voir tout ce que les gens peuvent créer
de bonheur et d’ amour avec leurs talents et leur amour de la vie !! marief
L’«atelier» de sculpteur de Michel-Ange comptait des centaines d’«employés», artistes et artisans occupés à produire les commandes obtenues par le maître qui faisait face à une compétition féroce de la part de ses contemporains pour obtenir de la visibilité auprès des puissants de l’époque et maintenir le rythme de sa grosse PME.
Contrairement au mythe d’usage le fric et les artistes ont toujours fait très bon ménage.
Ce qui ne veut pas dire que l’État doit jouer les absents en matière de «cash» et surtout d’initiatives.
Nous vivons depuis 25 ans et l’arrivée d’Internet une période d’intense évolution
culturelle qui va s’accélérer dans les prochaines années; d’abord parce que de nouvelles approches technologiques vont faire leur apparition et ensuite parce que comme un cancer silencieux, les 25 ans d’incurie de l’État québécois en matière d’art numérique vont révéler de plus en plus rapidement leurs ravages.
Le problème ici ce ne sont pas les budgets mais l’absence stratégique de l’État du champ de la culture numérique. Un État technologiquement inculte; indifférent ou paralysé au point d’être incapable de laisser aux artistes du numérique un accès égale à la table du financement actuel.
Un État à ce pont incompétent que son inaction équivaut à laisser jouer à fond les «forces du marché» en ce qui a trait à la culture numérique. À quoi peut-on s’attendre alors? La nature a horreur du vide et depuis 25 ans les Québécois ont appris à migrer massivement vers les contenus culturels de France et/ou des États-Unis. Aller les chercher là où ils se trouvent enligne pour les «rapatrier» vers des contenus musicaux ou cinématographiques québécois exige une expertise et des moyens hors de la portée des producteurs/éditeurs lambda.
Dans les prochaines années le derrière des autobus risque de nous montrer plus souvent celui de Kim Kardhasian que la tête de Jean Leloup. Who’s that guy anyway?
A remarquer que Michel-Ange, comme tous les artistes de son époque, était plus que subventionné, tous les revenus venaient directement de l’État (ici la papauté) et ses dépenses étaient entièrement payés par eux. C’était la politique des grands dirigeants des cités italiennes de l’époque (puis plus tard de tous les grands royaumes européens) et qui a donné la Renaissance: S’attacher directement les grands artistes et leur donner les moyens de réaliser leurs chefs d’œuvre pour augmenter le prestige de ces grands souverains.
Une très belle réflexion qui démontre que la qualité peut également rimer avec efficacité, découvrabilité et attractivité en culture!
Avec près de 40 ans à suivre les groupes musicaux d’ici et d’ailleurs pour mon plaisir, je constate que nos artistes d’ici vivent les mêmes problèmes de diffusion que ceux des autres pays incluant les Américains.
Aujourd’hui, la multitude des canaux de diffusion complique l’effort de marketing de l’artiste et de sa nouvelle chanson. Plusieurs promotions d’album se font dans le cadre de festivals de musique.
Je me souviens de la première présence sur scène à vie au Québec de Rihanna au Festival des Montgolfières de St-Jean-sur-Richelieu, et tout récemment la promotion du nouvel album des Red Hot Chili Pepper au Festival d’Été de Québec. C’est comme faire goûter une nouvelle bière à des amateurs de bières dans un festival de bières. Le consommateur est déjà qualifié. Pour la musique, la diffusion semble être plus efficace dans les festivals de musique, incluant la vague des reportages du lendemain sur tous les canaux de diffusion.
Article intéressant, mais fort maladroit, mal renseigné et peu objectif.
Je travaille dans ce milieu depuis plus de vingt ans et vous en rabaissez ses artisans.
Jean Leloup, roi du marketing et business man, vraiment???
Pourriez-vous être un peu plus explicite ? Vos propos manquent de contenu…
Je travail aussi dans le milieu de la musique et je suis plutôt d’accord avec le commentaire de Stein Guitton. L’article est tellement mal informé que la liste des informations à corrigée serait plus longue que l’article lui-même…
Je ne suis pas du milieu artistique et vous avez le droit d’aimez les chiffres. Cependant votre discours est celui d’un gestionnaire qui présente la situation d’une compagnie avec des objectifs à atteindre pour obtenir une meilleur rendement.
Vous pensez vraiment que l’on consomme de la culture de cette façon ? Vraiment ?
J’ai comme l’impression que vous avez maladroitement lu l’article!
«un redoutable stratège de la commercialisation» qui a su «manier les médias, le public et l’industrie avec doigté. Leloup est un entrepreneur, un vrai.» Lol.
Y’en a un ici qui ne connait pas Jean Leloup. N’importe quoi !
Si la culture pouvait se nationaliser, ça réglerait un paquet de problèmes.
Une famille de 4 de nos jours doit jongler avec toutes les offres disponibles, cultures et entertainment. Nous aimerions en consommer davantage. Le problème c’est que nous ne recevons pas de billets gratuits ou d’invitations aux premières. Nous devons les payer.
La culture est devenu comme tout le reste. Trop souvent trop cher pour ce que ça vaut vraiment!
En passant, le show accoustique de Leloup cet hiver étaient très décevant et ne valait vraiment pas le prix demandé. De même que pour celui de Moffat, endormant. Merci à Ariane et Jean, on ne me pognera plus à payer pour de la bullshit culture. Vive Kodi.
Il y a bien longtemps que les musées non soutenus financièrement par l’état ont compris cela. Pas le choix, tu rentabilises le musée ou tu crèves.
L’état l’a compris, et voilà qu’on demandent maintenant aux musées de sciences de s’autofinancer, parce que la science ne fait plus partie des champs de compétence du Ministère de la Culture (en parti du moins car certains musées eux, sans qu’on comprennent pourquoi, conserveront leur financement).
Donc, citoyen du Québec, sachez que bientôt, vous ne pourrez plus visiter de musées scientifique à moins de trouver le moyen de les autofinancer.
Constats très pertinents… J’aimerais seulement ajouter que ce n’est pas seulement l’ampleur des budgets alloués à la commercialisation qui font croître les revenus autonomes, mais la régularité d’exécution que celui-ci permet. Trop d’organismes « bénéficies » de politiques de financement qui n’ont le même effet que les coups d’épée dans l’eau.
La culture est nécessaire et doit être démocratisée. Le grand problème c’est qu’elle est lentement transformée en produit de luxe; acheter en ligne prend une carte de crédit et beaucoup des items culturels sont hors prix. Et ne parlons pas de la prostitution qui doit avoir lieu pour que l’artiste se distingue; on parle chanter en anglais ou écrire une enième version d’un thème qui a le vent dans les voiles au lieu d’y aller avec une idée originale. Finalement la culture est vue comme un passe-temps sans intérêt (jusqu’à ce que vous passiez à la télé!); le nombre de fois où j’ai annoncé que j’étais poète, pour me faire répondre « oui mais votre vrai emploi là » …
C’est quoi le rapport du yogourt? Ah oui Falardeau…aucun rapport lol.