Il y a maintenant plus de 12 ans, l’ancien premier ministre Lucien Bouchard publiait, conjointement avec 11 autres signataires, «Pour un Québec lucide», un manifeste sous forme de cri d’alarme qui identifiait plusieurs enjeux importants pour l’avenir du Québec et qui proposait certaines solutions pour y remédier. Tout ce qui se trouvait à gauche alors n’était pas du tout content. On connaît la suite. Un groupe, mené par Françoise David et Amir Khadir, allait répliquer quelques jours plus tard avec le «Manifeste pour un Québec solidaire». Le nom d’un nouveau parti qui allait naître en février 2006 était tout trouvé. On se souvient du premier slogan électoral de ce parti: «Soyons lucides, votons Québec solidaire».
Être solidairement lucide, ou lucidement solidaire… D’accord. N’en doutons pas, les Québécois sont très attachés à la solidarité. Mais savez-vous quoi? Si nous voulons déployer cette solidarité, ce ne sera pas en balayant sous le tapis les suggestions faites alors par le groupe des «lucides», tant décrié par la gauche. La grande majorité de ces suggestions demeurent fort pertinentes aujourd’hui, et bien que loin d’être toutes populaires, elles se doivent d’être revisitées, challengées et bonifiées. Au premier rang, réinvestir en éducation bien entendu, sans toutefois en contraindre l’accès par une trop importante augmentation des frais de scolarité (l’une des propositions qui a été la plus décriée et qui a presque mené le Québec au bord du clivage social il y a cinq ans). Celle-là est facile.
Une autre proposition suggérait de revoir la tarification de l’électricité. Il s’agit certes d’un suicide politique. Mais cette décision est essentielle. J’y reviendrai. Ce sera la sujet d’une prochaine chronique…
Une de leur principale préoccupation – et c’est sur quoi je veux m’attarder aujourd’hui – était liée à la productivité des entreprises québécoises. Une solution proposée était de recourir davantage à l’entreprise privée. De laisser plus de place aux entrepreneurs qui insufflent dynamisme, vision et détermination. Il semble que nous y arrivions, doucement. Le projet du REM proposé par la Caisse est un exemple parmi d’autres. Fort heureusement, de nombreuses personnes qui ont fortement critiqué le manifeste des lucides y ont vu une façon d’accélérer la mise sur pied d’une alternative solide au cancer que représente la voiture individuelle pour notre société. De nombreuses voix dites de gauche reconnaissent aujourd’hui que le privé peut faire partie de la solution parce qu’il sait être plus agile et surtout imputable. De l’entreprise privée à l’entreprise à but non lucratif, l’entrepreneur est sans aucun doute l’une des clés nous permettant d’inventer une société plus équitable.
Le danger est que le gain de productivité lié à l’utilisation de l’entreprise privée se fasse en grande majorité sur le dos des travailleurs de la classe moyenne. Vous voulez des exemples? En voici un avec lequel je suis particulièrement familier en raison de mes investissements dans le secteur du transport. Quand les sociétés de transport comptent sur l’entreprise privée pour la complémenter, elles donnent souvent des contrats à des entreprises qui embauchent une main-d’œuvre beaucoup moins rémunérée. Les conditions d’un chauffeur d’autobus à la STM sont probablement trois fois meilleures que celles offertes chez un sous-traitant. Pire, plusieurs entreprises du secteur du transport comptent sur des travailleurs autonomes. Des ressources qui sont payées en dessous des normes minimales que nous avons choisi d’imposer par loi aux employeurs. Des ressources payées moins de 10$ de l’heure, sans aucun filet social, c’est-à-dire sans régime de retraite, sans assurance en cas de blessure au travail et sans vacances, est-ce vraiment ça que l’on appelle de la productivité? Il semble que nous ayons accepté de créer une seconde classe de citoyens pour qui les lois du travail ne s’appliquent pas. C’est inacceptable. Dans le même ordre d’idées, on cite souvent le salaire des employés de la SAQ pour invoquer la pertinence de la privatisation de notre monopole d’État. Serons-nous vraiment plus avancés comme société si on élimine ces emplois de qualité?
Réimaginer la société pour la rendre dans son ensemble plus productive est une priorité. Il est possible d’y arriver tout en améliorant globalement les conditions de travail des Québécois. Ça va nécessiter des investissements importants, mais surtout une capacité d’innover.
Par exemple, le Québec se trouve au centre de ce qui constituera vraisemblablement la base de la proche révolution industrielle: l’intelligence artificielle. Il fait figure de pionnier mondial en ce domaine, et il est essentiel que la recherche fondamentale soit rapidement appliquée à tous les secteurs industriels actuels de notre province. Ne commettons pas l’erreur d’exporter notre matière première, dans ce cas-ci nos cerveaux, au service d’une transformation à haute valeur ajoutée ailleurs. Il ne s’agit là que de l’une des façons que l’on doit saisir pour rattraper notre retard indéniable en matière de productivité.
Il y a moyen d’innover socialement en imposant des balises au capitalisme pour s’assurer que les entreprises prennent en considération non seulement leurs actionnaires, mais aussi leurs employés, leurs clients et l’environnement; bref, la société dans son ensemble. Un peu moins de liberté corporative pour un peu plus de solidarité. Accepter de nous remettre en question dans notre ensemble afin de trouver des solutions, avec comme trame de fond la volonté de remplacer notre modèle actuel par quelque chose de globalement plus efficace.
À ceux qui useront du raccourci habituel en me traitant de socialiste ou pire, comme je l’ai entendu lors d’une rencontre avec un haut dirigeant d’une grande entreprise française, de cryptocommuniste, je réponds que vous n’avez rien compris. Il est incontournable de réinventer le capitalisme sous peine de faire faillite au mieux, être étêté au pire. Ce capitalisme existe, il est possible, il met les entrepreneurs au défi d’innover pour trouver de nouvelles façons de faire en respectant par contre certaines contraintes sociétales, le tout en symbiose avec leurs employés, les syndicats et les gouvernements. Ça s’appelle simplement du capitalisme humain. Le Québec peut être un pionnier mondial en la matière, quelque chose comme un grand peuple.
Tout d’abord merci de partager une vision inspirante du Québec de demain. Jamais je n’avais songé à me lancer en politique, mais si vous allez de l’avant il ne faudra pas vous étonner de voir une relève dynamique et jeune, qui n’adhère plus au modèle des politiciens de carrières qui semblent entretenir un lien trop serré entre les lobbys et qui n’ont aucune vision à long terme. J’entends déja les cyniques et les défaitistes affirmer que Taillefer finira par être contaminé par la machine mais je prédis plutôt une nouvelle ère politique qui viendra destabiliser et dépoussiérer les vieux partis.
Tristan Harvey
Bravo m. Taillefer. Je suis d’accord avec vous. Suffit de définir le « comment » et de l’offrir à la population. J’espère que votre entrée en politique se fera bientôt pour nous offrir un projet de société lucide et solidaire. Je suis avec vous!
Telllement je suis partante
La lucidité c’est d’accepter que le monde à changé. Il n’y a pas de planète B à exploiter. La productivité des robots et de l’intelligence artificielle est très largement supérieure à la productivité humaine. Nos vieilles façons de faire sont devenues contre-productives. Les règles de l’économie capitaliste et communistes ne marchent plus. L’amélioration de la productivité ne règle pas les problèmes. L’argent n’est plus la valeur raisonnable des biens et des services. La solidarité n’est plus suffisante. Repenser demain, c’est un gros chantier très enthousiasmant ou très effrayant. Mais veut, veut pas, on n’a pas le choix.
Bravo
Je ne peux qu’être d’accord avec ce discours. Mais concrètement, comment cela peut-il être réalisable? M. Taillefer semble compter sur la bonne volonté des entrepreneurs d’aujourd’hui et de demain. Soit. Mais la réalité nous montre plutôt des multinationales qui s’empressent d’acheter les bonnes idées des entreprises plus modestes pour mieux tout bulldozer par la suite et conserver leur mainmise. Le vrai problème est là: nos gouvernements perdent de plus en plus de pouvoir face à ces compagnies qui profitent du tapis rouge que la mondialisation a déroulé pour eux. Il faut éduquer les gens sur ces enjeux. Peut-être arrêteront-ils un jour de voter pour des vendeurs du néolibéralisme aveugle et seront attirés par des candidats qui ont à coeur un capitalisme à teneur humaine. Car si le capitalisme est encore valable, il a besoin d’un sérieuse refonte.
M. Taillefer,
Je suis d’accord avec vous sur tous les points. Il faut donc valoriser la productivité, mais ne jamais oublier l’humain qui se cache derrière cette productivité. Je pense que le Québec est prêt pour une telle refonte de son système économique puisqu’on réalise que le capitalisme est ce qui nous permet de nous épanouir économiquement; sans oublier que c’est aussi ce même humain qui désir ce même épanouissement. À mon avis toute société, avant d’embarquer dans une telle entreprise, doit faire une prise de conscience (être lucide) en se demandant si l’intérêt de l’Homme prime dans son système économiques. Si la réponse est oui, alors pourquoi ne pas appartenir à ce capitalisme humaniste. Ni de gauche, ni de droite. Juste humain.
La productivité … pourquoi pas le bonheur…. la productivité s’est un concept vague et tellement inutile. Parle moi d’une famille qui est heureuse de sa productivité familiale . Aucune … C’est pas un besoin de base , la productivité.
Imputabilité des cadres municipaux et provinciaux : ce n’est pas que tu dis avoir des garanties de réalisation parce que tu as soutraité la surveillance du chantier que tu n’es plus responsable du chantier. Quand le boss (ici les cadres) est sur le chantier, surveille le surveillant, examine les réalisations, anticipe les réalisations, ça travaille bien plus serré (pas de bottechage). Le boss dans le privé check son affaire alors pourquoi les cadres sont assis sur leur steak. Il y a des limites à déléguer, elle est où l’imputabilité des cadres.
La sous-traitance au privé amène des résultats de mauvaise qualité. Vous voulez des exemples en voici. Les routes sont construite par le privé et surveiller par des firmes privés. Le système de santé repose sur un système de sous-traitance médicale de luxe qui permet aux médecins de s’incorporer pour payer moins d’impôt (Enfants qui sont des employés genre) et qui offre des mauvais services. Le CHUM est un désastre … déjà de la moisissure … même pas ouvert. Les contrats en information données à CGI pour SAGIR. Sérieux c’est le pire système informatique que j’ai vu dans ma vie. On continu tu on va aller faire un tour ailleurs. L’Ontario a privatiser une partie de leur Hydro one. Résultats augmentation des tarifs, déficits et services de mauvaise qualité. Un autre on va parler de la privatisation de la société des alcools de la Colombie-Britannique , résultat — l’alcool coûte plus cher qu’au Québec …. La privatisation des sociétés d’État a été appliqué par des gouvernements appuyer par le FMI partout dans le monde et ça donne rien de bon même le FMI le dit donc je pense que les gens devrait d’abord s’instruire un peu. C’est ça le problème du Québec. En passant, le privé à détourner 190 milliard dollar vers les paradis fiscaux l’an dernier …. On peut tu en parler de cette argent là. Il y a aucune étude qui démontre que le privé est plus efficace que le privé absolument aucune. Donc arrêtons de croire que c’est la vérité absolu et allons lire ce que les meilleures dans le monde font. Les meilleures états nationalisent leurs ressources naturelle (Équateur, Danemark, Islande etc… ). Il faut lire et s’inspirer des meilleures pas refaire les erreurs du 20e siècle et surtout pas croire que l’économie est une science. J’ai fais des études partout dans le monde, j’ai rencontré des chefs sociales en afrique, en amerique du sud, aux USA , en Europe et en Asie. Leur point commun, il croyait en une juste balance entre l’état et l’individu. La croissance économique est basé sur la consommation des ménages et l’investissement de l’état. Les grandes entreprises quand tu baisse leurs impôts, il délocalise leur profit et utilise les conventions internationales pour rapatrier leurs argents. Ils investissent pas. Le contrat sociale c’est la base d’une société.
Le capitalisme humain ou comme j’ai eu la chance de l’entendre dernièrement, le capitalisme responsable, est effectivement la suite logique au progrès de nos sociétés. Très bel article!
Merci de nous inspirer un peu plus chaque jour dans le développement de notre startup.
Oui ce capitalisme existe, vous en êtes une belle preuve, mais on s’entend que vous êtes un marginal aux côtés des capitalistes sauvages qui veulent avoir toute la part du gâteau, le moule, le four, la cuisinière et le champ de blé ! Ce capitalisme est une maladie étendue à l’échelle mondiale et ça va prendre une bonne quantité d’Alexandre Taillefer de ce monde pour faire prendre conscience à ces « malades » qu’ils crachent dans leur soupe à ne pas vouloir la partager pour le grand bien de tous. Merci de continuer à y croire et tant qu’à moi vous êtes plus utile à donner l’exemple comme entrepreneur que comme politicien, ces derniers ayant laissé aller depuis longtemps le pouvoir aux banques et au grandes corporations ! J’admire ce que vous faites monsieur !
Bravo, M. Taillefer. Très grande nécessité de gens de votre lucidité, de votre calibre. Être plus jeune, je serais des plus heureuse de me joindre avec M. Harvey à votre équipe …. se rebrancher en profondeur sur le CAPITAL HUMAIN ….
Très inspirant . J’aime la fraîcheur de ces idées contemporaines .L’extrême droite n’est pas un modèle de société qui fonctionne à long terme et il est temps que nous pensions plus comme une communauté responsable . Bravo pour avoir le courage de vos opinions intelligentes .
Il y a beaucoup de vérité dans votre texte, cependant notre ancien premier ministre Lucien Bouchard, dans sa grande lucidité pour arriver au déficit zéro a mis tout le Québec sans dessus dessous avec sa réforme sur la santé en congédiant plusieurs milliers d’infirmière encore très active. Tous les grands bouleversements, ne se font pas du jour au lendemain il faut parfois 10 à 15 ans avant de pouvoir y arriver » alors si vous y voyez une possibilité à court terme, je vous souhaite la meilleure des chances.
Bien ecrit.
Concis,clair,precis.
Vision solidaire et lucide pour notre societe.
Merci de votre engagement comme entrepreneur et citoyen.
Telllement raison. Je suis entrepreneur j organise. Pour 2018 expo autonomie innovation , la nouvelles autonomie
Enmene Les industrie à devolper des produits pour handicap et la nouvelles autonomie et pour exporter Mais si t es pas une obnl qui fait depuis 15 ans chiall sur le vieillissement , j amené avec mon équipe une solution mais tout est donner au Obnl vous savez plus ont va former les gens et devolpper faire de la prévention Et usiner ici. Plus ont alléger le système de santer Et ca depuis 2008 que je voyage la dessu dans monde. Et plein industrie euro veuillent mixer mais je ne suis pas une obnl qui eu prenne nos idée de long Anne de travaille eux. C’est des spécialistes de demande de fond et de vol idée pour justifier leur fond sudventionnet C est que je pense à mes enfant que je suis encore aussi engager et je croie au Quebec
Tout à fait d’accord avec vos propos.
Si nos entreprises privées n’ont que le sous- paiement de leurs employés comme moyen de rentabilité, c’est qu’elles ne sont pas assez innovantes et/ou bien gérées.
Capitalisme n’est pas synonime de jungle sans règles.
Merci pour ce texte inspirant.
Bien hâte de lire votre texte sur la tarification de l’électricité.
Bonjour,
Je trouve le texte juste et à propros. D’un côté, nous avons besoin de dirigeants, entrepreneurs et chefs d’entreprise avec ce type d’idéal à l’esprit et à l’œuvre. Et de l’autre côté, notre gouvernement / système politique doit également délaisser cette stigmatisation systématique de la gauche / droite pour se concentrer sur les forces et faiblesses de chacune afin de construire la société de demain! Merci d’avoir partagé cet éclair de lucidité, c’est rafraîchissant!
Le capitalisme réinventé: oui. Mais pour garantir son succès, celui-ci doit absolument être pensé, initié et codifié par la base, et non par l’élite. Autrement, la base s’en méfiera et le rejettera. Comment générer les conditions gagnantes qui permettront à la base d’entamer une franche réflexion et une initiation à grande échelle? La RESPONSABILISATION.
Nous vivons dans une ère où depuis les années 1960, et plus particulièrement depuis 1982, les droits et libertés de tous ont pris le dessus sur le bien commun. Quand ont codifie, et même qu’on constitutionnalise les droits et libertés, le focus de la population est plus porté vers la préservation de ses droits individuels, que sur ses responsabilités en tant que membre à part entière d’une collectivité. Et le résultat: c’est le pauvre et le riche qui se méfie l’un de l’autre, au lieu de se voir comme des possibles collaborateurs dans l’intérêt supérieur de la nation.
Il est grand temps de réintroduire la notion de responsabilité dans notre sphère publique. Un genre de « Ask not what your country can do for you, but what you can do for your country » ou « Pay it forward ». Je suis un jeune entrepreneur, et j’ai compris qu’on reçoit bien plus à long terme lorsque qu’on donne dabord sans attente de retour. En raison de mon éducation publique qui me permet aujourd’hui de me réaliser individuellement, j’ai une dette substantielle envers la société en général.
Ce n’est que lorsque la population générale se sera largement responsabilisée elle-même qu’elle pourra penser, initier et codifier un capitalisme à son image, gage de succès et au profit de tous, le pauvre comme le riche.
D’accord avec vous M. Taillefer et également avec Mme Brochu , à votre appel au capitalisme plus humain (capitalisme patrimonial) passe impérativement par la création du nouveau statut corporatif Benefit Corporation qui déplace votre responsabilité légale de la maximisation du profit aux actionnaires vers une responsabilité légale d’établir un équilibre entre le profit, le social et l’environnement envers toutes les parties prenantes responsables du succès de votre entreprise. https://www.linkedin.com/pulse/benefit-corporation-un-pilier-du-capitalisme-yvon-brousseau?trk=mp-author-card
Lors du premier référendum Lise Payette (si je ne m’abuse) avait déclaré que le québécois devra se serrer la ceinture et ce fut un esclandre. La caisse de bière prend ici toute sa dimension symbolique d’un Québec qui se plaint le ventre plein. Un grand peuple en devenir? Ben pourquoi pas, avec un leader pour qui la politique n’est pas une profession, mais un passage obligé pour ramener la fierté d’être québécois.
Votre texte rencontre l’ensemble de mes valeurs sociales démocrates. Notre système capitaliste à outrance a besoin d’ être assaini pour devenir un écosystème où tous y trouverons leur compte. Où chacun pourra atteindre la productivité, la reconnaissance et un niveau de vie digne d’une société qui doit partager ses richesses.
Claude Millette, sculpteur