Ta chicane Facebook en 10 étapes
Voici les dix étapes d’un conflit sur Facebook à l’ère de l’individu-média.
1. Présentation. Tu écris un statut ou publies un lien, en prenant le ton minutieusement calculé de ta personnalité en ligne. Tu peux être exagérément flatteur, outrageusement critique, faussement poétique ou extrêmement hilare. Il est important de savoir qu’il s’établit déjà une distance entre ce que tu ressens réellement et ce que tu souhaites qu’une centaine d’étrangers perçoivent de ta façon d’interpréter la vie.
2. Intervention. Une personne que tu connais, à peine, via quatre rencontres de groupe (dont une par hasard) essaie de te remettre solidement à ta place.
3. Pas de coups en dessous de la ceinture. Le ton monte, mais toujours dans l’arène d’une sorte de respect qui est aussi la crainte de froisser quelqu’un d’éventuellement plus (web)puissant que soi. Cette crainte permettra à certains arguments plus douteux (fréquentations, contrats, échecs professionels passés) de passer sous silence. Si jamais ces tabous se manifestent publiquement de la part de l’un ou l’autre des parties litigieux, le rapport est terminé et les allégeances devront se manifester, subtilement, généralement via des tagues, dans les semaines et mois à suivre.
4. Les spectateurs. Tandis que des vingtaines ou trentaines de personnes lisent l’échange de manière tout à fait anonyme, se joue une partie de distribution passive-agressive de like. À ce point-là, les gens ne “likent” pas un commentaire pour ses capacités argumentatives et son rapport cohérent avec la réalité, mais bien pour passer un message: voici où mes allégeances règnent. À ce point-ci, les deux partis commencent à se fâcher contre des gens qui n’ont encore dit aucun mot dans ce combat de coqs. Certains vont cliquer “like” sur tous les commentaires, se faisant particulièrement présents pour des gens qui ne contribuent nullement à la conversation.
5. Les supporteurs de l’ombre. Deux à trois fenêtres de conversations s’ouvrent. Il s’agit de supporteurs anonymes qui manifestent leur appui ponctuel, mais qui ne veulent pas se manifester publiquement, question de ne pas froisser un individu dont ils pourraient éventuellement profiter.
6. Tendre la main. À votre tour de chercher dans votre liste d’amis en ligne un supporteur: un ami qui aura peut-être liké le statut initial, ou un commentaire, ou qui s’exprime régulièrement sur le sujet en question. Son ralliement privé à votre cause vous confortera du bienfait de vos élucubrations publiques. Son silence, malgré le petit signe “vu” dans votre petite fenêtre de conversation, vous fera angoisser par rapport au soutien de votre ami.
7. Persona non grata. Un étranger total, que vous gardez dans votre liste d’amis dans le seul but qu’il continue de partager vos liens ou de vous créditer lorsqu’il partage du contenu qui va devenir viral dans quinze minutes, s’incruste dans la conversation. Il fera de longues répliques, composés d’allusions à des complots, des théories religieuses ou des préjugés honteux, et toutes ces répliques resteront sans réponse et sans like. Il publiera des liens que personne ne lira. Étant moins web-puissant, il sera rapidement lu mais ponctuellement ignoré.
8. Intervention divine. Une webstar authentique intervient. Ce sera, au contraire de l’anonyme, un très bref commentaire passe-partout qui ne révèle aucune opinion spécifique. Ce sera le commentaire avec le plus de likes.
9. Prières. Des gens, probablement ce même anonyme qui a lancé de longs commentaires, répondront à la webstar en le taguant, en espérant sincèrement que celle-ci réponde. La webstar est passée à autre chose.
10. Silence. Après quelques minutes de silence, causé par le commentaire maladroit d’un individu moins adepte des codes subtils et non-écrits de l’argumentation en ligne, la discussion peut officiellement être considérée comme morte, sans être résolue. Vous gardez les commentateurs désagréables comme amis Facebook, parce qu’on ne sait jamais.
il manque le point 11, le point Godwin, où quelqu’un compare un autre à Hitler, l’étape souvent après laquelle tout débat devient complètement incohérent.
Chicane par-ci, chicane par-là… Moi, à l’instar du schtroumpf grognon, je déteste la chicane – comme toutes autres choses déplaisantes, d’ailleurs.
Et Facebook comporte tous les ingrédients du plus indigeste cocktail qui soit. Aucun contrôle sur les dérapages (prévisibles), impossibilité de stopper une diffusion tous azimuts dommageable, multiplication des pertes de temps à gérer des trucs inutiles, profusion d’amis-bidons et de commentaires creux.
À moins que vous aimiez la chicane et tout ce qui tombe dans la catégorie des choses oiseuses, Facebook est donc à éviter à tout prix. D’autant plus que ce qui n’était déjà pas fameux à maints égards, il n’y a pas longtemps, aurait tout récemment empiré. Quoi donc? Je ne sais trop quoi, je n’ai pas porté beaucoup attention sauf pour me rappeler que ce n’était pas du tout une bonne idée d’être sur Facebook. Encore moins aujourd’hui que ce ne l’était hier.
Et puis, cela dit bien confidentiellement entre nous (et loin des haut-parleurs de diffusion massive de Facebook), pour la chicane nous avons amplement ce qu’il nous faut sous la main grâce au gouvernement péquiste actuel: une pandorienne Charte de la zizanie. Une grosse tempête ponctuée de tornades et de trombes destructrices pour nous seuls ici au Québec.
Sans avoir à partager la moindre petite bribe de notre chicane sur Facebook pour qu’il en résulte des dommages considérables et irréparables. Une occasion à rendre jaloux d’envie les dirigeants de Facebook.
Vous tenez à votre vie privée? Vous voulez prévenir les coups avant qu’un boomerang oublié ne vous revienne en plein front? Vous cherchez de vrais amis, de ces personnes attentionnées qui vous accompagneront et vous soutiendront dans les passages difficiles de votre vie?
Alors tenez-vous loin de tous ces gobe-membres de type Facebook. Vous n’avez qu’une vie à vivre. N’en gaspillez pas trop là où il n’y a rien à gagner et tout à perdre.
(Et n’oubliez pas: pour la chicane, rien ne vaut la Charte du ministre Drainville. Nul besoin d’aller voir ailleurs lorsqu’on est si bien servi chez soi…)