Cybercrime et châtiment
Le like et le tweet ont désormais des conséquences légales auparavant insoupçonnées. Petit tour de piste d’une nouvelle justice virtuelle.
2014 se terminait avec la disparition momentanée du géant “The Pirate Bay” et avec l’apparition spontanée d’une nouvelle loi canadienne visant à dissuader et punir le téléchargement illégal de fichiers protégés par des droits d’auteurs.
Le Canada
Si la nouvelle a semblé anodine, parce que parue dans le temps des Fêtes et rapidement enterrée par d’autres événements de l’actualité (du Sony Hack à l’attaque envers Charlie Hebdo), elle a piqué la curiosité des experts du web. La nouvelle loi présentait surtout des étapes d’avertissements et de punitions différentes, forçant apparemment les fournisseurs d’accès Internet à préserver, pendant six mois, les documents personnels des internautes soupçonnés de téléchargement illégal, dans l’optique d’une potentielle poursuite collective de la part de différents plaignants.
Ce que je trouve systématiquement frappant avec les mesures répressives légales sur le web, c’est l’écart entre la banalité du geste incriminant et la force de frappe de la réponse. Pour une utilisation strictement personnelle des fichiers téléchargés illégalement, les amendes se limitaient à 5000$ par utilisateur, allant jusqu’à 20 000$ pour une utilisation commerciale. Le recours à ces amendes reste encore incertain, et explique l’absence générale de panique dans la communauté web.
La France
Cet écart entre la facilité du geste (le téléchargement sur un site web de Torrent) et la conséquence (une amende) pâlit face aux événements récents en France. Les tweets vantant les actes terroristes qui ont mené à la mort de 12 personnes dans le cadre de l’attaque envers Charlie Hebdo sont eux passibles de 7 ans de prison. Un principe universel de la justice est que “nul n’est censé ignorer la loi”, or, combien d’internautes se sont-ils exprimés librement sur la toile, pour répandre de la haine, certes (une habitude somme toute assez commune sur cette géante toile) pour voir que ces 140 caractères ou moins pouvaient leur valoir sept ans de prison? Bien qu’une génération au complet soit née avec le web, sans connaître une époque pré-Facebook ou Twitter, il manque certainement une éducation face aux conséquences potentielles de nos gestes virtuels.
Le like
Et quel geste plus anodin que le simple like? Et bien, de plus en plus, cette fonction populaire sur Facebook, qui a depuis ravagé le web avec des likes-farms et qui connaît des incarnations différentes sur de multiples réseaux (le favori sur twitter, l’ajout aux coups de coeur sur tumblr, les upvotes sur Reddit, etc.) est utilisée en cour. Effectivement, dans le cadre de harcèlement et d’agression, le “like” donné par un individu à un statut ou à un commentaire agressant peut constituer de preuve dans sa participation à l’aliénation mentale d’un(e) plaignant(e). En ce sens, liker un statut ou un commentaire, le geste à la fois le plus anodin et le plus recherché sur les réseaux sociaux, crée à coup sûr des conséquences légales.
C’est encore et toujours cet écart qui me fascine: entre l’aspect informel du geste émetteur et la formalité satisfaisante de la réception de celui-ci. Pour un internaute, l’appréciation momentanée d’une publication se fait avec une relative facilité: un clic. Ce clic, cependant, se transforme dans sa réception auprès de l’auteur de la publication. Sur Facebook, il s’agit de la notification tant attendue et de l’accumulation publique des marques d’appréciation. Le geste prend moins d’une seconde, le like qui n’est pas retiré reste là éternellement. Sur Twitter et Tumblr, il suffit de cliquer sur l’étoile ou le coeur tandis qu’on “scroll down” sur notre réseau social préféré. Pourtant, ce geste stimule un envoi automatique chez l’auteur, lui donnant une formulation formelle et valorisante: telle personne a ajouté ce post à ses favoris. À ses coups de coeur. Récompense immédiate et satisfaisante pour un internaute récompensé pour son activité virtuelle, qui voudra probablement rechercher ce plaisir à nouveau, et ce, indéfiniment, tandis que celui qui fournit cette petite drogue de validation le fait de façon informelle et facile.
Un geste qui paraissait anodin et qui nous menait à bon nombres de conversations incrédules sur la susceptibilté de l’un ou de l’autre quant à sa popularité virtuelle, mais qui entraîne désormais des conséquences réelles.
Que ce soit le téléchargement illégal, l’expression de haine ou de mépris sur les réseaux sociaux ou bien le simple fait de liker, tous les gestes, aussi faciles et simples soient-ils, peuvent entraîner des conséquences lourdes pour leurs auteurs. Il serait temps qu’on s’éduque sur nos droits et libertés de façon plus concrète, parce que la loi est finalement arrivée sur Internet, et elle semble vouloir y rester.
Un des problèmes du « like », c’est qu’il ne représente pas forcément ce qu’il est censé représenter dans l’esprit des gens, c-à-d le fait d’aimer ce qui est relié au « like ». Un exemple classique: quelqu’un sur FB parle d’une chose qu’il n’aime pas, et ses amis FB peuvent « liker » pour dire qu’ils sont d’accord avec lui et non pas qu’ils soutiennent la chose qui n’est pas aimée, ce qui peut entraîner une confusion. Autre exemple: quelqu’un annonce le décès d’un proche, il y a des fois des amis qui vont « liker », mais bien entendu ce n’est pas dans le sens qu’il se réjouissent du décès! La fonction « Like » est donc en mon sens ambiguë vu qu’elle n’est pas utilisée par tous pour les mêmes raisons, et par le fait même je trouve que le fait de se baser sur un seul « like » au point de vue légal est insuffisant, il faut évidemment valider ailleurs, plus au niveau des commentaires.