Desjardins

Un frette épiscopal

Oubliez tout de suite la guerre imminente en Irak, la belliqueuse désobéissance de la Corée du Nord, l'élection d'un nouvel inconnu à la tête du NPD ou les sommets de Davos et de Porto Alegre. La vedette des médias la semaine dernière, c'était le froid. Le gros frette sale.

D'accord, qu'on se les gèle plus ici qu'à Vladivostok tient peut-être de l'inhabituel, mais certainement pas du miracle. À croire que l'ensemble des médias s'adressait exclusivement aux nouveaux étudiants camerounais de l'Université Laval, que tout le monde arrive en ville.

Dans l'avalanche de nouvelles inutiles qui ont su combler le vide sidéral des bulletins télévisés, on a donc pu apercevoir:

Sébastien Movet faisant des grimaces devant un type qui nous expliquait… qu'il faut bien s'habiller pour éviter l'hypothermie. Tiens donc!

Des Miss Météo se réfugiant à l'intérieur de peur que leur fond de teint ne craque.

Une nouvelle concernant la possible interdiction de laisser tourner les moteurs des voitures pendant plus de cinq minutes lorsque celles-ci sont immobilisées. Gageons que le lobby des démarreurs à distance frappera bientôt.

Côtelette Provencher perdre ses moyens devant un Claude Poirier qui lui racontait s'être gelé les bijoux de famille avant de lui envoyer un splendide "10-4".

Une étudiante du secondaire passablement niaiseuse nous laissant croire que, parce qu'elle vient de Montréal, elle ne savait pas qu'il faisait aussi froid à Québec et que c'est pour ça qu'elle n'a pas de tuque.

Une pauvre madame qui se chauffe en mettant un ventilateur devant la porte du four qu'elle laisse ouverte parce que son proprio a coupé le jus…

Un perdu du raid Ukatak avec de la glace dans la barbe, des traces de break dans les shorts, tout couvert d'engelures.

Le nouveau vieux traversier en arracher à mort entre Québec et le bout du monde, la Rive-Sud.

Sans oublier les lock-outés des garages de concessionnaires automobiles faisant les pitres devant un feu de camp en édifiant des igloos en neige brugne.

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Devant telle vacuité, vous n'aurez, comme moi, pu faire autrement que de vous tourner vers l'autre nouvelle de la semaine: le départ de Mgr Couture et l'arrivée de son successeur, le dénommé Marc Ouellet.

On a donc appris que Mgr Ouellet aime Dieu, son fils Jésus, l'Abitibi, le hockey et la ligne dure du Vatican. Vous savez, celle qui laisse pourrir le tiers-monde et l'ensemble de l'Amérique latine dans un obscurantisme moyenâgeux.

Bon théologien et efficace politicien, Mgr Ouellet favorise aussi la langue de bois. Insaisissable, comme le mystère de Dieu, il effleure la question du contrôle des naissances, fait preuve d'une ultime prudence quant aux homosexuels, idem pour l'ordination des femmes ou le mariage des prêtres. Du déjà-vu chez les amis de Jésus.

Mais Mgr Ouellet n'aime pas les réformes.

"L'Église ne doit pas être comme inféodée aux idées dominantes d'une culture à une époque donnée", dit-il. Kossé ça veut dire? Fuck les droits de l'homme, la liberté, la démocratie et vive le bon Dieu?

Et il en rajoute, en plus: "Il est risqué de mettre un enfant dans le monde quand on n'a pas de relation vivante avec Dieu." Ayoye! À croire que tous les parents qui n'ont pas la foi se présentent au marbre avec deux prises. En vérité, je vous le dis, il s'agit là d'assertions qui ne manquent pas de me donner la nausée.

Parlez-moi d'un gars qui va nous rendre l'Église attrayante, qui va rameuter les foules et évangéliser les pauvres impies que nous sommes. Merci Jean-Paul!

Mgr Ouellet, j'aime encore mieux vivre dans le péché – mortel de préférence – que dans le mensonge et l'hypocrisie que votre Église a élevés au rang de sport professionnel. Quitte à croire, plutôt que vos âneries, celles des Miss Météo qui m'affirment que je choperai invariablement le rhume si je ne me couvre pas par ces grands froids.

Alors pour l'instant, je me tricote un petit condom en laine en attendant de pouvoir éternellement passer l'hiver au chaud, en enfer.