Si j'entends un autre Montréalais me dire: "Oui, mais c'est beau, Québec", je pense que je vais hurler!
Autant dire Québec la toute propre, la soporifique: la belle au bois dormant. Pas que je leur donne tout à fait tort. Mais plutôt que derrière cette affirmation, mêlant une certaine condescendance à une malhabile tentative de compliment, se cache une vérité qui fait mal: notre féerique Vieux-Québec évoquant une sorte de Disneyland à saveur culturelle et historique apparaît désormais comme le royaume de l'ennui. Un décor en carton-pâte sans vie qu'on offrirait en pâture aux touristes le plus clair de l'année.
Ce n'est pas que je ne l'aime pas, ce quartier où le soleil explose littéralement sur les superbes toitures métallisées qui fascinaient aussi H.P. Lovecraft, c'est seulement l'impression de parcourir une ville fantôme qui me glace l'âme.
Il n'y a pas si longtemps, 10 ans à peine, j'y vivais, rue Sainte-Angèle, à quelques mètres du pub du même nom. Régnait alors une ambiance électrique, presque à longueur d'année. Punks, yuppies, babas cool et touristes y cohabitaient sans trop de heurts. Festivals ou non, la rue Saint-Jean était investie plusieurs soirs par semaine de badauds au taux d'alcoolémie variable, écumant bars et terrasses, composant une superbe faune urbaine qui semble s'être évanouie, ne ressurgissant qu'en de rares occasions.
Entre le chaos et la splendeur, la ville trouvait une forme d'équilibre dans ce quartier qui pouvait autant compter sur l'histoire que sur son présent pour attirer les voyageurs curieux qui ne reniaient pas leur penchant pour la fête.
Mais cette beauté qu'évoquent maladroitement mes amis de la métropole s'est aujourd'hui transformée en une espèce de damnation qui risque de nous sauter au visage un jour ou l'autre. À moins que les touristes soient trop abrutis pour se rendre compte qu'ils sont désormais presque seuls à l'intérieur de l'enceinte, ce dont je doute.
Je ne sais pas pour vous, mais moi, je déteste me promener dans une ville qui prend des airs de parc thématique. L'âme d'un lieu n'étant pas composée de pierres tricentenaires, mais de ceux qui y vivent et qui, dans ce cas-ci, on les comprend, se font de plus en plus rares.
Exaspérés par l'incessant cortège d'autobus, l'absence d'une épicerie digne de ce nom, de stationnement et par l'insatiable envie des politiciens à créer de fausses attractions – comme le tristement célèbre buste de Pouchkine qui a soulevé l'ire de nombreux résidants quasiment prêts à brandir la kalachnikov pour en empêcher l'érection -, les résidants réclament un reality check.
Un désir de changement qui va cependant trop loin lorsqu'ils s'attaquent aux bars environnants, pollueurs nocturnes qu'ils ne sauraient tolérer. Une sorte de contradiction qui m'échappe, comme s'ils souhaitaient empailler le secteur afin d'y trouver un calme carougeois en plein centre-ville. Car si on peut déplorer tous ces problèmes et manquements, en plus de la cacophonique ribambelle de hideux petits Ontariens qui investissent la ville chaque printemps, on ne peut nier que de venir vivre dans le Vieux, c'est accepter qu'on doive se taper une partie du problème.
Ce ne sont donc pas que les services qui manquent dans le Vieux-Québec, mais la sensation d'arpenter un lieu possédant d'autres attraits que sa fabuleuse architecture.
Au risque de passer pour un demeuré, elles me manquent, à moi, les rixes entre les clients du Bistro et de l'Arlequin. Je m'ennuie des clochards qui s'endormaient au pied des portes cochères menant aux minuscules cours intérieures, des quelques pushers disséminés çà et là, des fous furieux qui, l'hiver, descendaient la côte du Palais en glissant sur des plateaux volés au McDo. J'ai l'impression que le Vieux a perdu une folie qui s'est dissipée comme les volutes émanant des cheminées de la Daishowa, dans l'azur.
Peut-être que je me trompe, que ma nostalgie un peu tordue m'empêche de voir que le changement n'est pas si draconien? Vous saurez me le dire.
Demeure cependant le terrible sentiment qu'on a aseptisé cet endroit à la chaux, qu'on en a fait un Québec Wonderland où je crains trop souvent de voir surgir, au détour de la rue D'Auteuil, un mutant partageant les traits de Jean-Paul L'Allier, de Pouchkine et de Mickey Mouse.
L'horreur, l'horreur.
En lisant le billet de M. Desjardins, je ne peux m’empêcher de penser à mon oncle qui me répète sans cesse « Ah nous autres dans les années 70 ça se passait pas de même. On défiait l’autorité, on faisait du pouce jusqu’en Gaspésie, on couchait toute le nuit sur les Plaines ! » C’est normal d’être nostalgique de sa jeunesse, mais un moment donné il faut se rendre compte que la donne change, et que ce serait assez inquiétant de savoir que les jeunes d’aujourd’hui font le party de la même manière qu’à votre époque. On est en 2003, pas en 1993 ! Et si il n’y a plus personne sur la rue St-Jean, c’est parce qu’il n’y a rien à faire. Le vendredi soir, les jeunes font sûrement d’autres choses pour s’éclater que d’aller boire une quille de Molson Ex en regardant des vieux clips de Nick Cave à l’Arlequin ou d’aller voir un hommage à Depeche Mode au Kashmir. J’ai l’impression que M. Desjardins se demande, perplexe, pourquoi le party n’est plus au même endroit qu’il était il y a dix ans, sans être au courant que c’est désormais ailleurs que ça se passe.
C’est avec tristesse que je dois quitter la ville de Québec, que j’habite depuis 2 ans, pour retourner dans la métropole. Je dois avouer que je n’ai pas fréquenté la rue St-Jean plus que 6 mois après mon arrivée. En effet, cette rue n’est qu’un ramassis de visiteurs et très peu de résidants. En me promenant sur la rue j’ai souvent l’impression de me retrouver sur une carte postale. Quelques chose de féérique mais qui n’existe pas ! La solution ? Écouter les gens qui habitent le quartier, plus d’activitées consacrées à ceux-ci et non pas pour en mettre plein la vue aux visiteurs… Ainsi les gens se réapropriraient le quartier et l’âme y reviendrait !
Je vivais moi-même dans le V-Q (sans jeu de mots…) il y a dix-treize ans. La (plus belle) terrasse de la Fourmi Atomik était mon salon, le D’Auteuil mon autre salon et ma salle de jeu. La scène de la place D’Youville était déployée en fonction de la plus grande foule possible, la faune y était variée, parfois avariée… Le Capitole achevait son règne de squat de luxe. CKRL préparait ses valises mais le Voir songeait bouger de la rue Cartier vers la côte du Palais. Tout ça pour dire que même l’hebdo qui nous permet ici de faire connaître nos opinions sur la transformation en douce du Vieux n’a pu résister et a rebougé sa carcasse dans le quartier agité. Y’a pas de morale à mon petit paragraphe. Seulement dire que tôt ou tard il y aura un retour du balancier – C’est sûr! – et en réaction à cette aseptisation décrite par D.D., nous verrons bientôt réapparaître, avec les nouveaux vieillissements d’un décor qu’on aime bien, une jeunesse (sinon les signes d’une jeunesse) se réaccaparant ce qui nous appartient à tous : faire de quoi Évidemment, je rêve en couleur ! À titre d’exemple, la rue Cartier de mon enfance et de nos adolescences est devenue l’«Avenue» Cartier d’adultes sages qui se sont permis une douce aseptisation… irréversible.
Je suis moi aussi d’accord avec le commentaire d’Étienne Giroux… Ce billet ressemble beaucoup à un accès soudain de nostalgie… Mais il faut bien s’y faire, on est rendu en 2003 et les choses ont changé… Peut-être que le lieu central de la vie à Québec n’est plus en plein coeur du centre-ville, mais ça ne veut pas dire pour autant qu’il est mort… Il y a encore beaucoup d’énergie au centre-ville et toujours beaucoup de monde sur les trottoirs et dans les bars… Et de toute façon, ça ne sert à rien de pleurer sur le sort de Québec si on s’exile à Montréal ou en banlieue, il faut plutôt tout faire pour y garder de la vie, participer aux activités qui y sont organisées, y sortir, encourager ses commerçants, etc.
Pour ce qui est d’une comparaison avec Montréal… Je ne m’aventurerai pas trop là-dessus, mais je ne pense pas que Québec y serait si désavantagée… Il y a peut-être moins de monde, mais ce monde vit à fond à Québec, je crois bien….
En bref, agissez! Une chronique comme celle-ci ne sert absolument à rien à part conforter le sentiment que Québec est une ville décor pour touristes. Il faut l’envahir, nous ses citoyens! La réclamer et l’utiliser à fond… Pas pour chasser les touristes, mais pour leur montrer ce qu’est vraiment la vie à Québec, c’est à dire pas seulement un Cap-Diamant illuminé et des remparts rappellant la ville militaire qu’elle n’a jamais réellement été, mais plutôt une ville à l’avenir assuré et avec des habitants énergiques et pleins d’idées!
Tout ce qui s’appelle ‘tourisme’ est une culture de voyages organisés qui va du ridicule au plus raffiné. Malheureusement, le ridicule paie plus et comme personne n’a le temps de planifier des vacances, organisons, donnons l’impression d’un irréel qui ressemble plus au vide et à la sensation que l’on n’a pas perdu son temps à flâner, se reposer avec un bon livre ou tout simplement reprendre un certain contrôle de son temps. Festival des feuilles à l’automne, qui n’a jamais pris sa voiture, un autobus, pour voir le paysage automnal du Québec!!! Les bouquinistes, boutiques de livres d’occasion ambulantes etc…
La ville de Québec a tristement misé son développement économique sur le tourisme, sans tenir compte qu’il y a des gens qui y vivent ou qui voudraient peut-être bien y vivre. La voiture est un bien essentiel puisqu’il pas l’épicerie du coin, le petit fruitier bref tout ce qui aurait pu exister et qui pigmente la vie quotidienne. Ne parlons pas du logement où les subventions ont tardé, si elles ont existé, et qui nous laissent voir des immeubles et des maisons qui ont grandement manqué d’entretien. Sans le vieux Québec que reste-il de cette ville? Une ville sans âme auquel le touriste n’y a jamais accès!!!
Le tourisme rapporte… et beaucoup en plus! J’avais déjà entendu dire qu’en France, 1 million d’emplois étaient directement liés au tourisme (hôtel, restaurant). Si le QUébec avait l’équivalant, il ne resterait plus de chômeurs et même il manquerait de main d’oeuvre! Et ce qui est encore plus intéressant du tourisme, c’est que l’argent ne provient pas du québécois « A » pour le donner au Québécois « B », mais plutôt, très souvent, de l’extérieur de la province. Tout comme l’exportation, ce sont donc les autres pays ou provinces qui amène des capitaux. Dans ce contexte, oui, il faut ce que vous appelez des « parcs thématiques », comme il y en a plein en France. Lorsque vous faites le tour des châteaux de la Loire, surtout l’été, vous ne voyez que des autobus de tourismes. Mais l’important, c’est qu’en dehors de ce petit cercle que représente le Vieux Québec, là on peut vraiment vivre et se retrouver entres amis; parce que le tourisme a certainement contribué à développer les quartiers avoisinants qui, eux, ont gardé leur vie particulière. Je crois que le prix en vaut la chandelle!