Desjardins

Le badtrip du siècle

La nouvelle est tombée et tout le monde a sauté dessus. À pieds joints s'il vous plaît.

La fille du ministre de la Justice danse toute nue. Et dans des bars qu'on croit associés au crime organisé en plus. Wooooooo! La grosse affaire.

C'est le diabolique André Arthur qui l'a appris à tout le monde, du haut de son trône de roi déchu à Donnacona. Je dis bien diabolique, parce que dès le lendemain matin, on accusait l'animateur de chercher un peu trop profondément dans le fumier pour y trouver ses douteuses perles, de nuire à la bonne santé médiatique de la ville, d'être aussi nocif pour la population de Québec que le système d'aqueduc le fut un temps pour les habitants de Walkerton.

Pourtant, presque tous les bulletins télévisés, radiophoniques et pratiquement tous les journaux ont repris la nouvelle, visitant les bars de danseuses pour y trouver des indices, interrogeant les anciennes collègues effeuilleuses de Mlle Bellemare pour savoir si elle se drogue, si elle sort avec un Hells, si elle se laisse peloter dans les isoloirs et si elle parle des secrets de son papa à ses amies de temps en temps.

Bâtard que c'était triste à voir!

Même si Arthur confond souvent son célèbre "À la gang on sait toutte" avec un "À la gang, on raconte n'importe quoi", il avait tellement misé juste cette fois-là que tout le monde a voulu prendre le train, en s'assurant cependant de tirer sur le conducteur de la locomotive, et de loin, pour se déculpabiliser un peu en évitant de se salir les mains.

Alors dites-moi, que doit-on penser d'une junte médiatique qui est prête à exploiter une nouvelle tout en condamnant celui qui la lui offre, qui redistribue avec bonheur la merde qu'on a pelletée dans sa cour mais qui fustige celui qui l'alimente en fécalomes journalistiques?

Tristement, c'est un mal qui ne se soigne pas, puisqu'on l'entretient à grands renforts de syndromes du tirage et de la cote d'écoute.

Un mal qui se nourrit de la crainte de demeurer en reste, de passer à côté de la nouvelle du jour, même si on la croit répugnante.

Et ça s'appelle, le plus simplement, de l'hypocrisie.

***

Casser du sucre sur le dos d'Arthur aura presque permis d'évacuer la seule et unique préoccupation qu'aurait dû générer cette affaire: la situation attaque-t-elle l'intégrité de Marc Bellemare, non pas en tant que ministre, mais en tant que procureur général du Québec?

Car n'oublions pas que Bellemare a des pouvoirs extraordinaires, comme nous l'ont rappelé les quelques journalistes qui sont parvenus à surfer au-dessus du vortex de l'information-poubelle.

Il peut mettre fin à un procès, ou en changer le cours. C'est qui n'est pas rien, avouez-le.

Alors imaginez la scène.

Une nuit, le téléphone sonne alors que le ministre se prélasse au coin de l'âtre: "Monsieur Bellemare? Vous ne me connaissez pas, mais je vois votre fille beaucoup plus souvent que vous, tous les jours même. Belle tite femme. Pour l'instant, elle est en très bonne santé, elle va très bien. Vous ne voudriez pas que ça change, non? Alors arrangez-vous donc pour que Bob "Pit-bull" Chagnon (nom fictif) ne pogne pas plus que cinq ans…"

Le badtrip du siècle!

Juste pour éviter ça, pour que ça ne m'effleure même pas l'esprit, moi, ça ferait un moment que j'aurais démissionné.

Pas vous?