Desjardins

Le coureur de fond

Cette semaine, j'ai choisi de vous soumettre une devinette.

Je sais que le changement d'heure vous pèse, et puis bon, faut bien s'amuser un peu de temps à autre.

Alors sans plus tarder, voici la chose: Qu'est-ce qu'un tout nouveau jeu vidéo, une biographie de Jean Chrétien, des graffitis anglophobes sur les murs de l'ancien hôtel de ville de Baie-D'Urfé et la résurrection de Mario Dumont ont en commun?

Vous savez pas?! Bon, et si je vous dis que ça a un rapport avec le dernier rassemblement du PQ?

Non!? Toujours rien? Alors je vous donne quelques indices, assez révélateurs, et vous me dites quand vous trouvez la réponse…

D'abord, on apprenait que la nouvelle édition du jeu vidéo Syphon Filter comprendrait un tableau dans lequel des terroristes du FLQ s'en prennent à une rame du métro de Toronto. Ce qui est presque drôle.

Ensuite, l'auteur d'une biographie de Jean Chrétien prétend que le PM aurait envisagé d'envoyer la terrifiante armée canadienne au Québec en cas de vote favorable au OUI lors du référendum de 1995. Ce qui est presque inquiétant.

Aussi, les quelques protozoaires poilus qui ont peinturluré l'hôtel de ville de Baie d'Urfé appartiendraient à une milice sécessionniste, possiblement armée, qui comptait faire exploser des "boîtes à malle", comme dans un mauvais flashback des années 60, ou comme dans un jeu vidéo. C'est selon.

Et finalement, Mario Dumont ramène la question nationale sur le tapis pour rappeler qu'il existe.

Vous avez deviné? Ce que toutes ces nouvelles ont en commun, c'est évidemment le retour en force du souverainisme québécois sur la sellette.

Comme ça, en l'espace de quelques jours, alors qu'on l'avait presque effacé de nos mémoires vives, le voilà qui ressurgit de partout. Être paranos, on jurerait que c'est arrangé. Un véritable coup de marketing.

Mais de le croire disparu, c'était oublier que la question de la souveraineté est comme un coureur de fond de 70 ans. Après chaque course à laquelle il participe, on est convaincus qu'il va en claquer une, que ses jambes décharnées vont flancher. Mais il revient pour chaque marathon, inlassablement, avec l'entêtement des vieux qui refusent d'envisager la mort, ou même le vieillissement qui lui sert de pénible prélude. C'est comme quelque chose d'absurde et de beau à la fois. Le genre d'histoire bien human interest qui fait frémir les familles dans les chaumières. Et en plus, ça fait toujours un sujet de conversation moins déprimant que la réingénierie de l'État.

Sauf que là, si on prolonge la métaphore, j'ai comme l'impression que le marathonien septuagénaire risque de passer le fil d'arrivée en civière tellement il est magané.

Mais peu importe.

Car quel que soit son état, on conserve toujours un certain égard pour le joggeur du bel âge. Même si on le trouve un peu sénile, qu'on en a assez de le voir se pointer à chaque course. On le respecte. Pas nécessairement parce qu'on est d'accord avec sa démarche ou qu'on admire son entêtement, mais parce que le seul fait d'en commenter les allées et venues semble donner une raison d'être à ses défenseurs comme à ses détracteurs.

De même, sans débat sur la souveraineté, nous nous perdons, et la politique devient d'un ennui proustien. Comme si toute notre société reposait étrangement sur l'affrontement et que, lorsque la paix s'installe, la bagarre nous manquait. Un peu comme la guerre froide manque aux Américains.

Alors je suis là, à regarder le coureur de fond qui reprend encore une fois le départ, suivi d'un duo de brancardiers. C'est plus fort que moi, je trouve que c'est beau et complètement absurde en même temps. Et puis je soupire, à la fois fatigué et rassuré que reprenne cette course sisyphienne, me disant cependant que pour vous délester de vos soucis comme je le souhaitais, j'aurais peut-être dû m'en tenir à une devinette.