Desjardins

Salut Bonhomme!

Il a finalement frappé, le Front de libération de Bonhomme Carnaval!

Excités par la propagande syndicale, convaincus de leur indigne statut, parfaitement dégoûtés d'être exploités 15 jours par an, les bonhommes dans le Bonhomme ont, dans un étonnant coup d'éclat, détaché leur ceinture fléchée, jeté les mitaines et claqué la porte.

Snif!

Plus tôt le mois dernier, de nombreux commentateurs s'étaient empressés de décrier la démarche d'accréditation syndicale que l'équipe de personnificateurs et d'accompagnateurs de Bonhomme avait déposée, arguant simplement de l'imbécillité profonde de la chose ou de la dérive des grands empires syndicaux.

Mais qu'en savent-ils réellement? Et si Bonhomme était le cas le moins documenté, le plus secret et plus odieux exemple d'exploitation ouvrière de toute l'histoire du Québec?

Pensez-y. A-t-on seulement idée du sort réservé à ceux qui vivent derrière le visage des mascottes? Peut-on imaginer le degré de stress d'un Bonhomme en pleine parade, secoué par un tir d'artillerie composé de bouteilles de bière et de balles de neige traçantes? Un Bonhomme trimballé sans cesse d'un bout à l'autre de la ville pour serrer des mains, ses interprètes exposés à de nombreuses maladies contagieuses, terminant leur contrat avec un hand shake elbow, la guedille au nez. L'aine étirée d'avoir trop levé la patte, ils finissent leur quinzaine d'un harassant boulot à moitié sourds de l'abrutissant concert des trompettes en plastoc, exaspérés du harcèlement des enfants hyperactifs et des insultes proférées par la myriade de cobayes de la plus récente recette du caribou. Et que dire de l'odeur du costume qui vous colle à la peau, des mois après la fonte du palais de glace…

Admettez, connaissant ces conditions honteuses, que le Carnaval n'a que peu à envier aux sweat shops du monde entier.

Si au moins restaient quelques duchesses pour faire oublier ces nombreux tracas. Le désir ayant, comme on le sait, d'incroyables propriétés qui permettraient notamment d'altérer la conscience, imaginez ce que le saillant postérieur d'une duchesse aurait pu avoir comme influence sur les relations de travail entre les interprètes de Bonhomme et leur employeur.

Mais bon, trêve de bêtises et de grossières fabulations, malgré de difficiles négociations entre les parties, les bonhommes dans Bonhomme ont quitté, et déjà le Carnaval est à la recherche de remplaçants. Le président de l'événement avait l'air plutôt embarrassé, en conférence de presse, d'avoir à souligner que l'organisation est à la recherche de candidats, soulignant qu'un certain physique est requis pour le poste… Bon, pour une fois que l'obésité pourrait constituer un facteur de discrimination positive à l'emploi, on ne va pas s'en plaindre, mais comme me le faisait remarquer un confrère: bonsoir la magie!

D'autant que depuis des lustres, l'organisation entretient un véritable mystère autour du personnage, faisant tout en son pouvoir pour protéger l'image de Bonhomme, s'insurgeant contre le traitement que lui faisaient subir les gars de Taquinons la planète – souvenez-vous des nombreux coups de poêle à la gueule -, protégeant farouchement sa réputation lors de la publication d'une fiction dans laquelle un criminel se dissimulait sous les traits du frissonnant bibendum. Sans oublier cette exécrable règle de conduite qu'on imposait à tous les employés de l'organisation qui, lorsqu'on les questionnait à propos des interprètes de Bonhomme, avaient l'insupportable habitude de vous répondre comme s'ils s'adressaient à un enfant de cinq ans qui poserait des questions sur le père Noël, vous disant que la mascotte est bien vivante et qu'elle est faite de neige et de glace…

Hélas, cette fois-ci, le Bonhomme a lui-même assassiné son image à deux reprises en moins d'un mois. Un véritable hara-kiri de marketing. On découvrait – sans surprise, mais dans une médiatisation sans précédent – que plusieurs personnes se dissimulent à tour de rôle sous le costume, que ces personnes ne sont pas toujours aussi heureuses que l'indécrottable sourire du Bonhomme pourrait le laisser croire, et qu'elles seraient même enclines, entre deux "Joyeux Carnaval" caverneux, à lancer un désormais presque aussi classique "So, so, so, solidarité". Too bad pour le mystère.

Pas de quoi en faire un plat, dites-vous? Parfaitement d'accord. La chose est triviale, parfaitement stupide.

Mais avouez donc qu'avec ces nouvelles accablantes qui nous parviennent en ce début d'année, c'est fou comme la petite connerie à l'échelle locale a le don de nous réchauffer le cœur.

Ce n'est pas notre faute: comme ceux qui se cachent sous Bonhomme, nous sommes humains, et donc un peu tatas nous aussi.