Desjardins

De la drogue, des strings, des cartes postales et François Reny

Il y en a qui abhorrent cette période de l'année où tout fonctionne au ralenti. Impossible de joindre qui que ce soit, des remplaçants partout, même à la télé et à la radio… ce qu'on peut s'emmerder l'été, grommellent-ils.

Permettez? Suis pas d'accord. Ce moment, c'est le meilleur. Tout s'arrête, le temps se dilate. Même les priorités changent, se disloquent, ne serait-ce que pour quelques jours. Pour preuve, la nouvelle qui m'a le plus troublé la semaine dernière, c'est le retour de François Reny à la télé. Cela m'obsède et m'afflige encore plus que l'état lamentable du programme spatial états-unien dont les déboires ne m'inspirent que poésie aéronautique: Ô NASA, suspends tes vols…

Par ailleurs, vos effusions épistolaires, elles, ne prennent guère de vacances à en juger par l'affluence du courrier qui me parvient ces jours-ci, à commencer par cette délicate prose concernant ma position très favorable à l'endroit de la dernière édition du Festival d'été de Québec: "Heille Desjardins, ils te payent combien pour écrire ça? C'est un festival de merde, bourré de pub partout, et en plus, il faut payer pour y aller. Ils te donnent quoi pour te rendre si docile, toi qui leur faisais la job les autres années? De la boisson? De la drogue?"

Vous avez l'air con comme ça, Monsieur ou Madame Machin, mais ce n'est pas une si mauvaise idée. De la boisson, de la drogue… Ce pourrait être efficace, surtout si l'envie leur prend d'inviter Philippe Lafontaine à nouveau l'an prochain. Le cas échéant, le gens du Festival seront heureux de savoir que j'aime le chardonnay très froid, les bières blondes, la vodka russe avec du tonic, le marocain, le jamaïcain, mais surtout, je n'aime pas François Reny, bien qu'il sécrète un je-ne-sais-quoi qui engourdit aussi le sens critique.

Rare position neutre dans l'émoi et la clameur que suscite ne serait-ce que la mention d'une énième réforme scolaire, Mme Mongrain écrivait quant à elle, sur notre site Internet: "Cher monsieur Desjardins, si je ne m'abuse, vous avez, à peu de chose près, l'âge de mon fils aîné. Laissez-moi vous dire que lorsque mon rejeton a amorcé sa scolarité, je ne comprenais déjà plus grand-chose au système d'éducation. Au fil du temps, les maths, le français et toutes les matières connexes m'ont perdue dans le détour. Je suis pourtant loin d'être ignare. J'ai terminé avec succès des études universitaires et n'ai jamais cessé de chercher à enrichir mes champs de connaissance. Pourtant, lorsque venait le temps de seconder mes fils dans leur apprentissage scolaire, je me sentais aussi à l'aise qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine. La réforme que vous dénoncez sera-t-elle pire, ou meilleure? Je n'en sais trop rien. […] De toute façon, croyez-en mon humble expérience, il est vain de s'insurger, de se faire du mauvais sang. Nos chers décideurs n'en feront qu'à leur tête. Seule consolation au tableau: tous les jeunes de cette génération auront droit au même traitement. On verra bien où cela nous mène. Déjà, votre génération sait à peine écrire et elle peine à compter sans calculatrice. Et vous ne vous en portez pas plus mal."

Vous avez bien raison Mme Mongrain, le rouleau compresseur de l'appareil étatique ne saurait être arrêté. Anyway, l'aile jeunesse du Parti libéral du Québec a compris que d'autres combats primordiaux doivent être menés pour qu'enfin nos jeunes puissent apprendre en toute quiétude. Que proposent ces politiciens de demain comme priorité dans nos écoles publiques, me demandez-vous? L'imposition d'un code vestimentaire pour y éradiquer le port du string.

C'est quand même rassurant, non? Notre génération sait effectivement à peine écrire, mais pour ce qui est d'élever la connerie au rang d'art, elle peut se mesurer, et cela sans aucun complexe, à tous les diplômés du cours classique qui remplissent les sièges de l'Assemblée nationale.

Un drôle de numéro m'écrit. Celui-là, en plus d'avoir une calligraphie de rugbyman sous acide, me prend pour une agence de rencontres internationales: "Monsieur, je vous écris cette lettre pour vous demander si cela est possible de me mettre en rapport et de correspondre amicalement avec une dame canadienne habitant au Québec, âgée de 50 à 60 ans, parlant le français, aimant la nature, la mer, ainsi que pour échanger des cartes postales. Je joins dans ma lettre une carte postale de Bruxelles, qui j'espère vous fera plaisir. Jean Hunin."

Mon pauvre, il n'y a malheureusement personne dans mon entourage, pas même au bureau, qui corresponde à ce que vous cherchez. Cependant, je fais suivre votre demande à un autre membre de la profession qui organise des voyages de groupe avec des personnes de votre âge. Il s'agit même d'une célébrité locale, bien qu'on se demande toujours pourquoi. Peut-être connaissez-vous déjà François Reny?