T'es assis dans un coin, sous le babillard, juste à côté du comptoir d'accueil. Tu regardes tout le monde depuis quelques minutes en écrivant dans ton carnet. Tu te lèves, tu traverses la salle commune du refuge, tu viens me voir, tu te présentes. Journaliste? Chroniqueur? T'as pas l'air sûr. Mais tu veux savoir comment j'ai atterri ici. Tu veux savoir comment on devient sans-abri. Sans domicile fixe.
Tu veux comprendre.
OK, je peux bien te raconter, mais tu comprendras pas plus.
Pourquoi? Simplement parce que tu sais pas, parce que tu sauras jamais.
Simplement parce que tu sais pas c'est quoi de n'avoir jamais été aimé. D'avoir été ignoré, laissé-pour-compte. Abandonné à toi-même. Pour te donner juste une idée, quand je suis arrivé ici, on m'a demandé de parler de mon père, de ma mère, de mes frères et soeurs. J'avais rien à dire. Ils n'existent plus pour moi. Je n'ai jamais vraiment existé pour eux, anyway.
Tu ne pourras jamais nous comprendre parce que tu sais pas ce que c'est d'avoir 33 ans et d'en avoir passé plus ou moins 14 dans la rue. Tu peux même pas imaginer. Tu me regardes écraser entre mes doigts jaunis les mégots que je trouve dans les cendriers, je me roule une cigarette avec le tabac qui reste dans du papier Export A. Tu regardes ailleurs. Tu trouves que je fais pitié.
Je n'ai rien à faire de ta pitié. Elle ne me console certainement pas.
Bientôt, il va neiger, que tu me dis, pour faire la conversation. Je gage que tu vas trouver ça beau. Un manteau de duvet qui tombe sur la ville, penseras-tu? Moi, je suis tellement enfoncé dans ma misère que je ne vois plus ce qui est beau. C'est un luxe que je ne peux plus m'offrir. À la place, je fume, je bois.
Les premières semaines du mois, quand j'ai reçu mon chèque, je me trouve une chambre payable à la semaine et je pars sur la go. Ça dure quelques jours, et puis j'ai plus une cenne, mais au moins j'ai eu un peu de fun. Le seul fun que je peux m'offrir. Après, je reviens ici, je mets mes trucs dans un casier bleu, en métal, et je couche dans un lit tellement petit que si je me retourne trop vite en dormant, je tombe en bas, sur le plancher de terrazzo.
Certaines nuits, il y a des gars qui crient. Ils hurlent à mort, ils perdent la carte. Des fois, sont dopés ou sont en manque. Les autres, c'est des psychos, des schizos. Ils refusent de prendre leurs médicaments ou ils ont juste oublié, et moi, je dois partager ma chambre avec ces fous. Il m'arrive d'être réveillé par un cauchemar. Je saute haut comme ça dans mon lit, je suis en sueur. Je rêvais que l'un d'eux m'étranglait dans mon lit.
Tu sais, la glace est mince pour nous, pour ceux que tu vois ici aujourd'hui. Notre vie est un lac gelé sur lequel nous marchons en sachant que la surface peut céder à chaque instant. Et pourtant, sans trop savoir pourquoi, on avance. La vie est plus forte, même quand c'est pas une vie.
Regarde celui-là: 20 ans, pas plus. Et déjà, il est ici, pris dans le cercle aussi vicieux qu'infernal de la pauvreté. Il y en a de plus en plus de son âge qui coulent dans le lac. À pic. Et regarde celle-là, qui vient chercher la caisse de bouffe pour ses enfants. Elle a même pas l'air d'une pauvre, hein? Et pourtant. Deux flos, pas de chum, une job à 8 $ l'heure, elle travaille 50 heures par semaine et elle arrive pas. Regarde encore, dans le coin, le gars qui fixe la télé. Il est sorti de prison il y a quatre jours. Le gros party, il a flambé les 400 $ qu'on lui avait remis à sa sortie. Ça fait deux ans qu'il est pris en main, au Club Med d'Orsainville. Il a oublié comment gérer sa vie. Celui-là? Il a des diplômes, il travaillait à son compte, il avait des contrats, et puis un jour, plus rien. Là, il vit ici en attendant son premier chèque d'aide sociale. Et mon ami, juste à côté? Tu veux savoir son histoire? Raconte Robert, raconte au journaliste comme t'as joué. Vidéopoker, les cloches chanceuses… Raconte comment t'as joué ta job, ta famille, ta maison, tes amis. Raconte comment tu croyais toujours que t'allais te refaire. Raconte comment ta vie a servi à engraisser les profits de Loto-Québec.
Tu me trouves un peu agressif, hein? Excuse-moi. Mais quand tu me regardes, je me sens comme un animal au zoo. Je me sens comme une statistique. Un des 16 000 utilisateurs des services communautaires à Québec. Mais je suis pas un chiffre, je suis pas une statistique. Seize mille utilisateurs, c'est 16 000 histoires qui se ressemblent un peu, mais c'est 16 000 histoires différentes en même temps. C'est 16 000 personnes.
Et aussi, je sens que tu me juges. Tu penses que je devrais me botter le cul? T'as peut-être raison. Mais j'ai juste plus la force. Et pas tellement d'ambitions non plus. Ma vie se compose d'attentes réalisables, de minuscules défis au quotidien. Où dormir, où trouver un peu de cash, un peu à boire. Je ne rêve pas de maisons, de femmes, de télés et d'iPods. Je sais même pas c'est quoi un iPod.
Des fois, j'ai l'impression que le poids de ma vie me ramène au sol plus vite que les autres. Comme si la gravité était plus forte encore pour les pauvres.
T'as fini ton café? Je pense que je vais m'en prendre un autre pour patienter jusqu'au dîner. J'ai rien d'autre à faire, anyway.
Tu te lèves, me remercies. Tu retournes à ta vie. Ton confort. Ta job. Ton char. Mon malheur t'aidera à relativiser tes problèmes, à les ramener à une autre échelle. Tant mieux si j'ai pu t'aider.
Heille, c'est vrai qu'il va neiger bientôt. Ce matin, il y avait du givre sur les autos. J'ai tracé mon nom sur le capot d'une vieille minoune.
Comment on en arrive aussi bas, comment peut-on se laisser aller jusqu’à se retrouver dans la rue, vivre dans la rue?
Est-ce le résultat d’avoir été mal aimé, un manque de confiance en soi, un rejet de la société, une dépendance ou tout simplement le mauvais sort ?
Chaque cas est différent, mais souvent et malheureusement toutes ces réponses sont bonnes.
Mais que fait-on pour les aider?
Le gouvernement coupe leurs chèques parce qu’ils n’ont pas d’adresse fixe,
La ville les met dehors des parcs parce qu’ils font peur aux citoyens et
nous, les passants leur donnons quelques sous pour qu’ils aillent s’acheter leur bière quotidienne……OUF quelle aide précieuse !!!
L’automne est arrivé tellement vite qu’on a pas eu le temps de le voir se pointer. L’arrivée de l’automne nous apporte le froid, la pluie, les feuilles mortes, les sans-abris de plus en plus nombreux et démunis.
Ces personnes qui doivent affronter le froid, la pluie car ils n’ont aucun endroit où dormir dans un lit confortable et au chaud. Un repas chaud et convenable de temps à autre mais sans plus. Je suis d’accord avec votre texte on ne pourra jamais comprendre car tant que nous ne vivrons pas réellement ce genre de vie on ne peut pas comprendre.
Par contre la plupart des gens ont le jugement très facile face à ces personnes, il est tellement facile de leur donner tous les torts, les juger responsable de leur sort mais en fait on oublie la fermeture de certaines usines, les coupures dans les centres psychiatriques, les divorces, les faillites. Ce sont des faits où les gens n’ont pas vraiment choisi mais ils doivent en subir les conséquences.
Si votre aide, votre compréhension étaient aussi facile que votre jugement, beaucoup de gens dormiraient dans un lit confortable et à la chaleur et mangeraient plus de repas chaud convenables.
Un peu plus de compréhension et moins de jugement serait mieux apprécié.
La misère dérange. Parce qu’on comprend pas. Parce qu’on a peur. On n’a pas passé par là. Pis on veut pas non plus. Pis on a l’impression qu’on peut rien faire pour les aider. Leur donner un peu d’argent: ils vont aller le boire et ça n’aura avancé à rien. Les aimer? Ça, ça pourrait peut-être les aider. Mais comment tu veux faire? Ils n’ont rien d’aimable. C’est ben ça le problème. Les aider, oui, mais faut pas que ça me dérange.
C’est pas demain qu’on va régler le problème!
Merci de vous être mis à la place du sans-abri. Et le titre est très bien choisi. Quand on a un bon emploi, un bon revenu, on pense avoir le droit de mépriser les SDF ou de faire preuve de condescendance à leur égard. Pourtant, quand la pauvreté s’abat sur nous et que, malgré nos efforts, ni les employeurs, ni le gouvernment ne veulent nous aider, la possibilité qu’on rejoigne ces gens augementent. C’est pour cela qu’il faut savoir respecter sa famille, ses amis, son réseau, même s’ils ne sont pas les gens les plus riches de la planète. Considérons-nous chanceux de les avoir, ainsi que certains organismes qui nous donnent un coup de main. Ces personnes et ces organismes sont souvent de très bon remparts qui nous empêchent de nous retrouver dans la rue, sinon y retardent notre arrivée. Soyons donc conscient de notre chance quand elle demeure à nos côtés, même si on ne la voit malheureusement pas.
Félicia a 18 ans. Elle a toujours vécu dans le luxe, dans le confort de son petit nid douillet, encore aujourd’hui. Ses parents, quoique souvent absents, l’ont gâté en bébelles de toutes sortes. Ils lui donnent de l’argent mais peu amour. À l’école, les gens l’apprécie, elle a des amis, elle a eu des chums, mais jamais rien de sérieux. Félicia est belle, elle est jeune, elle a tout pour réussir. Mais, elle n’a pas envie. C’est trop facile, c’est tout cuit dans son bec. Elle a fait des dépressions, des crises d’angoisses. Elle a coulé des exams, elle a fait la tournée des bars en rentrant aux petites heures du matin. Elle a même couchée avec le premier venu. Mais elle n’est pas guérie et elle ne sait plus où elle va. Ses parents l’accueillent encore, font encore son lavage, appellent le directeur pour motiver ses absences. Ses amis sont toujours là, mais ils ne comptent pas pour elle. Félicia n’a jamais su c’était quoi survivre. Et ce soir elle pense à s’ouvrir les veines, comme si déjà elle devait quitter ce monde, comme si tous les efforts avaient été tentés. Mais pourquoi?
« Des fois, j’ai l’impression que le poids de ma vie me ramène au sol plus vite que les autres. Comme si la gravité était plus forte encore pour les pauvres. »
Dans ces mots-là on comprend pourquoi c’est au Québec que le taux de suicide est le plus élevé. On comprend pourquoi les gens au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie, ne pensent pas à ça. Ils ont appris à être fiers et affronter leurs peurs, leurs problèmes mais surtout à survivre. Une notion de vie, un remède miracle contre la dépression, contre le mal du XXième siècle.
C’est peu dire, mais au moins l’homme décrit plus haut peut se compter chanceux d’avoir compris que la vie ça se mérite, que ça se vit. En espérant que « ces minuscules défis » se transforment en de grands pour qu’ils puissent un jour revivre aisément.
En 2006 voir autant de tristesse et déchéance m’attriste. Et voilà qu’on ferme des urgences et des cliniques psychiatriques. Une société moderne, industrialisée qui accepte autant de sans abris, de pauvres démontre ses carences. Ce constat d’échec devrait nous scandaliser mais au contraire, nous avons tellement banaliser cette souffrance qu’on s’en fiche. Quelques fois durant le temps des Fêtes, on y va d’un petit geste de charité pour se donner bonne conscience mais en général on se plaint des pauvres qui nous quémandent de l’argent, des squeegies qui bloquent nos intersections.
Le respect de la dignité humaine et le partage existent de moins en moins dans notre société utilitaire, centrée sur l’individu. Des personnes souffrant de maladie mentale sont rejettées dans la rue, des personnes agées sont laissées à eux-mêmes et abusées. Devrons nous suivre l’example de l’ancien maire de New-York Rudolf Guliani qui a vidé Manhattan de tous les robineux et sans abris pour les rejetter dans les quartiers plus pauvres ou de la mairesse Boucher qui veut établir des quartiers isolés pour les mieux nantis de Québec?
Le partage et le respect d’autrui sont les seuls moyens de résoudre le problème. Sommes-nous capables dans notre société mercantile de se conduire de cette façon? Voilà la vrai question.
Il n’y a pas que ce portrait type dans le groupe des sans-abri ou des itinérants (c’est pas la même chose.).
Ça existe oui, mais c,est surtout l’image que l’on a en tête quand on pense sans-abri et itinérant. c’est l’image publique et diffusée.
J’avais pas l’air de ça, moi. autour de moi les gens n’avaient pas l’air de ça non plus. En fait, prsonne n’aurait pu me regarder et dire : ah tiens un sans-abri, un itinérant, un gars dans la misère humaine. J’avais l’air d’un pauvre peut-être mais même là j’ai pas quêté. c’était mon choix de ne pas quêter, mais maudit que je comprenais pourquoi les autres quêtaient.
C’est pourquoi, quelques années après avoir été dans la rue (sans abri) pour un total d’environ 3 ans et demi de temps en temps je donne… sans juger, sans préjugés et je reçois généralement en retour un merci bien franc (ou qui a l’air franc en tout cas !!!)…
Je donne et je sais qu’un petit 2$ est mieux que rien, parce qu’en fait… si 25 personne lui donnait 2$ ce soir, ça ferait quand même 50$ !!! Et si j’avais assez d’argent pour le donner moi-même le 50$, je le ferais sans rien demander en retour… même pas un sourire…
Oui, la misère humaine existe mais si je me suis sorti de la rue c’est pas parce que j’étais meilleur, je suis resté intègre envers moi-même et pour ça il n’y a pas vraiment d’autres moyens que de regarder plus en avant qu’en arrière… Pas facile mais efficace !!!
Il y a une série-culte , Le Prisonnier , où le Numéro 6 ne cessait de crier haut et fort : Je ne suis pas un numéro , je suis un homme . C’est un peu l’essence que l’on retrouve dans ce beau texte de David desjardins à propos de l’itinérance . C’est vrai que nous ne voyons plus ces gens qui ont plus volontairement rejeté notre société et ses valeurs pour vivre un peu en marge tout en profitant en autant que possible des ressources qu’elle doit offrir à tous ceux et celles qui vivent dans ses murs .
Ces ‘sans domicile fixe’ ne sont qu’une statistique dont on se souvient de temps en temps pour leur faire une petite fête . Quand j’étais jeune on racontait que ‘les robineux cassaient une fenêtre devant la police pour aller passer l’hiver au chaud à Bordeaux-Beach’ . Cela n,a pas vraiement changé . Ceux-ci sont maintenant pour la plupart des psychiatrisés avec un chèque d’aide sociale et une prescription d’antipsychotique qu’ils ne prendront pas et qui feront des gestes bizarres comme se masturber devant les clients d’un bar ou de se défendre contre une boîte aux lettres qui veut les croquer vivant avec ses grandes dents .
Malheureusement ils sont tellement nombreux qu’ils en deviennent gênant et nous savons que le ‘petit peu de monnaie’ ne servira pas à manger mais à consommer drogue et alcool pour oublier l’espace de quelques heures leurs dures conditions de vie et surtout la perte d’estime de soi qui est leur lot quotidien .
Très joli texte ! Triste mais efficace.
Il me rappelle une chanson de notre Vigneault national, parue en 2003, qui avait généré chez moi la même émotion. Au cas où vous ne l’auriez jamais entendue, voici quelques extraits des paroles :
La ballade d’un sans-abri
J’avais dix ans lorsque mon père nous a laissés
Mon frère est parti, militaire,ma soeur est entrée au couvent !
À la p’tite voile faut toujours faire avec le vent
Des cours du soir, une bonne mémoire.
J’passe les détail. J’suis devenu un prof d’histoire. Un vrai travail !
Un beau matin, un jeune tout croche que mes remarques avaient fâché
A sorti un couteau d’sa poche. J’ai décroché !
J’étais marié, mais mon divorce a pas tardé.
La Cour.c’était au-dessus d’mes forces :J’ai rien gardé.
Pus d’char, pus d’heure, pus d’compte à rendre
P’us d’examens.p’us rien d’côté
T’es dans la rue. Tu viens d’apprendreLa liberté.
Jos, c’est mon chien. Un soir d’automne, il m’a suivi.
Quand on a rien, on vaut c’qu’on donne :Je l’ai nourri.
Deux purs bâtards de haute nobless,le coeur tout nu.
J’l’ai appelé Jos parc’que mon frère s’appelait comme ça.
Dans les églises, dans les refuge, ils prennent pas d’chiens.
J’comprends, ça ferait tout un grabuge :Chacun le sien!
Ça fait qu’on s’couche toujours ensemble dans les poubelles d’la société.
Des fois on dort, des fois on tremble,même en été.
Comprends-moi bien, j’accuse personne. J’connais mes torts.
J’deviens doucement un autochtone dans ton décor.
Dans les journaux dont je m’isole, Je lis souvent le triste sort
Des pays où l’argent rigole avec la mort
La terre est une manufacture de sans-abri
J’en vois une gang sur la clôture qui m’ont compris.
Chaque fois qu’tu changes de frigidaire,tu viens d’me construire un logis !
Jett’ pas la boîte, y a des affaires qui n’ont pas d’prix !
Y a pas eu d’chants ni les grands orgues
Mais par un trente en bas d’zéro, on l’a trouvé, prêt pour la morgue.
Comme son chien Jos.
J’ai longtemps fais partie du milieu communautaire. En tant que travailleuse mais en tant qu’utilisatrice des services aussi et je peux te confirmer que l’eau est froide en titi.
L’organisme pour lequel je travaillais offrait des logements à prix modiques à des jeunes dans le besoin. Malheureusement, il y avait autant de besoins différents que de jeunes et il nous était impossible de répondre à tous. Parmi les candidats, on se voyait dans l’obligation de choisir les moins « poqués » parce-qu’une seule personne pour s’occuper des 27 résidants, parce-qu’il faut courir après les subventions, parce-qu’épuisés, parce-qu’il faut se choisir un crénaux….Ceux qui se voyaient refusés fréquentaient habituellement l’endroit quelques temps dans l’espoir qu’on change d’idée, puis, disparaîssaient comme ils étaient venus.
Ceux qui me faisaient le plus pitié étaient les jeunes des centres d’accueil: devant quitter à leur 18e anniversaire. Ces derniers venaient habituellement accompagnés de leurs travailleurs sociaux qui cherchaient désespérément un endroit ou ils puissent vivre après. Malheureusement, la plupart du temps nous n’étions pas en mesure de les accueillir puisque leur autonomie était au minimum…. Besoin de trop de temps, de trop d’attention, de trop d’amour….
J’ai quitté ma job après un an, épuisée et à un poil de la dépression. On ne peut pas ravaler sa rage et sa peine indéfiniment sans que ça nous explose au visage.
Malgré cela je me surprend souvent à juger ceux que je croise dans la rue et ça me fait peur. Malgré tout ce que j’ai vu et tout ce que j’ai entendu j’ai encore peur de ne jamais comprendre et de ne jamais être assez reconnaissante à la vie d’être dans mes souliers et pas dans les leurs.
Si Robert existe, dis-lui que je pense à lui
Oui, c’est difficile comme situation. Plus pour celui qui la vit, mais aussi pour ceux autour qui ne savent plus quoi faire. En effet, est-ce que c’est aider de lui donner la charité? Pour pouvoir la boire? Il est judicieux de plutôt se demander pourquoi et comment on peut se rendre jusque là? Qui n’a pas fait ce qui fallait? C’est un exemple que l’on doit pas miser sur le gouvernement pour tout régler. Car il y tellement de moyen de s’en sortir avec un peu de volonté. Car qu’est-ce qui fait que moi, j’ai un travail et une maison mais pas lui? Bref, on a ici une chronique qui a été écrite pour nous faire réfléchir, ça marche bien. Mais si le but était de me faire réagir, je ne sais toujours pas ce que je dois faire.
Le premier geste d’humanité est de donner sans juger. C’est ce que je fais chaque que cela m’est possible. Je pense que personne au monde ne mérite un tel sort. Votre récit me touche au plus haut point. Car ces jours ci j’ai changé d’endroit où je vais prendre mon café. Sur le coin de la rue avant la porte de l’entrée il y a toujours cet itinérant assis en petit bonhomme par terre, son visage exprime avec exactitude toute la souffrance de sa condition de survie. J’aimerais tant pouvoir faire plus pour lui que de lui donner un ou deux dollars à chaque fois que je passe.
Je vais tenter de trouver des adresses à lui donner pour avoir de l’aide et la prochaine fois que je le verrais, je lui donnerais un ou deux dollars mais en plus au moins je serais sûr qu’il pourra aller chercher l’aide qu’il a besoin pour éviter de geler même si la glace est mince.
C’est tellement ça, c’est tellement juste ça et c’est tellement bien écrit et tellement triste. Pis c’est Noël bientôt…
La maladie mentale augmente chez les jeunes de la rue. Est-ce une coïncidence? Ou une conséquence d’une société axée sur la surconsommation : « La source du statut social ne réside plus dans l’habileté à faire des choses, mais simplement dans la capacité à les acheter » (Braveman) Une société où l’exclusion est devenue banale. Les sans-abris, les itinérants : pas dans ma cour. On ne fait pas la lutte à la pauvreté, on fait la lutte aux pauvres quand on leur interdit les parcs publics, le droit d’occuper la rue, le droit d’EXISTER.
Merci David Desjardins pour cette brève incursion dans la peau d’un jeune sans-abri. As-tu su bien le rendre? Ça, je ne le sais pas. Il faudrait le demander aux personnes concernées. Par exemple, tu exprimes bien la culpabilité, l’impuissance du journaliste que je ressens également à chaque fois que je croise des jeunes et des moins jeunes dans la rue. Un sentiment d’impossibilité de communiquer avec eux, mais une telle envie de leur exprimer ma solidarité. Difficile d’accepter l’injustice.
On voit des sans-abris, on voit leurs façons de vivre, a l’occasion on leurs donnent des sous pour un « café », on sait qu’ils recoivent du B.S. on sait que la vie n’est pas facile pour eux.
Par contre, quand on voit des reportages, ils disent que la rue est leur demeure, ils seraient incapable de vivre une vie normale, ils veulent être libre, ils ne veulent pas de « Boss », d’un travail qui brimerait leur liberté, ils ne veulent pas d’attachements.
Je me suis souvent questionné sur leurs raisons ou leurs motivations a être des sans-abris, je sais qu’il y en a, qui ont des diplômes universitaires, des gars qui n’ont pas accepté leurs divorces, des joueurs compulsifs qui ont tout perdu. La boisson, la drogue est leur bouée de sauvetage. Par contre ils veulent vivre en marge de la société, bref il faut qu’ils s’assument, et ce même si ça comporte beaucoup de ce que nous qualifions d’incovénients.
Il faut être touché par un article de la sorte. On a pas le choix d’être touché. On peut également essayer de comprendre. On a pas le choix non plus d’essayer de comprendre. Mais peut-on prétendre comprendre ? Peut-on vraiment comprendre la situation ? Peut-on vraiment la comprendre en observant un sans-abri ? En lisant des articles ? Ou en lui parlant ? Ouf. J’irai quand même pas aussi loin. Parler à un sans-abri. La moitié du monde aurait peur d’attraper le SIDA. Des fois qu’il me toucherait… Mais, ce monde là veut comprendre. Ce même monde là. Quand on lit un article comme celui là on est touché. On se dit que ça n’a pas de bon sens. Ben voyonc donc… Comment ça se fait dont que quelqu’un soit rendu si bas. Faut les aider. On vient de prendre position, on se sent bien, on ferme l’ordi et on passe à d’autres choses. On va marcher tient. On parle avec des gens normaux. Pour nous. On rit. On est bien habillé. On se sent bien. Et voilà qu’on en rencontre un. Un anormal. Il veut de l’argent. On l’ignore. On l’ignore et on va même plus loin, on tente de lui montrer de la plus belle manière qu’on ne l’a même pas vu. On lui montre en plein face qu’il n’existe pas. On veut lui montrer qu’il est même pas dans le décors. Qu’il est encore plus invisible que ça. On lui montre qu’il est rien. Qu’il est pas comme nous. Qu’il est pas humain.
Moi je prétend pas comprendre. Je ne comprend plus rien. Je ne comprend pas. Je ne comprend pas pourquoi qu’aujourd’hui, en 2006 on en est rendu là. Qu’on est encore là. Qu’on est même pas foutu de traiter un tous les hommes, tous les citoyens, tous les québécois de la même manière. Attend, non. On a le bien-être social. Ok. Excusez moi. Le gouvernement est là. On est là nous aussi. Le BS, il vient de nous au fond. On est généreux. Maudit qu’on est généreux. Oubliez ce que j’ai dit. Oubliez tout. On fait notre possible. On fait de notre mieux ! Ayez l’âme tranquille. Sortez. Fermez votre ordi…Et allez marcher…
Félicitations pour votre article sur les sans-abris M. Desjardins, ils sont dérangeants, nous ne voudrions pas les voir mais ils sont là et nous n’avons pas à les juger.
Combien de fois entendons-nous le commentaire suivant: « ils n’ont qu’à se prendre en main » sauf que rarement nous avons le courage de leur demander pourquoi ils en sont rendus là, vous êtes vous déjà posé la question???
Les juger est trop facile, souvent victimes de violence, de manque d’amour, d’abandon, de parents abuseurs, que serions-nous devenus si nous avions grandi dans de telles circonstances, au lieu de maudire pourquoi ne pas simplement leur donner un sourire, un mot gentil et à la limite quelques sous, j’entends certaines remarques que ceux-ci ne serviront qu’a prendre un coup ou s’acheter de la drogue.
Ont-ils le droit d’avoir faim, d’avoir soif d’amour – certainement.
Un petit geste et nous risquons tous de mieux nous porter et le tout sans juger……..
La base du désespoir est bien ce manque d’amour, qui malgrès son vide peu grandir dans le coeur de celui ou celle qui soit est venu au monde dans un milieu disfonctionnel, soit suite aux dure coup de la vie ou tout simplement qui est victime de la maladie mentale.
Peu importante la source de ce désespoire, il y a de l’espoir ! L’homme, selon moi a le pouvoir de s’en sortir, il ne suffit que de deux choses: l’amour et de l’aide… Malheureusement, voila deux choses qui se font rare dans cette société égoiste… Mais, ca existe !
Si chacun de nous faisait l’effort d’aimer ceux qui nous entoure, si chacun de nous faisait cette différence, peut-être que ces personnes aux prises avec le desespoire pourrais voir apparaître une lumière au bout du tunnel. Si le gouvernement, au lieu de réduire les service psychiatrique, se relevait les manches et commencait a faire ce qui est si nécéssaire, est ce qu’il y aurait plus de victoire et de guérisons ?
Aujourd’hui, si nous sommes l’un ou l’une de ces personnes aux prises avec ce désespoir, il est possible de s’en sortir et d’apprendre a être heureux, mais il faut réellement le vouloir… Choses qui est difficile a faire, car notre état, ne nous permet que de survivre…
Retroussons tous nos manches et aimons ceux qui nous entoure…. Mettons de la pression au gouvernement pour dévellopper plus d’organismes, plus de ressources… Et n’oublions pas, que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.
A Sherbrooke, dans toute ma vie,je n’ai été sollicitée que deux fois.
Et je ne parle pas de gentils petits enfants vendant des barres de chocolats pour encourager leur équipe sportive,d’ex-détenus faisant du porte à porte avec leur malette plein de gugusses ou de gens demandant de l’argent pour soutenir une quelconque fondation/organisme/bonne cause.
Non, je parle de personne visiblement dans le besoin, qui demandait un 25 sous supposément pour boire un café.
Lorsque j’ai commencé a passer beaucoup de temps a Montréal,j’ai commencé a me sentir angoissée devant la multitude de pauvres hères qui me demandaient de l’argent. Des gens sales,sûrement peu nourris,qui affichaient des problèmes. Mon coeur a souvent fait « couic » en les voyant, mains tendues, l’oeil suppliant. Leurs regards désespérés me hantaient longtemps après.
Puis un jour, alors que j’attendais Limocar à la gare au-dessus de Berri-Uqam, j’ai vu un autre pauvre bougre quêter. J’ai donné,même si mon geste me choquait. Je me sentais flouée et idiote de lui laisser de l’argent, car de toute l’heure que j’ai passé à attendre l’autobus, je l’ai entendu servir de multiples histoires au gens. Il avait besoin d’argent pour prendre le bus pour aller voir sa mère malade,après pour se nourrir,ensuite pour un ami,etc. Je savais que cet homme mentait. Comme on peut se douter que l’homme de la rue qui quête pour un café veut en vérité aller boire un coup. Sauf qu’on donne quand même car on sait que l’homme devant soi a des problèmes. Qu’il est dans le besoin.
Peut-être qu’il ne veut pas être aider,peut-être qu’il se plait a vivre ainsi. Peut-être qu’il souffre de psychose ou d’une autre mésadaptation. Bien des « peut-être » mais si peu de solutions pour lui venir en aide. Peu de gestes concrets (et là je ne parle pas de dons monétaires) sont posés pour améliorer son sort.
Je vais continuer a donner, même si je sais qu’ils en feront mauvais usage. Je donne car je me sens coupable de leur misère. D’être a ma place.
La glace est mince… ? Tout à fait! comme avez raison. Authenticité et humanisme. Très bel article David…
: http://www.mizar-media.com
News 26 octobre (06): – ) Force de se battre pour son idéal ! Est-ce une Fiction ou une réalité ?
Blogue sur : http://homelessnation.org
News le 10 septembre (06): LE PROJET HOMELESSNATION.ORG: – ) Daniel Cross
Ils sont des dizaines de milliers au Canada, sans adresses, sans votes, sans noms et sans visages…
PS : – Vivre à la rue sans un sous sans un toit est-ce possible ? Oui! ils vous diront… Je vous dis oui! moi aussi… Un jour, il y a longtemps… la rue fût mon refuge. Il y a plein de mondes dedans… Vivre là par choix me direz-vous ? Oui par choix je vous répondrai…
La lecture de votre texte m’a rendu mal à l’aise. Vous me direz que c’est le but que vous recherchiez. Mais mon malaise ne provient pas seulement de la dureté de ce que vous décrivez. J’ai eu l’impression de faire du voyeurisme de la misère.
De quel droit fouillons-nous dans l’intimité des laissés-pour-compte avec des articles semblables ? Juqu’à quel point n’est-on pas en train de se rassurer nous-mêmes sur notre situation ? Ouf ! ce n’est pas à moi qu’une chose semblable est arrivée. Ne sommes-nous pas, lorsque nous lisons cet article, un peu comme des adolescents qui écoutent des films d’horreur pour ressentir un frisson mais avoir tout de suite après le sentiment agréable de ne pas être vraiment en danger ?
En fait, votre article ne nous apprend rien de nouveau sur ce milieu. Je présume que vous vous êtes assuré avec vous-même de ne pas l’écrire parce que vous étiez à court de sujets et qu’il fallait bien remplir votre chronique.
Je sais bien qu’il faut être sensibilisé à cette réalité sociale. Mais à quelle fréquence doit-on entrer dans l’intimité de ces personnes et lire ce genre d’articles pour garder sa sensibilité à jour ?
Parfois, en tentant de venir en aide à des itinérants, on se demande, si on n’encourage pas le vice à quelque part? Je suis convaincu, n’être pas la seule, à se questionner sur le sujet! Bien sûr, il y a un risque! Un très grand risque, à trop vouloir bien faire, on finit par faire le contraire! Et comme on sait, que l’enfer est parsemé de bonnes intentions, alors on commence, à douter de tout! Réaction, tout a fait normal, et nécessaire en soi, pour la pertinence, des bonnes âmes bien charitables! S’agit-il de charité? De vertu? Si c’est le cas, on est mieux de ne jamais rien faire! Et, vive la loi de la jungle! Ou, la loi du plus fort (selon Darwin), survivra! Qu’est-ce qui, est le plus important, avoir bonne conscience, ou agir par humaniste? Tout se passe, dans l’intention même de l’acte, en tant que tel! Le reste, on s’en balance! Bien entendu, il y aura toujours quelqu’un, à quelque part, qui d’une manière, ou d’une autre, profitera de tout le système… Certes, ce n’est pas une phénomène d’aujourd’hui, loin de là! Mais tout à coup, que notre tout petit geste, pourrait aider, une seule personne, à avoir, une seule étincelle de conscience? Ou, que notre acte en question, pourrait, peut-être bien sauver une vie, de tomber sous la mince couche de glace? Peut-être pas, après tout, qui sait? Mais, en tant qu’être humain civilisé, je ne peux tolérer, en fermant les yeux, sous prétextes de me faire exploiter, de gros deux dollars? Ou, même d’un gros 25 cents! WOW! Tant pis, pour moi! Je continuerai, à croire que peut-être…cela fera la différence? Tout en évoquant…qui ou quoi, ou pour qui et pourquoi, lui, et pas moi?
L’ittinérance et la pauvreté sont des problèmes récurrents de toutes époques et sociétés, on ne semble pas être en mesure de s’en sortir… ça revient toujours. Il y a sûrement autant de raisons a ces problèmes qu’il y a de gens qui le vivent. Désinstitutionalisation, éducation, relations familiales instables ne sont que quelques démarreurs qui amènent vers cette descente vers l’enfer des sans-abris.
Dans mon cas, je suis chanceux, j’ai pas à me plaindre; je suis entouré de bons amis, de ma famille; côté travail, je me débrouille même si je roule pas sur l’or. Même si certaines personne de mon entourage me considèrent comme quelqu’un qui est relativement altruiste, je dois avouer que depuis mon arrivée à Québec en 1992, je suis devenu années après années je suis devenu un peu plus insensible quand on me quête sur la rue. Pour avoir donné à l’occasion (20 ou 30 fois), je suis demandé si c’était bien leur rendre service que de donner de l’argent pour soit disant (je me fie sur leur parole) se payer à manger, dormir quelque part ou tout simplement avoir une cigarette. Quand jours après jours; mois après mois et années après années j’en recroise régulièrement sur mon chemin et qu’ils en sont au même point, sinon dans une situation pire qu’avant!!! Je me demande il est vraiment où le problème?
Mettre le doigt sur deux ou trois facteurs est trop simpliste pour en trouver les réelles causes et leurs moteurs mais une chose que je sais; c’est que l’être humain est une créature qui est très dépendante des autres. Des enseignements, du soutient et de l’amour de ceux qui l’entourent!
Ce n’est pas avec quelques 2000 caractères disponibles que je pense même m’approcher de la solution pour aider à régler ce problème de société mais je pense sincèrement que le problème sera en grande partie réglé quand la société aura fait le choix de mettre tout en oeuvre pour l’enrailler et ce; de concert avec les principaux concernés.
J’en suis toute bouleversée de ce texte si bien écrit et surtout qui reflète une réalité maudite. Ces jeunes et moins jeunes qui ont des dépendances ou des maladies et qu’ils ne savent pas comment traiter. Car il ne faut pas se le cacher, ces gens pour plusieus d’entre eux, sont des alcooliques, des dépendants de la drogue, des joueurs compulsifs qui ont tout perdu ou des schizos qui ne se soignent pas. C’est malheureux et ce qui nous dérange tant, c’est de voir qu’on est impuissant à les aider. Oui c’est vrai on peut leur donner un petit $2 pour les réconforter quelques minutes. Mais ils demeurent dans leur misère.
Ces personnes ont manqué d’amour c’est certain et leur vie est détruite maintenant. Ils n’ont plus l’énergie, le courage de tenter de vivre, ils ne font qu’exister et survivre. C’est triste.
Mais ce qui me rend encore plus triste, c’est le cas de cette femme monoparentale, avec deux enfants ou plus, sans chum, avec un job minable ou même sur le BS qui n’arrive pas à joindre les deux bouts. OU les enfants de couples dont les parents sont drogués, ou alcoolique ou joueurs et qui vivent du BS ou au salaire minimum, et dont l’argent sert plutôt à combler leur dépendance plutôt qu’à s’occuper des enfants du couple. Ces enfants n’ont pas d’avenir devant eux. Ils débutent leur vie avec des carences, des nuages sombres au-dessus de leur tête. C’est triste, mais ce sont peut-être les sans-abri de demain.
Et la saison de Noël arrive bientôt. Il est temps de donner. Autant pour la guignolée, les paniers de Noël, et même à la Place Laurier à Québec (au 3ième étage près des restaurants), il y aura la possibilité d’acheter un cadeau pour un enfant dans le besoin (via une boule de Noël qui contient les idées de cadeaux). Je participe beaucoup durant ce temps, car je me dis que peut-être un enfant aura un cadeau cet année, et aura quelque chose à manger. C’est le peu que je peux faire pour eux.
Chose certaine, je n’ai jamais eu la tentation de les juger, je ne sais pas ce que c’est avoir un filet de sécurité qui se désintègre complètement autour de moi et qui laisse échapper toute solidité face à ma vie professionnelle, familiale et sociale.
Il faut marcher régulièrement, aux heures entre chien et loup, dans les quartiers centraux de cette ville pour se rendre compte que le jugement est très facile de loin. Surtout si on habite en banlieue et qu’on sort peu de sa voiture. Si on me demande une pièce, je ne vais pas refuser; je mentionne bien la direction de l’Auberivière au cas où mais ils la connaissent tous et ça reste de l’ordre de la suggestion. Certains iront, d’autres pas; ce n’est pas ce qu’ils vont faire de cet argent qui conditionnera mon geste: ticket de bus, café ou dose.
L’affaire qui me rend perplexe, c’est que peut-être sur les vingt fois où je me suis fait solliciter pendant l’année en cours, il n’y aura eu qu’une seule femme.
Comme pour le suicide, on dirait que les hommes perdent leurs billes bien plus vite. Alors oui, les programmes sociaux, les organismes d’entraide et les refuges. Mais pourquoi pour un homme la perte de repères fait tomber plus sûrement l’édifice jusqu’à en raser les fondations ? C’est une pensée qui me laisse bien songeuse…
Aimez vos enfants, embrassez-les, dites leurs à tous les jours que vous les aimer et que vous serez toujours la pour eux. Dans 20, 30 ou 40 ans, il y en aura quelques uns de moins dans la rue.
Quand je lis ce texte, ça me déprime! Nous aimerions tous pouvoir aider ces gens. Mais on sent très bien que si on tente de le faire, ce sera maladroitement et que ça ne servira à rien. Prenez ce joueur compulsif. Si je lui donne un peu d’argent dans la rue, que fera-t-il avec?
En fait, ce que cet article m’inspire, c’est beaucoup plus de prendre le temps d’écouter ces gens, sans les juger, un peu comme le journaliste l’a fait ici. Ils ont besoin d’une oreille attentive qui les laisse se vider le coeur de toute cette détresse humaine accumulée. Et peut-être de certains conseils qu’ils pourront mettre en pratique pour les aider à embarquer sur une route moins sinueuse que celle qu’ils parcourent présentement.
Difficile de réagir à un tel billet. Je veux me faire philosophe, humaniste mais je sais que mes belles paroles ne résonneront que comme des mots creux, entendus mille fois. Je veux me faire amical mais je sais que cette soudaine intimité ne sera ressentie que comme une invasion, un envahissement du privé. Parce qu’il ne me sera jamais possible de complètement comprendre une telle réalité. Je peux m’y montrer empathique car même si je n’offre pas toujours monnaie ou bouffe aux gens qui m’en demandent, je m’assure de toujours offrir un sourire et un bon mot. Bien peu, j’en conviens. Mais déjà beaucoup plus que ce que je vois autour de moi. Il ne me sera jamais possible de parfaitement comprendre une telle réalité même si par temps de canard, j’ai parfois la pensée qui m’effleure de me demander où j’irai me cacher si je n’avais ni ma voiture, ni mon parapluie, ni ma maison pour me protéger. Mais cette pensée reste momentanée puisque je n’ai pas vraiment à trouver de réponses à de telles questions.
Mais je sais ce que je n’ai pas envie de faire. Je n’ai pas envie de juger. Même si quand tu me verras, tu seras convaincu du contraire. Même si tu seras convaincu que je te trouverai lâche, criminel, psychopathe ou pitoyable quand je te croiserai. Je ne porterai pas un tel regard. Je n’aurai peut-être pas le regard que tu recherches. Mais même si je te l’offrais, serais-tu à même de pouvoir l’accueillir. Je continuerai à te côtoyer en me rappelant que même si les drames ne se comparent pas, il y en a certains qui paraissent plus puissants que d’autres. Et que même si je souffre parfois, j’ai quand même des amis, une famille, un emploi, des passe-temps, des passions, des sports, des enfants, une maison sur lesquels je pourrai compter. Et même si je ne les partage pas avec toi, je m’assurerai de me rappeler de ma chance quand je te croiserai. Toi, ainsi que tes chums de rue. Ceux que tu as choisis. Et ceux qui se sont imposés à toi.
Cas 1:
Mes parents ne m’aimaient pas, j’ai quitté la maison, j’ai travaillé et étudié. Maintenant j’ai une famille et je donne à mes enfants l’amour que je n’ai pas reçu.
Cas 2:
Mes parents ne m’aimaient pas, je suis un itinérant.
Cas 1:
Mes parents étaient surprotecteurs. Quand j’ai quitté la maison, je suis parti faire le tour du monde.
Cas 2:
Mes parents étaient surprotecteurs, je suis agoraphobe.
Cas1:
J’ai vécu l’inceste, j’ai fui mon milieu très jeune. J’ai maintenant une famille et je ne ferais jamais subir ça à mes enfants.
Cas 2:
J’ai vécu l’inceste, je le fais subir à mes enfants.
Ce que je veux dire ici, c’est : on peut-tu arrêter de mettre la faute de ce qui nous arrive sur tout le monde sauf sur nous-même? On peut-tu se rendre compte qu’avec le même bagage, le même départ dans la vie, 2 personnes vont avoir un chemin différent?
Ce que nos parents nous donnent de plus important en bien ou en mal, ils n’en sont même pas responsables. Ils nous donnent un gros paquet de combinaisons de gènes qui fait que malgré une enfance terrible certains ont une vie adulte équilibrée. Sinon, tous les bums viendraient de familles disfonctionnelles. Si certains s’en sortent malgré des mauvais parents, c’est grâce aux parents ou bien grâce à eux-mêmes?
OK nos parents étaient soit pourris, soit parfaits ou n’importe quelle combinaison des deux. Mais une fois ceci dit, su, admis, qu’est-ce qu’on fait maintenant? On est là, seul devant la vie avec notre bagage génétique qui fait que ça nous prend plus ou moins de courage pour l’affronter.
Et parfois, quand on manque de courage, on cherche sur qui mettre la faute. Et ici, je ne blâme personne, moi-même j’en manque souvent. Dans ces moments-là, je cherche sur qui je pourrais bien me soulager de mon mal de vivre alors qu’au fond, je sais bien que je suis la seule capable de changer les choses pour moi. Et quand je réussis un bon coup, ce n’est pas mes parents que je félicite.
C’est vrai qu’on est dure, qu’on a un regard qui juge, des craintes et plein de préjugés face à ces gens de la rue. Oui on aurait le goût de leur dire bottez-vous le derrière et allez travailler. Mais on ne connaît pas leur passé. Oui on a un regard de pitié c’est souvent plus fort que nous. Que voulez-vous, on trame dure pour gagner notre argent et ca vient nous chercher de se faire quêter. On a le goût de répondre que si tu veux de l’argent, va travailler au lieu de faire la paresse. Mais on ne connaît rien de ce qu’ils vivent. Des dépressions non traitées, de la santé mentale non diagnostiquée, la pauvreté sous toutes ses formes… Mais quoi faire en tant que petit citoyen? Donner les cennes de nos fonds de poche? Ignorer? Donner de la bouffe? Ca prend plus que ca. Ca prend des programmes sociaux, des gouvernements qui aident, des employeurs humanistes…
Vous êtes tannés de payer des impôts pour tous ces bons à rien? Je crois que ça parait, et cet interview fort bien relaté n’est qu’un archétype de plusieurs autres à venir. Il ne s’agit pas de vivre dans un pseudo communiste, ou encore de tout niveler par le bas, mais seulement de favoriser l’égalité des chances.
En principe donc, l’État fait payer de l’impôt aux riches et verse des allocations aux pauvres, en chèque, mais aussi sous forme de programmes sociaux, pour donner une chance à ceux qui le veulent bien de pouvoir bien s’en sortir.
Comme j’aime à rappeler comment le parti québecois est de moins en moins social démocrate, on remarque depuis vingt ans que les deux gouvernements (libéraux et PQ) ont contribué à accentuer l’écart entre riches et pauvres par des réformes de la fiscalité, qui ont réduit de 16 à 3 le nombre de paliers d’imposition et qui ont diminué l’écart entre les taux payés par les plus riches avec ceux payés par la classe moyenne. Résultat; à partir d’un revenu annuel de 50K, la progressivité du régime est presque nulle. Et qui en profite le plus vous croyez!?
Tout ça n’est que la pointe de l’iceberg, car voyez-vous, l’espérance de vie d’un Québécois peut varier de 14 ans entre la région la plus favorisée et celle qui l’est le moins. On oublie pas l’accès à une éducation de qualité, avec des gens de qualité, et l’accès à la culture. Comment on fait alors pour se sentir membre à part entière de cette nation québecoise si on en arrache autant?
Est-ce qu’il va falloir avant longtemps aller vivre dans des cités protégées lorsqu’on fera partie d’une certaine élite? Ce type nous rappelle que si l’initiative individuelle est un important gage de succès, l’importance du soutien de la société, pour s’assurer de l’égalité des chances est vital. La paix sociale en dépend, autant qu’une démocratie en santé entre gens qui se comprennent mieux parce qu’ils ont plus en commun.
Votre compassion me touche. Condamner selon des critères de «normalité» les itinérants est un pas facile à franchir. Ce facteur de déchéance, vous l’avez mentionné au passage, découle d’un facteur souvent ignoré : ne pas pouvoir gérer adéquatement sa vie.
Lorsqu’une personne se retrouve à la rue, ce n’est jamais un choix éclairé. Ce monde dur et impitoyable ne fait pas de cadeau. C’est facile de se vanter de faire les bons choix mais il y a des gens qui partent un peu plus égaux que d’autres dans la vie. Ignorer que 30 à 40% des sans abris souffrent de maladies psychiatriques, c’est faire l’autruche.
Voilà qu’à Montréal, l’urgence psychiatrique de St-Luc sera transférée à Notre-Dame. Quand on sait qu’un large pourcentage d’itinérants du centre-ville sont des cas lourds, je me demande ce qu’on va dire à un itinérant physiquement mal en point après l’avoir traité à l’urgence ? «Maintenant pour ton délire psychotique, tes hallucinations et tes angoisse va te faire traiter à Notre-Dame à 30 minutes de distance » ? Il sera sans doute trop désorganisé pour faire cette démarche. Sans encadrement approprié, un schizo ne prend pas ses médicaments.
Facile aussi de blâmer les familles. Sans être non aimantes et responsables de mauvais traitements, ça existe des familles inadéquates ou dysfonctionnelles ; le monde n’est pas parfait. Toutefois, quelle famille peut accueillir au sein de son foyer un toxicomane actif ou un junkie ? Sinon tenter de l’orienter.
Je profite de votre chronique pour remercier tous les organismes et les individus qui consacrent temps et argent à réconforter, héberger ou nourrir les indigents. À Montréal, Maison du Père, Old Brewery Mission, Armée du Salut. Plusieurs ne sont plus jeunes et mais toujours vagabonds. 10 fois par jour, je les croise, et lorsque je vois, vers 22h, la roulotte de Pop’s près du Métro Mont-Royal, je bénis les intervenants et leurs commanditaires. Des anges !
Peut-on vraiment anéantir cette misère ? Je suis peut-être pessimiste, mais je ne crois pas, et même que je crois qu’il y en aura de plus en plus, avec ces riches toujours plus riche. Je crois que le problème est là à la base. Et bien sûr, peu importe comment la société et l’économie ira, il y aura toujours des gens dans la rue pour diverses raisons.
Ce texte m’a bouleversé. Et me bouleverse encore. Et je me demande : Mais que faire ? Je n’ai vraiment pas la réponse. Mais ça me rend triste. J’aimerais aider davantage. L’amour est l’oxygène de l’âme. Tout est dit alors. Je n’ai jamais jugé. On ne choisi pas le malheur. Pas volontairement en tout cas. Tout est une question d’estime de soi. Et ça commence tôt ! Alors aimons nos enfants.
Bravo à David Desjardins. Dans ces circonstances, moi aussi je profiterais de quelques instants de bonheur en début de mois.