Desjardins

Même pas mort

Une oraison funèbre. Un requiem. Si vous me demandez de résumer l'impression que laisse derrière elle la précampagne électorale du PQ, c'est à cela que je pense. Des prières et de la musique pour macchabées. Ce sinistre air de clairon que jouent les militaires quand on enterre un des leurs.

Pliez le drapeau, valeureux soldats, et remettez-le à la veuve éplorée qu'on nomme indépendance.

– On ne parle que de Mario Dumont dans mon entourage, me confiait cette semaine un confrère. Cela a bien le temps de changer, me disais-je, tandis que cet ami m'annonçait, un brin péremptoire, que le Parti québécois allait sans doute subir sa plus cuisante défaite à ce jour.

Il n'est pas le seul.

Ces jours-ci, on ne se lasse pas de prédire la mort du PQ et de constater qu'il pourrit de l'intérieur, rongé par les guerres intestines que se livrent ses différentes factions. Un combat que s'y mènent idéalistes et tenants de la realpolitik qui soutiennent qu'il faut faire comprendre pour convaincre, qu'il faut convaincre pour conquérir.

Ce qui nous ramène à cette hypothétique veuve: l'indépendance.

Est-ce juste moi, ou avez-vous aussi remarqué que l'insistance avec laquelle André Boisclair parle de l'indépendance tient plus de la posture que de la conviction? Je veux dire qu'il ne paraît pas y croire une seule seconde, que le martellement du mot ressemble bien plus à une technique incantatoire pour rallier les purs et durs à sa cause, que cette attitude tient bien plus de l'unification du parti que de la séduction des masses.

Et ce mantra qui sonne creux risque justement d'indisposer les électeurs qu'il doit pourtant convertir.

Parce que suffit pas de répéter pour que la magie opère. Faut expliquer, et de long en large s'il vous plaît. Faut convaincre les gens de s'extirper de leur petit confort duveteux pour entreprendre une aventure risquée. Ce n'est pas une mince affaire, elle demande force, courage, arguments solides et une bonne dose de témérité.

Mais surtout, faut au moins donner l'air d'y croire.

C'est dans ce trou béant, dans ce souverain bobo que ses adversaires ne manqueront pas de triturer que réside toute la faiblesse de Boisclair. Bien pire que ses histoires de poudre et son homosexualité, plus dommageable que son absence de charisme et ses tirades ampoulées, cette faiblesse du discours et l'absence de conviction sont un talon d'Achille qui risque de lui coûter cette élection.

Attendons tout de même un peu avant de faire livrer les couronnes d'oeillets, cette séance de pugilat politique ne fait que commencer. Pour le meilleur, et surtout pour le pire.

LE CLIENT – Il m'arrive parfois ici de me moquer de lecteurs un peu nonos, ce qui ne m'empêche pas d'en trouver d'autres très bons, puisqu'ils me font rebondir, qu'ils m'amènent plus loin dans la réflexion. Comme Steve Boudrias qui revenait, il y a deux semaines, sur mes propos concernant cette tendance des médias à prêter le micro au citoyen en nous faisant croire à une pseudo-démocratisation de l'information, mais surtout, de l'opinion médiatique.

"Il est très simple de résumer la dérive actuelle: depuis l'effondrement des rêves politiques et collectifs ayant forgé le caractère actif des nations, nous assistons progressivement à une mondialisation économique qui transforme le monde entier en société globale de consommation.

Exit le citoyen. Welcome the client-king!

Mais si l'info-spectacle donne l'impression de donner la parole aux gens, elle ne donne en fait que la parole à des clients."

J'ajouterai deux choses à propos du citoyen devenu ze client. D'abord, que la plupart des trucs que l'on confond à tort avec des accommodements raisonnables, puisqu'il est impossible de se sortir du débat, ce sont avant tout des problèmes qui relèvent du clientélisme. La faveur accordée par la SAAQ aux membres de la communauté hassidim en est un parfait exemple.

Mais plus encore. Le problème du multiculturalisme à la canadienne, c'est peut-être aussi qu'il verse dans le clientélisme. On veut l'immigrant, on cherche à le séduire. C'est à qui offrira le plus de bénéfices au client pour l'attirer dans sa shop. Ce qu'on dit à Immigration Canada, c'est: pas de trouble, ici, tu fais comme chez toi.

Pis quand il se pointe avec son éléphant au rayon des porcelaines, secteur auquel on lui interdit soudainement l'entrée, on se surprend qu'il courre se plaindre au service à la clientèle.

UN MACHIN POUR LA FIN – C'est une tranche de vie à la Josée Blanchette, je m'en excuse d'avance, mais la cause est bonne. Parce que trouvez-en, vous, des bons bouquins pour les enfants qui ne vous ennuieront pas. Cherchez-en, des p'tites histoires qui plairont autant à une fille d'un peu plus de deux ans qu'à son papa, tous deux passés maîtres dans l'art de râler.

Ben j'ai trouvé. Ce sont les aventures de Rita et Machin, chez Gallimard Jeunesse. Rita est une petite fille caractérielle, un brin tyrannique, Machin le chien est son indolent pitou. Ensemble, ils se font un peu chier, ils s'embêtent, mais ils s'aiment très fort. Les dessins sont admirables dans leur minimalisme faussement enfantin, les textes à la fois drôles et mignons. Cela fait mille fois que ma fille et moi en regardons le premier tome ensemble, que je lui lis et qu'elle répète, nous ne nous en lassons pas.

Quand je suis allé quérir un autre volume de la série (Le dimanche de Rita et Machin) chez Pantoute, à la caisse, on m'a avoué que tout le monde dans la librairie l'avait lu, et avait adoré. Je comprends donc.

Je suis revenu au bureau, le livre sous le bras. La neige tombait en gros flocons obèses. Dans la vitrine d'un resto sur Charest, une fille, la jeune vingtaine, regardait dans le vide. Je me suis surpris à la dévisager en me demandant pourquoi je trouvais tant de charme à ce joli visage affligé. Pourquoi je vois de la beauté dans le malheur et la tristesse.

Elle a tourné les yeux vers moi, nos regards se sont croisés, j'ai sursauté. Elle s'en est rendu compte, et s'est fendue d'un sourire. Elle n'était plus belle, elle était splendide.

J'ai pensé à ma fille.

Toi aussi, ma loutre, t'es bien plus jolie quand tu souris. Alors, on se le retape ce bouquin du chien Machin ou t'aimes mieux aller regarder c'te conne de Dora?