Desjardins

Des arguments, pas des slogans

Pourquoi le gel et pas l'indexation? Pourquoi les associations étudiantes ont-elles choisi de favoriser le statu quo plutôt que de proposer une autre manière juste et équitable de renflouer les coffres des universités en faisant payer les plus riches et en permettant une meilleure accessibilité aux plus pauvres?

Par paresse, tiens.

Encore une fois, c'est la facilité qui a triomphé de la réflexion. Et à nouveau, c'est le dogmatisme de la gauche qui l'emporte sur le véritable progressisme.

C'est en cela que m'énerve la position des associations étudiantes – qui n'est pas nécessairement celle des étudiants – concernant le maintien du gel des frais de scolarité. Pas parce qu'elle défend l'idée de l'accessibilité aux études supérieures à laquelle j'adhère aussi. Mais parce qu'elle trahit cette facilité qu'ont les assos à camper leurs positions dans une logique d'affrontement qui ne permet aucune troisième voie, qui n'offre aucune idée nouvelle devant le cul-de-sac financier auquel font face les universités.

Parmi ces voies d'évitement, il y a l'indexation au revenu. Ou, si vous préférez: plus t'es riche, et plus tu payes.

Et l'universalité, dans tout ça? Et l'aventure commune et tout le tremblement?

À la différence des services de santé pour lesquels un système à deux vitesses sous-entend qu'il existerait une médecine de luxe pour les riches et une autre el cheapo pour les pauvres, on parle ici des mêmes cours, donnés par les mêmes profs. Et de revenus additionnels qui permettraient à tous les étudiants de bénéficier d'une éducation de meilleure qualité.

Alors pourquoi préfère-t-on éluder cette solution?

Je sais pas, bon. Est-ce trop différent du système actuel? Trop compliqué à appliquer? Ou pire encore, à expliquer?

C'est vrai, le problème avec l'indexation, c'est non seulement qu'elle implique une complète refonte de la manière de faire, mais aussi qu'il s'agit d'un mode de financement complexe. Il faudrait d'abord en élaborer les rouages, imaginer un système efficace, avec à la clé une échelle de tarifs qui s'apparenterait sans doute aux taux d'imposition sur le revenu, et des politiques qui permettraient d'éviter les écueils qu'on imagine facilement (par exemple, le refus, de la part de parents nantis, de payer pour les études de leur enfant).

Bref, tout est à faire.

Mais on peut imaginer qu'avec ce système, en plus d'une base financière à laquelle contribue l'ensemble de la société, ce sont les utilisateurs les plus riches qui permettraient aux plus pauvres d'avoir accès à une éducation de qualité, puisque ces revenus supplémentaires garantiraient non seulement de meilleurs services, mais aussi, de plus généreux programmes pour les plus démunis des étudiants, soit des bourses et des prêts dans lesquels on a déjà trop sabré.

Ce n'est pas cela que tout le monde souhaite?

N'est-ce pas là aussi une manière de redistribuer la richesse?

On s'attend d'étudiants universitaires qu'ils innovent. Qu'ils proposent des solutions de rechange. Au lieu de cela, leurs représentants adoptent une position qui relève plus du dogme que de la vertu. En ce sens que les idées qu'ils défendent sont peut-être nobles, mais que leur solution au problème du financement est sclérosée par cette facilité qu'a une certaine gauche à se draper dans la justice sociale pour légitimer son absence d'imagination.

Peut-être suis-je réducteur? Peut-être mon point de vue est-il bancal?

C'est possible. C'est même fort probable. Je suis loin d'être un expert en la matière. Mais je refuse de me réfugier dans l'indignation.

Je défends la même cause que celle pour laquelle les assos étudiantes descendent dans la rue. L'accessibilité. Mais sachant qu'à moyen terme, le gel n'est pas une solution envisageable, je ne comprends pas une seconde la facilité avec laquelle on a éliminé cette autre piste de réflexion que représente l'indexation.

Peut-être suis-je trop nono? Ça se peut.

Alors expliquez-moi, gens des assos. Expliquez-moi comment cette option aussi populaire dans au moins la moitié des facultés de l'Université Laval (voir notre texte en section Société) a pu être éliminée, rejetée, mise à l'index. Expliquez-moi pourquoi ce royaume du savoir dans lequel vous vivez ne génère pas plus d'idées, de débats.

Expliquez-moi comment des gens aussi instruits produisent finalement assez peu de solutions et d'arguments rassembleurs, convaincants, mais autant de putain de slogans.