Un jour, c'est sûr, je l'aurai aussi mon blogue à moi.
Certains diront que cette chronique a déjà tout de l'insipidité du blogue personnel qui distille au jour le jour de vaines mondanités ou une poésie de pacotille destinées à un lectorat confidentiel d'amis réels et de connaissances virtuelles. Ceux-là devraient fouiller encore un peu plus loin dans la Toile, ils s'apercevraient que mes petites bassesses et quelques impudeurs sont encore à des lieues de ces innombrables psychanalyses publiques qui font figure de nouveau réseau social.
Cela dit, si on imprime des livres à partir de blogues, je n'ai encore vu personne qui publie dans sa chronique des extraits de son blogue quand celui-ci n'existe pas même encore. Voilà qui sera fait: expérience d'extrême virtualité, voici quelques morceaux de choix tirés de mon blogue qui n'est pas encore né.
Une sorte d'échographie, si vous voulez.
DANS MON COURRIER – Je l'ai souvent écrit ici: mon charme opère de façon magistrale avec les femmes beaucoup plus âgées que moi. À l'hospice, c'est sûr, je serai la coqueluche. Viagra fera ses pubs avec moi. Je ferai du jogging en pantalons de lycra. Marc Boilard viendra se prosterner devant moi. Tout cela pour vous dire que si ces femmes m'aiment, elles me haïssent parfois avec la même incompréhensible ferveur.
La preuve?
À la suite de la publication de mon papier sur Limoilou que vous avez beaucoup aimé, et beaucoup détesté aussi, j'ai reçu du courrier de deux dames qui ont franchi le seuil des 70 ans.
La première, c'est pas vraiment du courrier, puisqu'elle m'a joint par téléphone au bureau, et m'a littéralement couvert d'éloges. C'était adorable, gentil, presque racoleur, et puis cela m'a rappelé quand j'étais très jeune, et qu'à l'école, je préférais encore les félicitations aux réprimandes. Parce que oui, j'ai été une p'tite bolle avant d'être un cancre.
La seconde, elle, m'a écrit à la main. Le croiriez-vous, je reçois encore de ces lettres manuscrites, des pattes de mouches que je déchiffre avec la patience et la minutie d'un archéologue décryptant les hiéroglyphes dans le tombeau de Toutânkhamon.
Cette dame, donc, me félicite rapidement pour mon style, puis m'enguirlande férocement. Apparemment, j'ai rien compris, Limoilou est un quartier de merde, quand je m'y serai fait agresser je comprendrai, c'est plein de BS et de paumés, à quoi ça sert de bien écrire si c'est pour proférer de tels mensonges… Et je vous épargne le pire.
Pauvre madame… Limoilou n'est pas Montcalm, mais c'est quand même pas Detroit non plus. Et si vous permettez, je vais vous raconter une petite anecdote pour expliquer comment tout ce qu'elle me dit là, vrai ou pas, n'aura aucune influence sur mon amour pour ce bout de ville un peu tout croche.
Un jour, un ami à moi est tombé amoureux d'une traînée. Vous savez, la fille de la gang qui a couché avec tout le monde, même les autres filles. Tout le monde, sauf lui. Lui, il ne voulait pas seulement la sauter, il l'aimait. Il s'en fichait de ses histoires, que tous ses amis lui soient passés dessus. Il était sensible à autre chose qu'à son cul.
Ben moi, avec Limoilou, c'est pareil.
Vous comprenez? Je gage que non.
Aussi, chère lectrice, je vous laisse sur une question qui renvoie à la vôtre: à quoi cela sert-il de vieillir si c'est pour vivre aussi con?
DANS MON CARNET – Au milieu d'une page du petit calepin qui me suit partout, sauf quand je l'oublie, j'ai noté: Kaboul. Pas pour vous parler de la guerre en Afghanistan, mais de la guerre ici, dans la tête des gens.
J'ai noté Kaboul parce que c'est le nom d'un resto afghan, sur le chemin Sainte-Foy, où les proprios reçoivent régulièrement des coups de fil haineux. "Vous tuez nos soldats", genre. J'ai appelé le propriétaire, M. Nasranee, lui ai demandé s'il croyait que nous sommes des tarés. "Mais non, voyons, en Afghanistan, si on renversait la situation, ce serait pareil."
Puis, il a ajouté: "Je sais que c'est normal dans un sens, mais quand même, des fois, je me sens très mal."
À ce moment, il y a eu une sorte d'inflexion dans sa voix. Le genre de sentiment que ces mongols qui appellent chez lui pour l'insulter ne connaîtront jamais. Car ils ne fuiront jamais un pays en guerre, car ils ne vivront probablement jamais avec le regard lourd de reproches des citoyens du pays dans lequel ils se sont réfugiés. Car ils n'auront jamais à porter le fardeau idéologique d'une poignée d'extrémistes avec lesquels ils ne partagent qu'un lieu de naissance, et un bout de culture.
Il ne me l'a pas dit, c'est donc encore une impression, mais j'ai senti qu'en ces moments-là, quand on l'insulte, M. Nasranee a un peu honte. De ce qu'il est, d'où il vient. Sentiment qui ne dure qu'un instant, qu'on chasse immédiatement, qui fait ensuite place à la colère ou au désespoir.
À une sensation de vide immense, car à ce moment-là, chez toi, c'est nulle part.
SUR MES RAYONS – J'ai récemment lu un roman d'Arto Paasilinna intitulé Le Lièvre de Vatanen. Le protagoniste, un journaliste, y quitte tout du jour au lendemain, devient bûcheron, draveur, homme des bois. Il ne le dit jamais explicitement, mais sa fuite, elle, dit tout: il en a marre du monde.
D'ailleurs, ses quelques rencontres avec de dignes représentants de son espèce (je pense à une partie de chasse à l'ours improvisée avec des militaires et des politiques) viendront confirmer son dégoût.
Quand on me dit qu'il existe des gens qui décrochent le téléphone, composent le numéro d'un restaurant afghan et abreuvent ses propriétaires d'insultes, cette fiction se transforme pour moi en une sorte de fantasme.
voici ma réaction sur cette phrase composé toutes pièces venant du fond de votre pensée
« Un jour, un ami à moi est tombé amoureux d’une traînée. Vous savez, la fille de la gang qui a couché avec tout le monde ».
Si c’est un gars de gang qui couche avec tout le monde on le surnome comment??pas d’un trainé…. mais bien d’un séducteur…..va falloir rouler votre langue sept fois avant de parler
et surtout choisir les mots appropriés, même si vous vouliez faire une comparaison cela ne justifie pas cette phrase.
Les blogues font-ils évoluer le monde dans le bon sens du terme? Certains sûrement, mais pas tous.
Patrick Lagacé a déjà écrit dans le sien qu’un type de Holywood ne portait guère attention à ce qu’on lui écrivait. Ce qui est très pertinent à ma compréhension. Comme dans « le blues du business man » de Starmania par Plamondon, les blogues sont là pour pouvoir dire qu’au moins on exite. C’est cruel et pathétique à la fois.
Les blogues sont-ils là à cause des moeurs et de l’arrivée de la technologie? Est-ce la star qui fait le blogue ou bien ce qu’elle en dit ou pense? Comment comprendre aussi l’extrême popularité de la chose en jurant que c’est l’avernir de l’Internet? Personnellement j’ai eu mon 15 minutes de gloire en écrivant à l’occasion, ce qui n’était pas mon but premier. Se mettre tout nu devant le monde n’est pas évident. Il faut des bons motifs pour étaler ses états d’âme, d’autant plus qu’après s’être exposé, c’est le retour à la case départ, le vide sidéral. Je ne sens pas plus important que je ne l’étais et c’est très bien ainsi, je n’en veux pas plus.
Mais alors? Donner son point de vue? En vaut-il la peine puisqu’il ne fait jamais l’unanimité, nous sommes en démocratie. Pour sortir de l’anonymat? Argument + ou – valable ou valide qui ne mène qu’à son moi profond; je ne suis qu’une goutte d’eau dans l’océan et strictement rien d’autre.
Les blogues ne seraient-ils pas devenus plutôt la 11e plaie d’Egypte selon l’Histoire très très ancienne?
C’est un pensez-y bien Monsieur Desjardins. Je comprends la tentation de l’expérience, de vouloir performer à tout prix. Apprenez que lectorat se lasse vite et il a horreur du vide. Savoir se renouveler sans cesse sans se répéter est un don. Moi je ne l’ai pas et n’aspire pas à le mériter, autrement je vais tomber irrémédiablement dans la contrainte de devoir performer. Que non! Que non!
Je sais que j’existe, je connais mes limites, ça me suffit. A quoi bon d’avoir les yeux plus grands que la panse?
On le comprendra Monsieur Desjardins. L’affaire du blogue n’était sans doute venant de vous qu’une façon ironique et métaphorique de planter un autre décor pour vos idées pêle-mêle de la semaine.
De celles qui individuellement et avec un langage de Journal du Québec (pour ne nommer ici aucun ancien transfuge) auraient tôt fait de provoquer mille réactions, mais susciter au final un élan vide au détriment d’un réel débat.
Donner son impression une seule fois pour toutes, tranquillement, c’est une prise de position définitive, non négociable. Le blogue est un jeu de ping-pong anonyme dont la bassesse, l’accessibilité et le côté versatile peuvent trop souvent dépasser la profondeur et la constance, sinon la beauté du geste.
Alors revenons au sujet.
De la peur crasse, des préjugés qu’elle entraîne et de la connerie quand elle ne souffre aucune remise en question de notre tendance d’humains à projeter à outrance quand on n’a pas l’intelligence ni l’énergie de comprendre.
J’ai tout dit en une phrase et serais bien incapable de développer.
Juste deux vérités à ennoncer.
Limoilou est un quartier SÉCURITAIRE et surtout NORMAL. Pas un quartier dortoir. That’s it that’s all. Où les « béesses » qui font peur à la dame et les professionnels arrivent à vivre en bonne intelligence en partageant petites brèves du jour, écoles et commerces. Et tous les autres habitants non étiquetables et dont elle n’a même pas idée.
Ce n’est donné au lot des gens de banlieue ou des Novo-St-Roch ghettoïsés dans leur recherche de confort urbain de comprendre que la beauté de la vie est faite de diversité.
Quant au Kaboul c’est un bijou de petit resto et l’amalgame avec le conflit qui se passe au dehors d’ici est non pas une connerie mais une insulte à l’intelligence.
Laissons-les se détester eux-mêmes, les tièdes peureux qui font des esclandres de la sorte. Aimons les simples qui vivent le jour pleinement avec une tête sur les épaules, et puis un coeur au milieu de la cage thoracique.
Je ne connais pas le quartier de limoilou, je n’y suis jamais allé, mais une réflexion m’est venue a l’esprit en lisant la lettre de bêtise que vous avez reçu..cette femme est la mémère du coin. Quoi ? C’est impoli ?
Pensez-y, y a-t-il un quartier au Québec ou il n’y a pas une madame qui regarde ce qui se passe chez les voisins par la fenêtre, qui reste chez elle à juger les autres sur ce qu’ils font, ce qu’ils disent. Assis dans sa chaise de patio sur la galerie ou sa chaise berçante, elle se nourri de ce qu’elle peut dire sur les autres ou inventer sur les autres. Ou encore cette même mémère là qui se promène dans les salons de coiffures, les restos, les centres d’achats et qui mémérent dans le dos des gens juste pour mémérer dans le dos des gens! Ce genre de personne là ne trouve jamais rien de positif dans personne, cherche seulement le négatif dans tout le monde, méprise le positif, bref la vie c’est noir.sauf la leur bien sur! Alors je crois qu’il faut en prendre et en laisser et surtout ne pas donner d’attention a des commentaires du genre, je crois qu’ils ne méritent pas notre énergie.
Je crois sincèrement que dans chaque quartier, de chaque ville du Québec il y a des choses méprisantes et des choses extraordinaires, il faut les voir!
En fait on voit ce que nous voulons voir.
Il existe effectivement des stéréotypes bien ancrés au sujet des filles qui couchent avec plusieurs gars, des filles qui aiment le sexe, qui tentent de trouver le bon sans succès mais qui continuent à espérer et à essayer. Par contre, une nuance doit être faites au sujet de la réaction de la dame, qui si je peux me le permettre, fréquente des lieux communs. La question principale à se poser est la suivante : Qui qualifie la fille de traînée ? Dans le cas échéant, il s’agit d’un homme. Le comportement de la fille en question est automatiquement perçu négativement puisque ce dernier (et là je parle d’homme au sens large monsieur Desjardins), s’il est amoureux, risque de se voir blessé par la « traînée » en question. Inversons alors les rôles, une fille peut très bien qualifier un mec de salop (traînée au masculin…oui oui ça existe !). Ses copains le perçoivent comme un séducteur né ? Il est où le problème ? L’amie de la traînée la trouvera aussi grande séductrice. Elle la félicitera pour ses bons coups, se régalera de ses aventures racontées et aura envie, par moment, de vivre elle aussi ce délice hormonal. Au final, on cherche tous et toutes l’amour mais on n’accepte pas que ça puisse passer par le vice…chez l’autre sexe. Et arrêtez-moi ces analyses féministes inappropriées. C’est ce qui tue le mouvement !
**Et posez-vous la question suivante: si une chroniqueuse de qualité avait utilisé le mot « salaud » ou « gino » pour qualifier le même genre de personnage version masculine, auriez-vous réagi ?
Je ne suis pas du tout d’accord avec votre article.
Une dame s’exprime sur la façon dont elle perçoit un quartier et c’est sa manière de penser qu’elle vous partage. Si c’est fait poliment, je ne vois pas à quel moment son opinion est moins bonne que la vôtre. Vous conservez l’espoir que Limoilou soit un quartier sain et où l’on y vit bien. C’est une opinion importante. Cette dame a une croyance: Limoilou est un quartier de voyous: c’est sa pensée et je pense qu’il faut la respecter tout simplement.
Que vous receviez des lettres qui vous déplaisent et vous confronte, c’est un peu normal: vous écrivez des articles dans Voir et chacun d’entre nous a un droit de réplique. Quant à votre sarcasme sur ses écrits en patte de mouche, je trouve déjà extra qu’une vieille dame lise votre journal.. et prenne le temps de vous partager sa façon de voir les choses. Nous ne sommes pas encore tous à l’heure du numérique!
À quoi cela sert de vivre pour vivre aussi con. Hum. Peut-être doit-elle ouvrir son esprit, et vous apprendre des cours de politesse et de respect envers les aînes? Ce n’est pas parce que cette dame vous lance un camouflet que la réplique doit être douce car elle est âgée, mais au moins de conserver une forme de civilité serait souhaitable.
Vous présentez votre chronique sous forme de blogue. Cela ne vous donne pas pour autant le droit d’être impoli. Irrévérancieux, certes, mais pas irrespectueux.
Au fait, je ne suis pas d’accord: je suis moi-même immigrante et chez moi est l’endroit où je me sens bien, même si parfois je reçois des messages soulignant ma différence culturelle et raciale. Nous avons toujours un chez nous, même si parfois certains nous rejettent: ils ne sont pas la majorité.
Tout comme votre lectrice qui vous a écrit ne représente pas la majorité de vos lecteurs, mais sa voix pourtant résonne davantage en vous: c’est dommage. La vie peut être vue sous tous ses angles, mais vous avez choisi de regarder celui qui vous horripile.
Si je comprends bien, la chronique épicée et parfois même savoureuse que nous a habitués David Desjardins est maintenant rendue une simple excuse pour sortir son dégout et son mépris…
Quoiqu’en lisant un peu mieux, je comprends un peu plus que ce n’est pas vous, cher M. Desjardins, qui est lassé, frustré et désillusionné, un peu comme l’est Vatanen après l’altercation fatidique dans ce livre…
C’est plutôt une colère complètement ahurissante qui s’est épris du monde entier. Un monde de toute évidence totalement incapable de lire entre les lignes, de voir un peu plus loin que le jugement primaire de la dénonciation sans fondement ou encore trop coincé pour sortir des sentiers battus pour voir que le monde en soit n’est pas si pire que ça.
Je suis entièrement d’accord avec l’impression de futilité qui ressort de l’effort d’écrire pour un blogue, parallèlement à toutes ses phrases, tous ces mots qui polluent la blogosphère, et au sens général, le réseau internet en entier.
En fait, non pas vraiment, je retire ce que je viens de dire…
Si ce moyen d’extérioriser son désagrément de la vie « réelle » est un moyen sans conséquences de se défouler, je n’y voit rien de mal. Bien au contraire, c’est le signe, peut-être même le seul signe, que la démocratie n’est pas si « démo-crasseuse » que ça, non plus…
Petit P.S.:
Pour quand la naissance de ce blogue??
Je comprends très bien ce que veut dire monsieur Desjardins quand il dit que l’une des deux dames qui lui a écrit ne saisit rien de ce qu’il a écrit. Je pense que certaines personnes ayant fait des commentaires ne comprennent pas non plus d’ailleur. La dame qui dit que Limoilou est un coin de voyous et de BS a bien sûr droit à son opinion et à sa liberté d’expression mais elle fait la même chose que Jeff Fillion a l’époque de sa glorieuse période lorsqu’elle dit ces choses. Il faut faire attention et ne pas généralisé nos propos comme le fait cette femme. Monsieur Desjardins a bien compris cela et c’est ce qu’il explique dans son texte de cette semaine. À Limoilou, il y a des gens qui comme à Sillery ou ailleurs ou des emplois qui rénumèrent bien et il y a aussi des personnes âgées tranquilles. On peut aussi dire qu’à Ste-Foy comme à Limoilou il y a du monde »tout croche » qui allume des feux dans des poubelles et qui fument du crack. Bref, tout les criminels ne sont pas tous à Limoilou et ce que dit la seconde femme est assez stupide et assez irrespectueux pour les gens de Limoilou qui en grande majorité sont bien correct. Alors, quand Monsieurs Desjardins dit : »À quoi cela sert de vivre pour vivre aussi con », il fait juste dire qu’il est triste que malgré tout son vécu la personne n’ait aucune ouverture d’esprit et aucun jugement.
Pour ma part, je dois dire que je trouve que Limoilou et le nouveau quartier St-Roch sont des endroits magnifiques. En pleine ville, il est possible de marcher le long de la rivière St-Charles ou dans le Parc Cartier-Bréboeuf, des endroits magnifiques. C’est aussi des quartiers qui sont animés et qui bougent à longueur d’années. Ce sont des endroits qui représentent bien la ville de Québec et la population.
P.S. Il est fascinant de voir comment les mots peuvent provoquer des réactions, les gens aiment bien reformuler à leur manière. Il est très amusant de lire les commentaires et de voir les réactions.