Dieu? Ben oui, Dieu. À force de le traiter de tous les noms, des noms qui sonnent atrocement faux dans la bouche des imams, des rabbins ou des évêques, dans le discours des politiciens ou des promoteurs d'un athéisme furieux, on en vient à regretter qu'il soit réduit à un mécanisme. Un machin folklorique ou un vulgaire levier des pouvoirs. <p>Comme dans le procédé théâtral, Dieu n'est plus que deus ex machina. Dieu qui sort de la machine, comme d'une boîte à surprise. Tel l'amant planqué dans le proverbial placard du vaudeville qu'est l'actualité. Et hop, le voilà qui vient à la rescousse quand la raison déclare faillite. Le voilà qui complète une réflexion bancale, le voilà l'ennemi à abattre, le voilà qui sert un peu tout le monde et nous reconduit dans nos réconfortantes forteresses de certitudes. <p>Certitudes desquelles nous sommes littéralement confits. <p>Vous voulez savoir si je crois en Dieu? Pas comme vous l'entendez. <p>Je préfère l'idée de Dieu à Dieu lui-même. L'idée de Dieu dans l'indicible. Dieu dans les détails, et pas le diable, contrairement à ce que veut l'adage. Dieu dans de toutes petites choses qui me feront désormais écrire son nom en débutant par une lettre minuscule, et pas cette majuscule qui semble elle aussi relever de la manipulation de la pensée, d'une hiérarchie qui a plus à voir avec l'Église (encore le pouvoir) qu'avec le divin.<p>Des trucs minuscules, donc. Comme ces paysages décharnés, d'une beauté tragique, au nord de Louiseville. Des terres qui se recroquevillent pour l'hiver, pareilles à des orteils congelés au fond d'une bottine. Tout un territoire retourné, où déferlent des vagues de terre sèche et blonde qui s'écrasent sur les rivages d'une route fissurée. Le charme biblique d'une fin du monde rurale. <p>Des trucs minuscules, encore. L'idée de dieu comme l'interlocuteur de ce type qui se parle tout seul en marchant devant la caisse pop au coin de la 5e Rue. Le soleil de novembre, qui penche avec le jour, lui fait une sorte de halo. Il n'a pas l'air d'un fou furieux, mais pas l'air tout à fait sain d'esprit non plus. Cheveux en bataille, jeans élimés, manteau noir plutôt mince pour la saison: tu te dis que ce pourrait être toi qui parles ainsi à dieu. <p>L'idée de dieu, aussi, dans l'ordinaire de ces épisodes où le temps suspend sa course absurde vers la mort. Une main qui se serre sur ta cuisse pendant que tu conduis et que les phares de la voiture fendent la nuit en deux. La tête d'un enfant, lestée de fatigue, qui vient se lover dans ton cou, comme échouée. L'air froid qui te brûle doucement les bronches pendant que tu jogges sous les lampadaires. Encore dieu dans tous ces détails si tu prends la peine de les remarquer.<p>L'idée de dieu sans la mystique, sans les diktats d'une Église, qui n'a que faire d'un lieu de culte, d'une chapelle, d'une mosquée, d'une synagogue ou d'un séminaire de réalignement des chakras. L'idée de dieu comme une chose en dehors des contingences du temps et des préoccupations de l'actualité, qui se moque des accommodements raisonnables, de la culture, du Nous. <p>Toute une idée de dieu dans l'incertitude. Dans la peur qui ne paralyse pas, mais donne plutôt du sens, de la valeur à ce cirque. Une idée de dieu nous permettant de regarder la mort en face. Avec courage, mais aussi avec l'humilité de ceux qui constatent que nous préférons trop souvent fuir, en glissant sur la surface des choses. Et surtout que cette fuite, quête d'immortalité, c'est un peu mourir avec le coeur qui bat. <p>Mon idée de dieu? Elle s'apparente à l'effort. Celui de se tenir debout, malgré les vertiges de la vie. <p> <p>AVEC MES EXCUSES – Elles ont lu, elles n'ont pas du tout apprécié, et je m'en veux un peu, bon. Il y a deux semaines, chronique sur la commission Bouchard-Taylor de passage chez nous, je prends deux étudiantes comme exemple afin d'illustrer l'ignorance collective des véritables fondements de la crise sur les accommodements raisonnables. Je déconne ferme avec la forme, ça part dans tous les sens, beaucoup d'humour, de sarcasme… Mais m'amusant à souligner d'abord l'écart vestimentaire entre ces deux jeunes femmes – tirées à quatre épingles – et le reste de la foule, puis ensuite l'aveu de leur propre incompréhension de la chose, je laisse maladroitement planer un doute quant à leur profondeur intellectuelle. <i>En fait, vous nous avez fait passer pour deux blondes superficielles et incultes</i>, m'écrit essentiellement l'une d'elles, furieuse.<p>Réplique qui n'est pas passée inaperçue, en bonne partie grâce au charme qui émane de cette efficace missive teintée de colère, mais surtout d'une féroce volonté de me convaincre que je me trompais sur leur cas… Sauf que je n'ai jamais cru que vous étiez plus nounounes que les autres, Mesdemoiselles! Tout ce que je cherchais à faire, c'était montrer l'ignorance du collectif en vous prenant en exemple, sans plus. Et si subsistait un doute, votre lettre dans laquelle vous m'attaquez splendidement aurait fini de me convaincre du contraire. <p>Nous nous sommes expliqués par courriel, je vous ai promis de remettre les pendules à l'heure ici. Voilà qui est fait. Avec mes excuses, Tania et Sarah.
Un matin, je me lève, comme le soleil, monsieur Desjardins.
L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, il paraît. Moi, quand j’étais jeune, beau et fou, je ne prenais pas de chance, je ne dormais carrément pas la nuit. J’écrivais et je lisais.
Je prenais des notes. Comme un fou. Mais pas comme mon frère Marco.
Oui, mon frère était « fou ».
Au milieu de ma famille nombreuse adoptive, Marco, c’était le fou du village.
Et ce village, c’était Hochelaga-Maisonneuve. Le quartier des Sauvages Chevaleresques.
Le quartier où Ste-Jeanne d’Arc, son école primaire, m’a appris a devenir un espion dès la sixième année du primaire.
Le gros bonhomme barbu qui donnait des coups de pieds dans le cul aux étudiants lunatiques pour les remettre dans les rangs afin que les petits crinqués comme moi puissent en apprendre plus sur le monde et le Québec, il s’appelait Lucien.
Comme Lucien Bouchard. Lucien Bouchard, le fondateur du Bloc Québécois. Celui qui, par principe, a fondé un parti d’opposition éternel en le transformant d’un coup sec en groupe d’opposition officiel.
Jamais dans le ROC on avait cru ça « dieu possible ».
Et pourtant, c’est arrivé près de chez nous, à Ottawa, à la Chambre des Communes.
Moi, si je vous parle de mon frère Marco, qui était vraiment « fou », c’est pour vous dire que le 400e anniversaire de la fondation de la Ville de Québec est une bonne date pour créé la nouvelle nation du Québec, libérée de bonne manière de la fiction fédérative canadienne.
Moi, si je vous dis que Marco m’a un jour dit, un matin, après avoir mangé des barres de savon dans un bain : « Tiens, Steve, touche mes plaies, je suis Jésus Christ. », un peu avant que ma mère me dise d’aller manger avant d’aller à l’école ; bref, si je vous dis ça, c’est pour vous rappeler que le génie côtoie bien la folie.
Moi, je l’ai côtoyé cette folie. Cette folie que le petit JC lui-même qualifiait de divinement heureuse. Et feu Marco est aussi bienheureux que je suis un génie.
Dieu ou Celui à qui on donne tous les noms me laisse froid. L’Eglise catholique québécoise et surtout son clergé m’ont tellement fait chier que graduellement j’ai tout envoyé en l’air. Plus question de frayer avec ce monde-là! Je ne m’en trouve que mieux, c’est mon choix et c’est devenu ma religion. C’est surtout une chose extrêmement personnelle d’où l’immense respect que je me voue rien que pour cela. Il faut avoir vécu l’enfer de cette époque minable pour saisir le sens véritable de ce revirement à 180°.
Théologiquement Dieu existe peut-être. Pas tout à fait naïf, je sais bien qu’il y a une puissance supranaturelle qui gère l’Univers. De là à plonger dans la croyance béate de toutes ces arguties vaines et trompeuses! On a tellement glosé sur la gnose qu’il n’y a plus rien à ajouter. On me rétorquera que puisque je n’y crois plus, pourquoi prendre le temps de l’écrire ici? Simplement qu’il m’a fallu tout ce cheminent pour en arriver où j’en suis maintenant: libre!
Je lis en ce moment « La Bible immorale » de Normand Rousseau M.A. SC. Rel., éditions LC 2006. Des livres comme celui-là n’existaient pas avant la révolution tranquille pour la simple raison que l’Eglise les mettait à l’index ipso facto. Ce n’est que plus tard qu’Elle prendra toute une râclée ici au Québec. Les québécois(es) ont fait leur révolution sans même verser aucune goutte de leur sang! Les anthropologues ne savent toujours pas comment expliciter ce phénomène social surgi à partir d’un fond de religiosité démesurée et si culpabilisante.
Oui, il me reste de cette époque des relents de ces reliquats pathologiques. Cela se manifeste comme des bouffées de piété comme j’avais autrefois. Cependant je prends grand soin de garder toute ma tête pour ne pas confondre plaisirs terrestres et orgasme mystique comme en avait (paraît-il) Thérèse D’Avilla. Les Pères de l’Eglise inconscients de la physiologie du clitoris féminin s’y sont perdus à jamais.
Et depuis, ils errent tels des fatômes disloqués.
L’homme est un drôle d’animal parce que différent. Il est la seule espèce à essayer de trouver un sens à la vie. Les autres animaux acceptent les choses comme elles sont. Leur instinct et intelligence primaire les guident dans cette vie qui se termine par la mort. La fatalité, s’ils comprenaient ce mot, les imprègne totalement.
Pour son bonheur, jeté dans la vie, l’homme refuse son absurdité. Il veut croire qu’il y a eu un commencement et que la mort n’est pas la fin. Dieu n’est pas une construction de l’homme. Elle est un acte de foi pour mettre un peu de baume sur nos souffrances. Comme le dit la chanson: »Et si c’était vrai ».
Monsieur Desjardins, vous voyez dieu dans votre quotidien, dans les gestes ordinaires de la vie. Vous aimez l’idée de dieu car les idées vous font vivre et respirer. Votre position est honorable. L’humanisme devrait être pratiqué plus souvent.
Je suis plus avide que vous. Je ne veux pas me contenter de voir dieu dans les choses de la vie. L’homme des cavernes appelaient les Dieux pour ne pas se sentir trop seul. Des archéologues ont mis en évidence le besoin du sacré de ces hommes face à la souffrance et à la mort. Les églises ont existé par la suite, récupérant cette angoisse et cet espoir. Elles ont pétrifié l’espérance dans des codes et des règles qui n’en rien à voir avec Dieu.
Je parle de Dieu comme si j’y croyais. Mon affaire est plus complexe. Je ne veux pas d’un Dieu seulement dans le malheur. C’est plutôt lâche et puéril. Dieu doit exister indépendamment de moi. Croire véritablement à Dieu est une grâce qui doit réchauffer le coeur. Essayer de croire en Dieu n’est pas une bonne façon pour le rejoindre. Mais que faire ?
Beaucoup, beaucoup de simplicité et d’humilité sont nécessaires pour combattre l’orgueil de l’homme. Vivre debout, c’est la trame de ma vie. Je serai debout lorsque que la grâce de Dieu m’atteindra; du moins, je l’espère.
Et si Dieu était une femme ? Et si Dieu était toutes les femmes ? Et si Dieu était dans la vie qui sort des femmes ?Et si Dieu se prolongeait dans l’éternité, dans l’infini des naissances ? Et si Dieu était l’à côté de la femme? Et si Dieu était homme ? Ainsi Dieu, n’est-ce pas ?
J’aime ta vision de Dieu….
Je connais tant de vertiges dans la vie que ta dernière phrase me touche particulièrement. Les vertiges d’amour, les vertiges de la peur, les vertiges du doute et les vertiges que me font vivre toute cette intensité créatrice qui semble ne pas vouloir s’apaiser. Souvent, en plein vertige, je me rend compte que la ligne est mince entre la chute et la droitesse… Entre la désespérance et la foi.
Ta poésie, encore, aura réussie à m’émouvoir…
Quoi de plus magnifique en effet que nos amours et cette nature qui s’étale humblement devant nos yeux….
L’on recueille la part de beauté que l’on veut bien recueillir de chacun de nos instants.
Et il n’y a pas un instant qui ne porte pas sa part de beauté.
La guerre serait pratiquement inexistante, si Dieu ne hantait pas nos esprits, plus que nos âmes. Malheureusement, la mise en scène de la guerre se voit souvent ralliée aux croyances et à ses défenseurs, qui ne jurent que par cette parole divine, interprétée et corrompue. Dieu devrait être l’amour, mais il ne semble pas que son essence soit respectée et comprise, comme ça devrait l’être.
Les religions chevauchent le pouvoir et manipulent les êtres humains, afin de mieux régner sur la planète, sans compromis et sans empathie. Si tu n’es pas des nôtres, tu ne mérites pas de vivre semble-t-il. On peut comprendre que le ciel soit souvent nuageux.
Il est difficile de concevoir qu’un être supérieur puisse permettre de pareils combats pour assurer sa défense, alors que sa force devrait plutôt enrayer toutes les sources de conflits et générer un monde meilleur. L’esprit tordu et l’âme malveillante, qui croisent souvent les religions, m’enlèvent le goût de me joindre à ses sectes enflammées. Paix sur la terre, plus que guerre religieuse, sans fondements, ni humanité.