<p>C’est à peine si ma fille a trois ans, et déjà, je m’inquiète de son éducation. Pas celle qu’elle reçoit à la garderie, où l’on poursuit de manière exemplaire le travail des parents dans l’apprentissage du monde, de la sociabilisation et de l’art du jeu. <br />Je pense plutôt à celle qui vient après, celle où s’inscrivent les matrices de l’avenir scolaire, social et culturel. Le primaire.<br />Suis-je inquiet en raison de la réforme? Disons que je le suis d’autant plus que j’ai eu le privilège de recevoir une éducation traditionnelle, tandis que plusieurs de mes amis qui ont fréquenté l’école publique souffrent toujours d’avoir été les cobayes de la saveur pédagogique du mois. Encore aujourd’hui, ils constellent le moindre texte d’erreurs honteuses. <br />Si je maîtrise orthographe, grammaire, si je peux lire des textes d’une relative complexité sans trop m’y perdre, c’est parce que j’ai appris à la dure. Des dictées à n’en plus finir, des examens de compréhension et d’analyse grammaticale, des règles apprises par cœur. Des «copie-moi 20 fois “il n’est pas permis de mettre un s à parmi”».<br />Je ne dis pas que c’est là l’unique méthode, seulement qu’on la pratique depuis des lustres, et qu’elle est éprouvée. <br />Est-ce que j’aimais cela pour autant? Bien sûr que non. Je maudissais mes profs, cela m’emmerdait au possible, et comme plusieurs enfants, je répétais sans cesse: «À quoi ça sert d’apprendre tout ça?» Une question sensée, dans la mesure où j’étais l’enfant d’une époque fonctionnaliste que l’on exposait à des méthodes d’un autre âge. Une ère révolue où l’on mesurait la qualité d’un humain à sa capacité de maîtriser non pas des compétences, mais les outils qui lui permettaient d’aspirer à l’excellence, de s’émanciper, d’être libre. De choisir. <br />C’est donc dans la contrainte que j’ai appris la liberté. Et l’effort comme une force qui te permet de produire quelque chose de durable, puisque ce que j’ai acquis dans la contrariété s’est inscrit en moi comme un tatouage. <br />«Tu penses comme nos parents», me disait l’autre jour un prof, l’air dépité, alors que je lui exposais ma vision néandertalienne d’une éducation qui s’apparente à la pratique du sport. Avec ce que cela recèle de douleur, de souffrance requise pour obtenir des résultats, pour évoluer. <br />Peut-être, oui, que je pense comme nos parents. Peut-être aussi que je souhaite simplement mieux pour ma fille que les résultats pitoyables que donne jusqu’à maintenant la réforme dans l’apprentissage du français, et que je me rabats donc sur les méthodes qui ont démontré leur efficacité.<br />Dans l’explication des programmes de l’école (privée!) où je compte envoyer ma loutre, on peut lire qu’on y offre des cours supplémentaires d’anglais, mais aussi de français. J’ai presque hurlé de bonheur en lisant les motivations d’un tel programme, puisqu’on y indique qu’il a pour objectif d’aider l’enfant à maîtriser sa langue maternelle afin de lui permettre de mieux communiquer, de structurer sa pensée et d’accéder à une meilleure compréhension du monde. Simple comme ça.<br />Et que ceux qui reconnaissent ici l’esprit de la réforme et se préparent à me le mettre sous le nez ne se réjouissent pas trop vite. Nous ne sommes pas là dans l’apprentissage par compétences, mais bien dans la maîtrise d’un savoir pur, aux règles parfois absurdes, dont on définit ici les deux principales fonctions: comprendre et se faire comprendre. C’est tout. <br />Toujours à propos de la réforme, dans un des documents desquels elle tire son origine (le rapport Corbo, 1994), on précise que «la préparation adéquate au travail, dont les opérations sont désormais contrôlées par les systèmes informatiques, passe d’abord par la maîtrise des connaissances en langue maternelle et en mathématiques». <br />C’est la base, l’essentiel, l’édifice sur lequel toute l’éducation repose. Sans cette maîtrise, tout fout le camp. <br />Le français vient avant tout le reste, c’est le pivot du savoir. <br />Pas une compétence transversale.<br /> <br />LES ROMANS PAYANTS – Après les spectaculaires annonces sur les échecs de la réforme dans l’apprentissage du français, les fautes commises par les enseignants et les piètres résultats obtenus par les jeunes Québécois dans un examen qui portait sur la compréhension de textes, cette nouvelle est presque passée inaperçue. Publiée à la toute fin du cahier A de samedi dans La Presse, elle était chapeautée du titre: «Les romans rendent plus riches». <br />La lecture de romans ramenée au rang de moteur économique? C’est ce que prétend le National Endowment for the Arts, un organisme gouvernemental états-unien. Selon son étude, la lecture de romans serait non seulement bénéfique pour l’imaginaire, mais elle aiguiserait aussi la compréhension de textes, permettant aux travailleurs de mieux saisir le sens et les subtilités de documents relatifs à leur emploi. Qu’il s’agisse d’indications relevant de la manipulation de machinerie ou d’un travail de bureau. <br />Ainsi, comme le prétend l’organisme, la baisse dramatique du nombre d’heures consacrées à la lecture affecterait notre productivité.<br />Dans une société qui bande dur sur l’économie, voilà probablement le seul argument en faveur de la lecture qui risque d’avoir de véritables répercussions du côté des décideurs.<br />Je devrais être content, et pourtant non. Comme l’impression qu’on vient de rendre payant un acte gratuit. C’est qu’il en reste si peu.<br /> <br />LE PONT DE QUÉBEC – Cela n’a strictement rien à voir avec ce qui précède, mais je m’en voudrais de ne pas vous féliciter d’avoir élu Régis Labeaume comme maire. Pas en hurlant de joie ou en vous émiettant les vertèbres de quelques viriles tapes dans le dos. Ce n’est d’ailleurs pas le genre du bonhomme, un habile politicien qui, plutôt que de gueuler, a passé presque toute la campagne à chuchoter à l’oreille de tout le monde ce que chacun voulait entendre. <br />J’ai l’air sarcastique, mais non. Je vous félicite sincèrement, parce que j’ai pour une fois l’impression d’avoir affaire à un lucide sensible, quelqu’un qui pourra réconcilier cette ville et soigner sa schizophrénie plutôt que de se donner en spectacle en jetant de l’huile sur le feu. Quelqu’un qui viendra faire le lien entre les milieux des affaires, de la culture et du sport. Un gars de business avec un cœur, une âme. Le pont dont Québec a cruellement besoin. <br /></p>
Votre petite loutre ira à l’école et on vous dira qu’elle réussit très bien. Vous vous endormirez sur ce constat.
Dans La Presse, j’ai aussi lu l’article dont vous parlez. Ce matin, autre article qui contredit totalement celui de samedi. Les Québécois sont très bons en tout.
On fait dire n’importe quoi aux chiffres. Et quand plus personne ne saura écrire, la non maîtrise de la grammaire et de l’orthographe deviendra la norme. Comment accorder une grande valeur à ce qu’on ne maîtrise pas. L’exercice nous dévaluerait. D’autant plus que l’anglais est tellement plus important…
Quand la majorité échouera en français, on normalisera ( d’ailleurs, on le fait souvent je crois et les parents ne le savent pas). OU encore on enlèvera .2 par faute au lieu de .5 et ainsi de suite. On dira que les idées sont plus importantes que l’orthographe et blablabla.
Bonne chance petite loutre et souhaitons que ton papa surveille ton apprentissage.
LE FRANÇAIS PAR TÊTE
On parle bien sûr le français par coeur, mais la tête a son mot à dire dans cette affaire. Les mots et l’esprit demeurent en lien direct et la force de l’un participe à la construction de l’autre. L’étendue du vocabulaire contribue à l’expression de soi et élargit la vision du monde, tout en contribuant à la facilité relationnelle.
Les dictées des petites soeurs ont toujours été reconnues pour leur efficacité et mériteraient de demeurer en fonction pour l’apprentissage de la langue. Il faut battre le fer jusqu’à ce que le résultat désiré ne soit obtenu. Et au jeune âge, les parents savent mieux que leurs flots quel est l’objectif à atteindre.
Quant aux politiques du Ministère de l’éducation et à ses réformes, quant au choix entre l’école publique et privée, les changements constants de ces orientations me laissent perplexes devant le choix à entrevoir. Il faut être évidemment confronté à ces dilemmes afin d’approfondir les solutions à envisager. Croyant tout de même à l’école publique, sans renier le privilège que représente l’école privée, il ne faudrait quand-même pas la déserter, mais plutôt l’encourager à s’améliorer.
Les problèmes que rencontre l’apprentissage de la langue sont trop complexes pour les ramener à une simple histoire de dictée, ceux qui se montrent intransigeants au chapitre de la présence importante de dictée dans les programmes scolaires étant absolument certains d’avoir trouvé la seule et unique bouée de sauvetage tandis que ceux qui émettraient des doutes à cet effet seraient à leurs yeux d’iniques traîtres complotant pour sa disparition.
Loin d’être une panacée, la dictée se doit d’être d’abord et avant tout un outil pédagogique important pour qui sait l’utiliser à bon escient. Elle devient alors un moyen pour contrôler l’apprentissage des règles élémentaires de la composition en tant que la grammaire est concernée. Dans cet esprit, ceux qui la font subir doivent alors se tenir bien loin des modèles traditionnels à partir desquels cette pratique s’est illustrée, principalement dans les réseaux d’éducation privée d’avant les réformes de l’enseignement quand celle-ci devint un enjeux de société qui n’était pas réservée à une seule élite de privilégiés. On se rappellera qu’à cette époque et sans doute aussi longtemps après, les résultats à la dictée donnaient lieu à un défilement des fautifs par ordre descendant un peu comme s’il s’était agi d’une confession des péchés un mercredi des cendres. Galvauder un tel outil pédagogique par cet esprit qui ne servait qu’au déballage des inégalités devant la culture ou le talent pour mimer ne pouvait que lui jeter un discrédit sans bornes. Cela était d’autant plus absurde en ce qui concerne le vocabulaire que les dictionnaires ne sont pas faits pour être broutés par des ânes. Il est à la limite imbécile de vouloir retenir par cœur et sans faute tous les mots du vocabulaire qui ne sont d’ailleurs pas immortels et qui finiront par disparaître ou par s’écrire autrement, sauf bien sûr si des règles dictatoriales et staliniennes empêchent le langage parlé d’être codifié à son tour. La dictée n’est plus alors qu’un moyen pour souligner les différences sociales et pédagogiques au regard de l’apprentissage de la langue.
Il ne faut pas sous-estimer non plus la concurrence que fait l’image à l’écrit. Les habitudes de lecture, ne serait-ce que celle d’un journal, font place à des activités qui tournent autour de la consommation des images. Or, pour apprendre à écrire, il faut d’abord apprendre à lire, surtout si l’on est plongé dans un milieu dont les membres, qui faute d’avoir des repères en lecture, n’ont même pas appris à parler. Tous les repères de l’écriture font alors défaut. À qui la faute ? Certainement pas au seul système scolaire.
La maîtrise du français n’est pas une valeur ajoutée. Ce n’est pas qu’un simple avantage parmi tant d’autres qui peut aider un candidat à se démarquer quand les autres compétences sont jugées équivalentes.
Le français, en tant que langue maternelle, c’est la base de la construction de l’esprit. C’est ce qui structure la pensée de l’enfant et l’amène à saisir la complexité de certains concepts fondamentaux qui sont le propre de notre culture. La langue, prise dans toutes ses expressions (parlée, écrite, lue, chantée…) est le moteur de la communication et sa maîtrise fine et subtile permet une élévation intellectuelle essentielle à la compréhension de notre monde.
Les enjeux liés à l’enseignement de la langue sont multiples car en plus de participer à la construction de l’individu, cet apprentissage est fondateur quand au développement des relations sociales. L’enseignement du français au Québec est un instrument fédérateur qui contribue à l’édification de notre identité culturelle.
Je suis, comme vous, mon cher Desjardins, issu de la vieille école. Mon apprentissage du français c’est fait à la dure. La maîtrise de cette langue si riche, je la dois en grande partie à ma formation classique (latin et grec). Ce parcours rigoureux m’a amené très tôt aux origines des mots et à la compréhension de leur évolution.
Ce que je n’apprécie pas dans la manière actuelle de considérer l’enseignement du français, c’est cette approche purement fonctionnelle qui veut que la langue serve principalement d’instrument d’inclusion sociale. Qu’une connaissance minimale de la langue puisse suffire aux besoins des individus dans leurs déterminations civiques.
Le français ce n’est pas que la connaissance des mots et de leur utilisation fonctionnelle. Le français porte tout le poids des philosophies grecques et latines. Le français, c’est la langue de l’humanisme (ne disait-on pas faire ses humanités?) qui dans sa structure même porte des valeurs profondément enfouies dans notre culture. Ce sont ces valeurs qui doivent être le fondement de l’enseignement de la langue et pas seulement l’apprentissage d’un code permettant d’occuper un emploi ou de se faire comprendre au dépanneur du coin!
L’école transmet-elle un savoir ou des compétences ? Cette controverse serait le reflet d’un malaise de société. Une question philosophique même.
Posée ainsi, la question va tellement dans le sens de votre chronique que je ne peux résister à l’envie de transcrire un extrait d’entrevue du philosophe Alain Finkielkraut recueillie par Antoine Robitaille dans Le Devoir du 1er décembre sur cette problématique. En introduction de l’entrevue il titre : «Hannah Arendt avait prévu la crise dans nos écoles.» À la pédagogie, elle reproche d’être devenue «une science de l’enseignement en général, au point de s’affranchir complètement de la matière à enseigner». Selon elle, cela correspondait à tarir «la source la plus légitime de l’autorité du professeur», le savoir.
Qu’en pensez-vous?, demande le journaliste à Alain Finkielkraut qui vient de faire paraître La Querelle de l’école. Celui-ci réplique : «On parle de «nostalgie d’un ordre scolaire disparu», de «nostalgie des coups de règle sur la table». Et surtout — et c’est pour cela que mon pessimisme reste grand –, poursuit le philosophe, il est impossible de faire admettre que la sélection est un instrument démocratique. On combat aujourd’hui de manière très violente toute forme de sélection à l’école. Ce qui fait que, d’ici peu, l’enseignement exigeant trouvera refuge dans quelques lycées ou collèges privés. Ça commence à être le cas, et je pense que cette tendance est inéluctable. Les gens croient que le refus de la sélection est une conquête de la démocratie. En réalité, c’est à la fois une défaite de la démocratie et une défaite de la culture. Parce que, bien entendu, les seuls à pouvoir échapper à la médiocrité ambiante, ce seront les enfants dont la famille aura assez d’argent.»
La dictée sans analyse grammaticale et sans apprentissage des règles est, selon moi, un outils pédagogique aussi peu efficace qu’un pansement sur une hémorragie. Vaut-il mieux que tous s’expriment selon leurs moyens et qu’une minorité privilégiée possède les codes du langage et de la culture ? Le «savoir», en somme. Mais qui s’intéresse au savoir et à la culture dans une société où «faire du cash» est la préoccupation première ?
Du plus loin que je me souvienne, c’est très jeune, chez Papi et Mamie, en campagne que j’ai vécu mon plus grand apprentissage, mon initiation à la culture. Papi et moi avons passé des heures à discuter de littérature, de musique (quel beau souvenir, le jour où Mamie est partie au village et qu’il a mis La symphonie du nouveau monde et qu’il s’est mis à me raconter avec de grands gestes les paysages qu’il voyait défiler…déferler sous les élans poétiques de la musique). Il aimait le classique et la vieille musique française et québecoise. Il m’a fait passé de Gaston Lagaffe, Tintin, Achille Talon, Mafalda…à Patagruel, Platon et Nelligan. Il m’a initiée à la philosophie, aux penseurs grecs… il m’a parlé de sa vision de Dieu, de discipline, de moralité, de la vertue. Et moi, je l’exaspérais en le contre-disant tout le temps! Cela lui donnait l’occasion d’approfondir sa pensée!!!
J’ai tant joué au scrabble avec Mamie… J’ai commencé à jouer en même temps que j’ai pu enligner une syllabe et une voyelle ensemble! Je suis passionnée des mots, de ma langue, malgré mes grandes faiblesses de mauvaise élève que je corrige par fierté, avec le temps!
Je suis émue en repensant à tout cela et cela me fait réaliser à quel point nous avons bien fait de s’accorder tant d’attention et combien cet échange entre Papi et moi me fait encore grandir, même si nos entretiens éternels ont dû prendre fin avec sa vie. Tout cela grandit…en même temps que moi.
À l’école, dans ces murs lassant, perdue dans les livres que je n’avais pas envie de lire, j’ai dessiné, écris et chanté…dansé aussi. J’ai vécu de grandes amitiés avec professeurs et autres élèves mais je n’ai jamais appartenue à ce monde. J’étais ailleurs.
Je possède la liberté de l’ange,
Ses ailes et sa légèreté
et par-dessus tout
Un coeur pour aimer
Un coeur lourd à porter.
Plus il prend du poids, plus je m’enracine en ce vaste pays…Vie.
Je possède la liberté du vent,
Sa force, son souffle léger
et par-dessus tout
Un esprit éveillé et gai
pour chevaucher le monde et ses merveilles.
Plus les paysages défilent, plus je m’enracine en ce vaste pays…Pensée.
À voir mes cinq enfants évoluer, je me rends bien compte que chacun a sa façon bien à lui d’approcher l’univers et qu’il est riche d’une si grande originalité…
Cela est l’essentiel je crois. C’est d’être conscient de qui il est, d’être attentif à ses regards et ses subtilités. Pour pouvoir le respecter et bien l’accompagner dans son évolution…pour lui donner le plus de chances possible d’apprécier la vie.
Et surtout, ne pas sous-estimer son intelligence. L’enfant saisi beaucoup de choses qui semblent trop souvent échapper aux grands…
L’école… de rang, privée, publique ou au Zimbabwé, c’est le respect, l’amour et la passion qui font le plus gros du travail. je crois…
Au plaisir…
Je me souviens vaguement de mon premier jour de maternelle grâce à un flash personnel (une journée ensoleillée, le goût des larmes sur mes lèvres et ma future prof qui vient vers moi l’air intrigué par ma crise d’enfant gâté) et ce que m’en a dit ma mère.
Oui, j’étais l’enfant unique d’une mère monoparentale sur le point de devenir alcoolique à ce moment-là.
Et comme ma mère naturelle était quasiment en train de faire une fusion avec moi quand j’étais jeune, j’ai fait une crise de larmes bien solide lors de ma première journée d’école en maternelle.
Voulais pas y aller, le petit cul élevé couvé trop près du cul de sa mère.
C’est la raison pour laquelle la bonne Francine est sortie dans la cour de récréation afin d’aider ma mère a me détacher d’elle.
Au bout d’une négociation de 15 minutes, elle a finalement réussi à me convaincre que l’éducation, au fond, ça pouvait avoir du bon.
– Pense à tous les amis que tu vas te faire, Steve, qu’elle me disait.
Et ma mère qui opinait du bonnet en regardant sa montre (en pensant pour elle-même : « Envoye, ti-christ, je vais être en retard à la banque, calvaire ! »
Je ne bougeais toujours pas. Je me contentais de pleurer de rage.
Je me disais, du haut de mes cinq années bien sonnées : « C’est quoi cette société de Q-là ? C’est quoi le trip ? Pourquoi est-ce qu’il faut que j’abandonne ma mère pour obtenir me faire des amis ?? »
Après tout, je n’avais pas tort, non ? Mon premier ami, qui était né d’un mère elle-même né un jour en Haïti, et qui s’appelait Loulou parce qu’il était né la fête des loups ; est-ce que je ne l’avais pas connu avant d’avoir la haine de l’école ?
Oui, depuis l’âge de cinq ans, je haïssais l’école. J’ai toujours détesté passionnément les enseignants, les professeurs, les tableaux noirs, les pupitres et tout le reste… Tout ce qui fait l’école. Tout ce qui me dit : « Steve, le deal est simple : tu te prends un siège, tu t’écrases sur ton cul, tu m’écoutes, tu fermes ta gueule et tout va bien aller. Fais-moi confiance. »
Yeah, sure ! Depuis que j’ai l’âge de deux ans que je ne fais plus confiance à un adulte, et tu penses que je vais te truster, gros cave ?
Bref, tout ça pour dire que j’ai passé 12-13-14 ans dans le système d’éducation avec une seule envie : crissé mon camp de cette prison à ciel ouvert au plus vite !
Et pour y arriver, qu’est-ce que j’avais décidé de faire ? Jouer le jeu. Et on ne m’a jamais demander le contraire. On ne m’a jamais poussé à être moi-même. Ah, oui, on m’a invité à dire ce que je ressentais, ce que je pensais de leurs ostis de niaiseries inutiles, de leurs chiffres et de leurs lettres.
J’ai terminé mon D.E.S. d’un trait. Jamais je n’ai souffert autant dans mon être que le cul sur une chaise à essayer de faire des maths 434 et 534 cul par-dessus tête…
Une vraie torture. Pourquoi ? Parce que dans le système public dans lequel j’ai « évolué », on a eu l’idée géniale d’abaisser les standards de réussite en premier, deuxième et troisième secondaire… et c’est en quatrième et cinquième secondaire, de l’autre côté de l’hécatombe (lorsque les classes se vident de la moitié des cancres qui ne comprenaient pas la matière 10 fois diluée par des profs trop complaisant envers leur direction scolaire.
Enfin, j’en suis sorti et le seul diplôme post-secondaire que j’ai réussi à obtenir, je l’ai obtenu à Intégration Jeunesse, dans un programme fait sur mesure pour les épais comme moi : « Conseiller-vendeur en quincaillerie et matériaux de construction ».
J’ai purgé mes 720 heures de cours, mes deux stages en entreprise… et j’ai repris une jobine dans un club vidéo.
La perte de temps totale. C’est ce que je pensais jusqu’à ce que je lise la République de Platon et cet ouvrage de Nietzsche sous-titré : « Comment philosopher à coups de marteaux ».
Et c’est depuis que j’ai fait le lien entre ces compétences acquises manuellement et la langue française que j’ai vraiment apprise en lisant et en écrivant comme un dératé pendant plus de 22 ans maintenant.
Oui, l’Art poétique de Boileau est un beau livre. Et cent fois sur le métier il faut remettre son ouvrage. Le problème, c’est de savoir qui pourra apprendre à un jeune à penser, à avoir du fun à réfléchir comme on construit la niche de son Snoopy ?
Je suis d’accord avec vous. L’apprentissage formel de la lecture et de l’écriture est un processus long et bien défini dans le temps. Chaque étape est importante et nécessite un entraînement explicite centrée sur une compétence particulière. À certains moments toutefois, ni la connaissance des règles de grammaire ou d’orthographe, ni la capacité de les appliquer en situation structurée ne semblent venir à bout de certaines résistances.
Pour communiquer en langage écrit, l’enfant doit référer à une grammaire intérieure, un lexique mental bien ordonné. Quand l’apprentissage devient problématique et requiert un effort conscient pour que les mots s’emmagasinent dans la mémoire, l’entraînement doit être très ciblé et il faut éviter à tout prix le saupoudrage.
« Saupoudrer »: Couvrir d’une légère couche d’une substance pulvérulente.
Je vous fais part de ma vision de la réalité actuelle en m’appuyant sur mes observations en tant que maman et intervenante en milieu scolaire. Voilà mon point de vue sur le sujet:
1- Les programmes actuels sont beaucoup plus élaborés qu’à mon époque (et je suis plus vieille que vous). A mon avis, l’école d’aujourd’hui est beaucoup exigeante que celle que j’ai fréquenté dans les années ’70. Mon fils, qui a maintenant 12 ans, a toujours fréquenté le système public et il a fait des dictées chaque vendredi. Il a bâti son système orthographique en emmagasinant chaque semaine des dizaines de mots nouveaux de textes informatifs très élaborés. Les compétences exigées impliquent désormais des éléments liés à la compréhension et l’interprétation du monde. Quand j’allais au primaire, mes professeurs ne se souciaient pas vraiment des stratégies liées à la construction du sens. Il fallait apprendre à bien prononcer les mots lus, bien orthographier et retenir quelques informations d’un texte.
Aujourd’hui, on leur demande d’être à la fois organisé et bien intentionné. Ils doivent écrire sans faute et avec cohérence.
2-Les programmes visent parfois trop de compétences de manière stimultanée. Pour les enfants qui apprennent aisément, se réaliser à l’intérieur de projet collaboratif est une stratégie efficace et motivante pour développer sa communication écrite. Mais les enfants n’ont pas tous les mêmes capacités au point de départ. Je vois régulièrement des jeunes qui évoluent dans un système où les apprentissages sont inaccessibles pour eux. On leur demande de lire des textes qui ne sont pas adaptés à leur compétence langagière. Différencier la pédagogie en fonction des besoins individuels de chacun est leurre. Les conditions actuelles ne permettent pas aux enseignements d’adapter leur enseignement en fonction des problématiques de tous et chacun et les ressources sont trop pauvres.
Bonne journée!
Le français au Québec est comme l’intelligence en politique, il disparait de plus en plus! Et ce n’est pas le système d’éducation actuel qui changera la situation. Malgré leur tentative de « réforme »…encore une opération qui coûtera aux contribuables et qui laissera nos enfants toujours aussi niais!
C’est pour ça que je publie en Europe!!! Ou la langue est encore un peu respecté!
Puisque je suis l’enseignant qui vous a dit, cher M. Desjardins, que «Tu penses comme nos parents», alors que vous m’exposiez votre vision, je vous cite, «néandertalienne d’une éducation qui s’apparente à la pratique du sport», je tiens à vous répondre aujourd’hui. Cependant, je sais bien que la fougue qui anime votre plume (clavier!) risque bien plus de rejeter ce commentaire que de le considérer vraiment. D’ailleurs, ayant vu votre grande conscience morale tenter de re-former celle de mes élèves, je sais bien qu’il y a longtemps que vous avez arrêté de chercher la Vérité: c’est vous qui la détenez prisonnière! Mais bon, une amie m’invite à me prononcer et je vais le faire en termes claires. N’essayez pas de réduire mes propos à certaines fautes que j’aurais pu oublier: je n’ai pas de correcteurs qui travaillent pour moi.
Après la lecture de votre commentaire, je peux simplement dire que vous avez une vision conservatrice de l’éducation, celle qui rejoint des dizaines d’enseignants du Québec qui n’ont pas encore essayé autre chose. Et quand je dis autre chose, je veux dire ceux qui n’ont pas essayé de varier leurs méthodes pédagogiques, ceux qui croient encore que le savoir est transmis par des maîtres-sources-jaillissantes à des élèves-cruches-à-remplir. Toute les dernières études sur l’apprentissage et la pédagogie vont dans le sens de la construction du savoir (et non de la transmission du savoir), c’est-à-dire que l’individu ajoute, reclasse, sélectionne, recontruit, élimine, fait des liens à partir des nouvelles informations qu’on lui communique. Comme quoi le traitement de l’information est beaucoup plus important que l’information même, car sans outil adéquat pour le questionnement, l’analyse, la compréhension, la réutilisation, etc. de l’information, cette information peut se perdre à jamais. La beauté de la réforme est qu’elle s’attarde justement à développer ces outils de traitement, dans un monde où l’information est si facile à obtenir et si abondante.
Le plus difficile avec ce genre de jugement, c’est qu’en éducation, pour une grande partie de la population, il ne semble pas y avoir de reconnaissance de la spécialisation: tout le monde est passé par l’école et, à cause de cela, tout le monde est certain de comprendre cette profession. S’il le fallait, chacun pourrait prendre la place de n’importe lequel enseignant, demain matin, sans trop de difficulté; ça ne semble tellement pas difficile!!! On devrait, dans toutes les écoles du Québec, faire une opération de stages ouverts au grand public, voir combien réussiraient et, surtout, publier les résultats…
Bref, partant de ce principe, puisque j’ai déjà été malade (plusieurs fois et plusieurs maladies différentes en plus), et puisque j’ai souvent été dans des cliniques médicales, des hôpitaux et que j’ai même suivi avec intérêt plusieurs séries télévisées comme Docteur House, je m’ouvre demain un cabinet de médecin… Ce serait ridicule, mais je serais certainement aussi bon que n’importe quel médecin.
Monsieur, si vous tenez à perpétuer les inégalités et à encourager un système élitiste subventionné en majorité par l’État, vous pouvez bien envoyer votre fille à l’école privée. Celle que je connais, celle que j’ai vécue est encore plus «bourrée» de problèmes (drogue, médication, taxage, absentéisme, violence, etc.) que les écoles publiques, du moins à Québec. Ce qui fait paraître ces écoles supérieures, c’est qu’elles mettent à la porte les élèves qui, avec un préavis parfois seulement de deux mois, ne réussissent pas ou ne se comportent pas selon leurs critères et exigences. Alors vous pouvez bien venir vanter leurs méthodes pédagogiques (qui sont les mêmes qu’à l’école publique, d’ailleurs, puisque les bonnes soeurs sont pratiquement éteintes et que nous allons tous dans les mêmes universités). Vous auriez avantage à lutter pour l’abolition du système privé et pour un retour aux programmes enrichis dans les écoles, mais ça, c’est une autre histoire. Je termine en disant que des programmes comme le PEI (programme d’étude internationale), où les élèves sont triés et choisis, obtiennent d’aussi bons résultats en français que les écoles privées. Mais vous deviez déjà savoir tout ça…
L’éducation est un domaine beaucoup plus complexe que Monsieur Desjardins ne le pense: je devrais lui demander de tenir une craie pendant une année complète. Ainsi, peut-être qu’un de ces jours, on me laisserait tenir un bistouri.