<p>Le touriste est généralement un peu crédule. À bord du bus climatisé qui le promène de gauche à droite et de bas en haut, il se laisse docilement remplir. Puis, au bout de quelques jours, il revient chez lui, range ses affaires, fait une brassée de lavage et se couche content. <br />Content, pas comme dans heureux autant que dans contentement. La satisfaction de s’être imprégné de paysages commentés par un guide qui connaît trop bien la nature humaine pour tomber dans les pièges de la nuance, parce que la nuance déçoit toujours. Ainsi, dans sa bouche, tout devient plus grand que nature. Les gens, les couleurs, l’histoire. On déforme un peu, même beaucoup, qu’à cela ne tienne. L’important, c’est de produire de l’émotion. <br />Le touriste préfère croire à tout cela. Il adhère en bloc, aveuglément. Il a besoin d’avoir la conviction qu’il en a eu pour son argent, il applaudit, en redemande. Un peu comme le public qui se lève toujours spontanément pour ovationner les comédiens au théâtre, même quand la pièce était plutôt ordinaire. <br />L’année 2007 nous aura montré une nouvelle fois que pour la politique, c’est un peu la même chose que pour le tourisme. <br />Ainsi, nous avons découvert un Québec en mal de sensations nouvelles qui a massivement répondu à l’appel d’un guide touristique venu lui promettre une expérience à la hauteur de ses attentes. <br />On pourrait blâmer le peuple, mais il faut l’avouer, en matière de tourisme idéologique, Mario Dumont est un as de la vente. Ce qu’il propose est bien au delà du simple tour guidé, mais a plus à voir avec le manège, façon Disney World, Studios MGM. <br />- Mesdames et messieurs, à votre droite, le gros méchant requin des accommodements raisonnables.<br /> – Bouhhhh!<br /> – Et ici, les flibustiers de l’éducation qui ont piqué le bulletin chiffré.<br /> – Héééé, wôôôô!<br /> – Prochain arrêt: notre patibulaire King Kong fait la job aux immondes photo-radars, sensations fortes garanties!<br />On a souvent dit de la politique qu’elle est inféodée à l’image. Son autre essentiel carburant, comme pour le tourisme de masse, c’est l’émotion. Quitte à la fabriquer, comme on manufacture la peur, la surprise et l’angoisse dans un parc thématique ou une visite guidée: à l’aide d’épouvantails et d’histoires à dormir debout. <br />Les plus beaux manèges politiques de l’année, on les doit d’ailleurs à Mario Dumont. <br />La commission sur les accommodements raisonnables, le retour du bulletin chiffré, le projet de loi sur la citoyenneté québécoise, la remise en question de l’existence des commissions scolaires, et maintenant, cette tentative de fabriquer de la polémique autour de ce fameux cours d’éthique et de culture religieuse.<br />Voilà autant de sujets, de projets, d’idées et de téléréalités qui ont été engendrés par l’ADQ, mais récupérés par la compétition qui en prenait ombrage. <br />Si l’ADQ mène le bal aussi efficacement dans le milieu du tourisme idéologique, c’est qu’il connaît sa clientèle et sait en exploiter les cordes sensibles. Ainsi, pendant que ses concurrents se disputaient le marché de destinations ennuyeuses, pas toujours agréables et un peu arides, Dumont a choisi d’exploiter la plus réconfortante qui soit: le passé, avec ses bonnes vieilles valeurs d’antan, d’avant l’arrivée du survenant. Et en bon guide/vendeur, il n’en revisite que ce qui fait son affaire, choisissant ses incontournables en prenant bien soin de mesurer la réaction de sa clientèle qui, faut-il le répéter, veut de l’émotion. <br />La seule menace qui plane, c’est que le touriste en demande un peu plus. Pire, qu’il réclame de sortir du bus pour voir de ses propres yeux. Ainsi pourrait-il constater ce qui se cache derrière les épouvantails, et réaliser qu’il assiste à une mise en scène du monde qui n’a rien à voir avec la réalité, mais plutôt avec une fiction destinée à exploiter ses plus bas instincts. <br />Mais malgré les récents sondages qui révèlent la baisse de popularité de son parti, Dumont peut poursuivre son petit voyage tranquille. La concurrence est aussi fragile que lui, et plus important encore, les touristes sont confortablement calés au fond du bus, roupillant tranquillement en attendant la prochaine attraction. <br />Arrivés à celle-ci, pendant qu’ils pousseront de grands cris d’horreur ou de joie, Mario continuera de vider ses toilettes chimiques sur la place publique. <br />Anyway, la concurrence se chargera de ramasser les dégâts à sa place, mais en faisant appel à la sous-traitance, des vrais pros du nettoyage.<br />Peut-être les connaissez-vous? Ils ont été élus entrepreneurs de l’année au rayon du tourisme idéologique, services de deuxième ligne. Bouchard-Taylor, experts en sinistres, remorquage et sauvetage. Paraît qu’ils ont une super équipe mobile. Pour les prix, demandez Madeleine. <br /></p>
Super, une chronique allégorique !
C’est les gros chars, à Québec dans les Jardins de Québec !
Lorsque vient le temps d’élire un politicien, avez-vous remarqué que les gens choisissent celui qui a l’AIR honnête? Qui a l’AIR de savoir où il va? De nos jours, l’importance n’est plus dans le contenu, mais le contenant.
Cette cliente qui venait à l’épicerie de mon père, belle «à tomber à terre», toujours souriante, radieuse et épanouie. Tellement que c’en était presque gênant. «Vous avez l’air heureuse», lui disait mon père. Et elle lui souriait de toutes ses dents. Deux ans plus tard, elle s’est couchée derrière sa voiture, dans le garage, le contact allumé. Toute sa vie, elle a montré aux autres une image qu’ils voulaient voir, celle de la beauté, du bonheur, de la joie de vivre, de la réussite, personnelle, professionnelle et sociale. Le reste, elle le gardait pour elle. Elle n’a déçu son entourage qu’une seule fois, au moment de partir. Et nous nous sommes retrouvés «les culottes à terre», humiliés de s’être fait prendre à croire en ce qui n’était qu’un simulacre de bonheur.
Idem pour la politique. Un Jacques Parizeau «qui paraît mal», goguenard, maladroit, hasardeux dans ses commentaires, mais pourtant d’une honnêteté rare pour un politicien. À l’opposé, Lucien Bouchard, qui a l’air de savoir où il va et qui parle comme un messie. On connaît la suite… Pierre Foglia qui écrit «Savez-vous quelle est la différence entre Lucien Bouchard et Jacques Parizeau? Bouchard a l’air honnête, Parizeau l’est.» Ça se passe de commentaires.
Et politiciens passent, mais l’absence de contenu persiste. L’un s’empêtre dans son utopie de réingénierie de l’État, avant de l’abandonner, l’autre multiplie des formules démagogiques qui font jouir les songe-creux et, entre les deux, des gens qui nous ont fait croire qu’ils nous mèneraient vers l’indépendance, mais dont les fesses se sont ramollies sur les fauteuils des limousines.
Et le cirque se poursuit. Pas un cirque comme celui du Soleil, plutôt du Barnum and Bailey, version cheapo, que l’on savoure en dégustant une bonne lampée de «champagne» Président éventé, en attendant la suite des énormités que l’on nous servira. Bienvenu dans le joyeux monde de l’illusion à tout prix.
C’est triste ce que vous dites, monsieur Bélanger, mais c’est peut-être un morceau de la Vérité.
Une vérité que l’on ne nous cache PAS. Une Vérité que l’on ne peut tout simplement pas appréhender au téléphone, par ordinateur interposé, par le biais de la radio et de la télé.. ou à travers la typographie illustrée des journaux en tous genres. Que ceux-ci soient de Gauche, de Droite, souverainistes ou fédéralistes.
Bref, un médium restera toujours une forme de message en soie. Une belle manière douce de conserver chacun avec sa chacune dans un divin chacun pour soi.
Monsieur Desjardins,
En tant que guide touristique je suis bien placé pour savoir que certains paient leur passage uniquement pour s’asseoir et se faire transporter le derrière. En plus, la plupart des touristes ne retiennent pas 10% de ce que le guide raconte.
La paresse intellectuelle est ce qui caractérise le plus le touriste auquel vous faites référence dans votre texte. C’est connu que les questions existentielles l’ennuient au plus haut point. De surcroît, le touriste dont vous parlez est partisan de l’ADQ comme il est aussi partisan des Giants de New York le dimanche après-midi devant son téléviseur avec ses pinottes, sa bière et ses ailes de poulet. Avoir une raison logique derrière son choix politique est superflu. Ainsi donc, tenter de l’intéresser à la pratique de la démocratie et réfléchir collectivement sur l’avenir de la société l’emmerde à mort. Il n’a pas le temps !
Alors, il n’y a que lorsque nous serons dans le trouble (et même encore) que peut-être il y aura l’ombre d’un début de réflexion. Un dicton affirme que « ce qui n’est pas entré dans la cervelle de façon intelligente ne peut en sortir autrement. » Cela n’aura jamais été aussi vrai que dans le cas de vos touristes… Et le guide n’est qu’un opportuniste qui capitalise à l’ère de la facilité.
Ce n’est pas tellement l’opportunisme de Mario Dumont qui est dérangeant, tous les politiciens ne le sont-ils pas ?
Faire le touriste en politique pour un citoyen, c’est comme rester à la surface des choses, peu curieux de découvrir ce que dissimule le verbe du guide qui nous vante les sites et les principaux faits d’une histoire nationale. Comme ce guide qui nous promenait dans les rues sombres de Bucarest à l’époque de Ciaucescu, nous faisant valoir les avantages de ce régime pourri; une fois rentrés à l’intérieur de l’autocar, à l’abri des oreilles indiscrètes, il sollicitait des journaux ou des revues occidentales. «pour parfaire son anglais». Nous savions qu’il tentait de survivre.
C’est pareil en politique. Tous tentent de survivre, de se faire du capital politique. Certains partis sont plus près de la démocratie participative que d’autres. Solidaires des véritables questions sociales. D’autres se contentent de soulever de véritables problèmes sans apporter de solutions. Un seul parti s’inspire d’une social-démocratie qu’il est de bon ton de dénigrer comme source de tous nos inconforts. Le peuple ne lui accorde que peu d’attention préférant demeurer à la surface des choses. Là où aucun effort ne semble requis.
Identifier les véritables fauteurs de trouble n’intéresse pas grand monde : les spéculateurs et les prédateurs financiers. Ceux, dont le profit vite fait dicte les règles du jeu et l’ordre du jour des politiciens. Ceux qui nous prédisent le salut par les lois du marchés et font passer la concurrence et la croissance économique pour des vertus dont ils sont les seuls à détenir le mode d’emploi et les seuls à en profiter. Et vogue le bien commun. La pensée magique résume leur démarche politique.
Ça me fait penser à cette «joke» que nous racontait un guide touristique lors d’un tour de France. Alors que tous prenaient note de ses propos, à son touriste anglophone, il demandait ce que signifiaient les lettres «abc» dont il griffonnait chaque page de son calepin ? Je résume, lui répondit le touriste :« Another Bloody Castle, Another Bloody Cathedral».
C’est ce que nous faisons : nous résumons, parce la politique est devenue trop compliquée. Le jour où les Québécois seront véritablement soucieux des véritables enjeux politiques, ils seront peut-être mieux prémunis contre le chant des sirènes et discerneront ceux qui jouent au guide touristique de ceux et celles qui tentent d’ouvrir l’horizon.