Desjardins

La vie est un processus de paix au Proche-Orient

<p>C’est drôle comme l’actualité semble parfois ralentir, alors qu’au fond, ce n’est sans doute que mon intérêt pour les sujets du moment qui fléchit. Remarquez, je ne suis pas seul, et compte quelques confrères aux pupitres des quotidiens qui partagent ma lassitude. La preuve, en page couverture du Soleil et de La Presse lundi matin: du football américain avec des photos grosses comme ça. La victoire des Giants pour le premier, celle des Pats pour le second. <br />Les journaux et moi nous ressemblons beaucoup en ce qui concerne le football de la NFL: avant les playoffs, rien à foutre, mais dès que ça commence, nous voilà qui nous excitons comme des matantes qui croiseraient Charles Lafortune au Pacini.<br />Là où nous sommes foncièrement différents, c’est lorsqu’il s’agit d’actualité.<br />Alors que les quotidiens versent toujours un peu plus dans la nouvelle-choc et les scandales (surtout financiers, c’est la mode), plus les années passent, et plus ce sont les choses microscopiques qui m’intéressent, me fascinent. Prenez la Bourse qui dégringole, prenez la présence canadienne en Afghanistan, prenez la possibilité d’élections au fédéral, prenez les primaires aux États-Unis. Tout cela devrait me passionner, mais non. Bien sûr, je lis un peu sur la question, je me tiens au courant. Mais plus ça va, et plus je me contente de suivre la parade, par habitude, comme on vérifie la température qu’il fait dehors avant d’y mettre le nez.<br />Les minuscules moments de vie que je glane à gauche et à droite en tendant l’oreille ou qu’on me rapporte m’intéressent cent fois plus que la macroéconomie, le couple Sarkozy-Bruni ou les sondages à la con qui nous permettent de (re)découvrir que les jeunes sont aussi totons qu’autrefois, et les vieux tout aussi cons.<br />Un exemple de cette comédie humaine qui me passionne? Tenez, cette brève conversation entre deux adolescentes à Stoneham:<br />- Pis, est-ce que tu lui as parlé?<br />- Ouin…<br />- Ben quoi?<br />- Il m’a dit qu’il était amoureux de moi, mais qu’il préférerait l’être d’une autre…<br />Pourquoi ce petit échange me fascine-t-il autant? Simplement parce que j’y trouve plus d’information et de substance que dans toutes les observations sociologiques et les freak shows médiatiques sur l’adolescence. Tout est là: une jeune fille qui s’aperçoit que les garçons peuvent être de parfaits salauds, et elle qui se déteste déjà d’aimer précisément, et avec une passion dévorante, celui qui ne l’aime pas.<br />La voilà qui apprend, à la dure, que la vie est un sport bien plus extrême que le snowboard, presque aussi complexe qu’un processus de paix au Proche-Orient.<br />En fait, le seul témoignage qui s’approche un peu de ces vérités que je traque au quotidien est peut-être dans les bouquins, plus précisément ces jours-ci, dans la poésie de Raymond Carver. Mais y pensez-vous, de la poésie, et américaine en plus, qui lit cela?<br />Pourtant, faudrait bien. Encore une fois, tout est là, dans ces petits poèmes narratifs qui racontent la vie qui se brise, se recolle, se brise à nouveau. Et la beauté, et le désir, et la mort, toujours la mort au détour du jour. <br />Dans <em>My Daughter and the Apple Pie</em>, Carver raconte qu’il va chez sa fille, et y mange une part de la tarte qu’elle vient de sortir du four. L’odeur de la cannelle, du sucre. Elle le regarde manger à travers des lunettes noires qu’elle porte à 10h du matin pour cacher un œil tuméfié.<br /><em>J’engouffre le morceau<br />et je me dis de ne pas m’en mêler.<br />Elle dit qu’elle aime ce type. Ça ne pourrait pas être pire.<br /></em>Expliquons que la fille de Carver est issue d’un mariage dysfonctionnel, imbibé d’alcool, de mensonges et de trahisons.<br />C’est drôle, mais plus je repense à ce sondage consternant sur l’opinion des boomers concernant les générations qui les suivent, plus je me dis que si les vieux jugent aussi sévèrement les jeunes, c’est probablement qu’ils ne leur pardonnent pas de refaire les mêmes erreurs qu’eux.<br /> <br />PATRIMOINE – Que Phyllis Lambert monte à son tour au batte pour défendre le couvent des Dominicains, couvent que souhaite démolir en partie le Musée national des beaux-arts afin d’y construire sa nouvelle annexe, c’est son droit le plus strict. Qu’une coalition se soit organisée pour défendre l’édifice, qu’elle cherche des appuis, c’est la démocratie en marche. Mais de demander à la population de se prononcer sur la question, d’insister pour que monsieur et madame Chose participent activement au débat, cela confine au ridicule. <br />Qu’on réclame l’avis de professionnels, qu’on demande à des historiens et à des architectes de revoir le travail d’expertise déjà commandé par le Musée, encore là, je veux bien. Tout le monde peut choisir ses loisirs.<br />Mais quand j’entends Anne Guérette, la conseillère de Montcalm, réclamer un débat ouvert à la population, là, non, je boque. <br />Je boque parce que je ne comprends pas une seule seconde comment l’absence totale d’expertise de la moyenne des ours peut venir faire avancer un projet comme celui-là. Mais je boque aussi parce que derrière cette volonté de pousser la démocratie à l’extrême, je sens la volonté de faire avorter le projet sans tout à fait se prononcer contre, espérant noyauter ces assemblées avec des opposants à la démolition.<br />Mais il se peut que je me trompe. Je sais, je vois le mal partout. <br />Alors, si c’est le cas, si je me fourre, le monde ordinaire, celui que vous souhaitez convoquer à ces consultations, c’est qui? Mononcle et matante, ceux-là mêmes qui se pâment devant place Royale, la rue Saint-Jean, et tripent sur ces horreurs de fresques qui, en plus d’être d’une laideur à faire vomir, sont certainement le pire outrage au patrimoine qu’on puisse imaginer?<br />Si c’est de l’avis de ces gens-là au détriment de celui d’experts que dépend le sort de Québec, autant lui donner un autre nom tout de suite.<br />Que dites-vous de Drummondville?<br /></p>