<p>La critique, c’est pas une mince affaire. Je veux dire, c’est plus compliqué qu’il y paraît. Assez heavy, en tout cas, pour que le dernier numéro du <em>Trente</em> (le magazine de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec), qui se penche sur la couverture médiatique du domaine culturel, consacre tout un article à l’état de la critique au Québec. <br />Or, parmi les gens interrogés ici, on retrouve certains des critiques les plus tarte aux pommes du métier, du genre rajoute-moi du caramel et de la crème fouettée. Sans grande surprise, ceux-là trouvent le moyen de se plaindre de leur boss qui ne leur donne pas assez de temps, pas assez d’espace, pas la bonne assignation. Pourtant, quand on les voit, les entend ou les lit, on se demande qui est le tata qui a eu la riche idée de leur confier ce job. <br />Anyway, si je vous parle de la critique, ce n’est pas autant pour critiquer les autres critiques que pour dissiper un malentendu. <br />Car votre rengaine à ce sujet, je la connais par cœur: nous, les critiques, n’aimons rien, ou alors, nous n’aimons que des trucs que personne ne connaît. Permettez que je vous renvoie l’ascenseur, peut-être même un peu brutalement? C’est vous qui aimez n’importe quoi. <br />Mais avant de nous étendre là-dessus, revenons à la critique qui, au Québec, est tout sauf sadique. Même dans les journaux, l’endroit où ce travail est généralement fait avec le plus de sérieux, de rigueur, rarement ou presque jamais puis-je y lire une vacherie. On prend l’œuvre pour ce qu’elle est, on la remet dans son contexte, dans son époque, puis on en juge. <br />Et c’est là que débute le malentendu. Si nous sommes parfois sévères, ce n’est pas parce que nous sommes blasés ou frustrés ou méprisants, comme vous semblez le croire. Simplement, nous recevons et écoutons un million de disques par année, voyons des kilomètres de films, des heures de théâtre et ployons sous des tonnes de livres. <br />Certains nous considèrent élitistes. Ils ont raison, mais se gourent dans la lecture qu’ils font du terme. <br />Le critique fait partie d’une élite dans la mesure où, contrairement à la majorité des gens, il peut témoigner de ce qui se fait dans l’ensemble de la monstrueuse production culturelle. Ce qu’on désigne comme de la sévérité n’est donc qu’une expertise. <br />Une expertise de plus en plus rare.<br />Car la majeure partie du temps, la critique est un plat qui se mange mou. À la radio (sauf exception), elle est inexistante, ou trop souvent assumée par une vadrouilleuse qui vient de découvrir l’existence de Francis Ford Coppola avec son nouveau film. À la télé, comble du mépris pour le genre, on plogue un show entre deux prévisions météo. <br />Et c’est pourtant là que vous embarquez. C’est là que le citoyen lambda trouve l’inspiration pour acheter de la culture: sous la mitraille de la promo, des plogues, des talk-shows. <br />De mon bord, c’est là que je ne vous suis plus. C’est là que je vous regarde triper sur Mario Pelchat, sur Frédérick De Grandpré, sur Marie-Mai, et ne comprends honnêtement pas pourquoi, ni ce que vous pouvez trouver à ces artistes auxquels je ne concède pas même un iota de talent, d’intérêt. <br />Heureusement, des fois, on se rejoint. Bon, dans les livres, c’est plus dur, vous lisez vraiment n’importe quoi. Par contre, en musique, on se retrouve chez Bélanger, chez Desjardins… Mais à Minière, vous débarquez, alors que moi, je commence justement à triper un peu plus…<br />Bref, la critique et le public ne s’entendront jamais parfaitement. <br />Cela n’a rien à voir avec l’intelligence. Rien à voir avec la sensibilité non plus. <br />Peut-être avec l’effort? <br />Voilà le tout dernier malentendu qui explique les précédents: celui qui veut que la culture se consomme sans qu’on ait trop à se casser la tête, les émotions devant être rendues sans trop de détours, straight to the point. Faciles à digérer, vite un kleenex que je pleure. <br />Je le dis sans blâmer qui que ce soit, sinon peut-être les parents, les profs, les politiciens, les pédagogues, les médias de masse, et toute la culture du divertissement qui nous a convaincus que pour combler le vide existentiel, suffisait de boucher le trou avec n’importe quoi. <br /> <br />EN PAQUET DE 15 – Comme bien des gens, je me suis rendu à mon bureau d’arrondissement pour me procurer un autocollant que j’ai apposé sur ma boîte aux lettres. Mieux, j’en ai placé un à l’extérieur et un autre à l’intérieur, juste pour être sûr. Pas de publicité, merci, peut-on y lire.<br />Indifférent au message, le facteur n’a jamais endigué le flot, si bien que je recevais autant de circulaires qu’auparavant. Jusqu’à ce que je le croise mardi matin. <br />Ce qu’il m’a expliqué m’a renversé: les gens déménagent, n’enlèvent pas l’autocollant, et ceux qui prennent leur place se plaignent à Postes Canada de ne pas recevoir leurs circulaires. <br />Ils se plaignent?<br />Pire, dit le facteur, nous avons trois jours pour les distribuer, et il arrive que ceux qui ne les reçoivent pas dès le premier jour s’en fâchent et appellent au bureau.<br />Le facteur sort, on se dit au revoir, et je reste planté là, mesurant encore une fois, avec déplaisir, l’étendue du fossé qui me sépare parfois de tout un pan du monde. J’insiste sur l’impression de déplaisir, puisque je n’ai pas la prétention de détenir une quelconque vérité, encore moins d’avoir des leçons à donner.<br />Juste une intuition qui me semble assez juste, le sentiment qu’en évitant de consommer compulsivement, ou en paquet de 15, on retrouve quand même un peu le goût des choses. <br /></p>
Je ne crois pas que la majorité de tes lecteurs trippent sur Marie-Mai et Mario Pelchat. La première, ce sont les jeunes filles consommatrices de revues et le second, se sont les « matatantes » qui aiment les ballades.
Il y a différents niveaux de la converture du domaine culturel. Si tu regardes TVA ou Flash, qui couvrent d’avantage l’actualité culturelle, c’est certain que le résultat est médiocre. En plus d’y aller qu’en surface, il n’y a pas beaucoup de recherches et les commentaires sont souvent insignifiants.
C’est un reflèt de l’offre et de la demande, basé sur les cotes d’écoutes et de la rentabilité. TVA se fout totalement de la création québécoise. Quand on présente des émissions comme qui perd gagne, on voit la tendance Québecor!
Ce qui me déçoit le plus, c’est l’attitude la tendance que Musiqueplus prend depuis quelques temps. Lors de la création, il y avait une grande couverture québécoise. Maintenant, on a des émissions comme Bienvenue chez les Barker,Hogan a raison,la prochaine top-modèle américaine,matche-moi m’man et pimp mon char!
Bref, la télé québécoise, sauf quelques exceptions, est dans un creu au niveau du contenu!
Dans un univers où tout est culture, tout n’est pas art… avec un grand A! On pourrait appeler le reste sédatif, provocation et entertainment, entre autres…
Comme le disait Coluche : « L’égout… et les couleurs! »
Bernard Lafortune, Québec, 01-02-08
P.s. j’aime tellement votre émission
À vouloir trop en faire, vos remarques sur la critique et les critiques, vous rendent fanfaron. Vous me faites penser à Claude Gingras, critique musical dans La Presse, qui veut nous enterrer sous le poids de ses connaissances et démontrer, par ailleurs, notre insipidité. Un peu de modestie ne serait pas de trop.
Vous avez l’excuse de votre jeunesse; laissez aux vieux cons la pensée qu’ils sont incollables et indispensables. Partez de cette idée que nous venons de l’obscurité et que nous y retournerons. C’est le lot de tous les êtres humains. Mais les moments de clarté existent et sont à la portée de tous, dans le mesure que nous gardons les yeux ouverts sur les autres et non sur notre petit moi bien dérisoire.
Vous avez le droit de donner votre opinion comme d’autres ont le droit d’aimer Pelchat. Ne vous cachez pas derrière votre expertise; simplement l’appeler à la rescousse fait de vous un tâcheron. « Critiquer n’est pas une mince affaire » dites-vous. Allez travailler dans une manufacture, vous m’en donnerai des nouvelles!
Vos critiques ont la même valeur que celle exprimée par un autre individu, ni plus, ni moins. Quand vous écrivez une critique, vous faites de la prose comme monsieur Jourdain. L’acteur français Jean Gabin récitait de sa voix chaude: « qu’à la fin du compte, on ne sait jamais et cela on le sait ».
Remerciez qui vous savez pour votre « job » et prenez ça « cool » On va continuer à vous lire en se disant qu’il a des chroniques qu’il faudrait jamais écrire. C’est pas facile d’être toujours en direct !!
J’ai une copine qui me téléphone de temps à autre et dont l’un des sujets de conversation favoris est les rabais qu’elle trouve dans les circulaires…
Elle ne critique rien. Ça implique trop. Les circulaires, c’est moins dangereux.
Elle trouve tout de même le moyen de m’informer que cette semaine, les tomates sont moins chères chez Métro que chez IGA alors que la semaine dernière, c’était le beurre d’arachides qui était la vedette du Loblaws. J’en suis bouche bée! Ça m’en bouche un coin et je n’ai de cesse d’admirer son sens critique.
Quant à votre facteur, il travaille chez Postes Canada qui a oublié…de placer la date du 24 juin comme fête nationale des Québécois. La livraison de circulaires, c’est payant.
Allez vous dire à un plombier comment réparer la fuite de votre évier ? Allez-vous retirer le boyau d’arrosage au pompier pour éteindre le feu qui carbonise votre maison ? Allez vous arracher le pinceau des mains du peintre afin d’appliquer, à votre juste mesure, la règle d’or ? Non. Vous n’avez pas l’expertise. Le métier de critique existe et devrait être valorisé. Le critique débroussaille, décode, fouille et trouve : il cri au génie !
Est-ce que toute la population peut se prononcer sur un objet culturel ou un sujet ? Certes, mais tous ne sont pas dignes de devenir des références en la matière. Cela me fait penser à une demande de la part d’une certaine conseillère de Montcalm concernant la démolition du couvent des Dominicains…
Puis, qu’y a-t-il de mal à faire partie de l’élite ? Il y a bien des joueurs d’élite au baseball ou au hockey. Est-ce qu’on leur fait confiance quand on les mets sur le jeu eux ? Puis il y a les tireurs d’élite. En mission, ils se doivent d’atteindre leur cible.
En passant, ayant déjà enseigné au primaire, j’ai vu de nombreux locaux « décorés » de posters de StarAc. On peut donc effectivement blâmer certains profs qui ne se posent pas assez de questions. Triste.
Comme tous les goûts sont dans la nature, on peut légitimement dire que nous sommes tous critiques, d’une façon ou d’une autre.
Par contre, je crois au bon goût et à l’effort. Mon grand-père me disait que pour écrire un livre, il faut en avoir lu mille. Je croyais qu’il exagérais, mais plus je lis de livres, plus je me rends compte que chacun m’apporte une expérience qui me sert dans ma création littéraire. Je suis plus à même de savoir ainsi ce que j’aime, ce que je n’aime pas mais surtout, pourquoi…
Le créateur est intimement lié au critique je crois. Je suis en fait certaine que si la critique est constructive, un artiste ne peut qu’évoluer avec elle.
Je fais l’exercice depuis quelques jours d’exposer souvent mon travail à mes enfants…
Aille! Voilà bien des critiques franches et cruelles!!!…
De ce petit exercice, je vis de grandes transformations, ma vision s’élargit et je suis plus à même de voir mon travail sous des angles nouveaux…. cela m’aide. Et cela m’amène à être de plus en plus autocritique face à mes tableaux.
Cela est pénible mais loin d’être mauvais en soi. Je ne tolèrerai pas de ne pas être satisfaite de mes ouvrages.
J’ai pensé aussi ces derniers jours à quel point il s’en est fait des créations jusqu’à se jour et qu’il est bien difficile de suivre sa propre voie, sans se laisser aller à la facilité.
Le travail de critique fait juste éclairer, je crois, ce grand monde de la culture. Et rabaisser l’orgeuil parfois mal placé de certain créateurs!!!
Wow! Je comprends que des lecteurs puissent se sentir frustrés mais bon, s’ils se sentent visés, c’est leur truc après tout.
Bonsoir M. Desjardins,
Je me souviens avoir lu une préface à une oeuvre de Tchekhov – probablement La Mouette – où on soulignait que le bonhomme avait souffert de la critique de ses contemporains.
Dernièrement, j’ai lu un homme qui disait : »Tchekhov est l’un de mes maîtres à penser ».
De chercher à déterminer qui a raison ici serait oisif et inutile.
Un peu comme la critique.
Une inutile oisiveté barricadée derrière le rempart de l’expertise.
Une oisiveté qui ne trouve son sens que dans cette tentative d’assurer pérennité à la plogue lue dans les journaux ou entendue à la radio et la télé. Une oisiveté toute mercantile quoi. Et c’est justement ce mercantilisme qui la sauve, car alors elle devient utile à plusieurs…