Desjardins

Aux abris, c’est le département des plaintes!

<p>C’est immanquable. La moindre expression de ce qui peut ressembler à l’ombre d’un léger mépris pour une tranche de la culture populaire vous vaudra toujours quelques remontrances. <br />Ma chronique de la semaine dernière n’a pas fait exception.<br />Il y a pourtant un monde entre la haine de «ce qui pogne» qu’on me prête, et la question que le critique est en droit de se poser: une œuvre recèle-t-elle quelque chose d’autre que l’assentiment du plus grand dénominateur? Plus important encore: à l’ère du marketing à outrance où l’on nous enfonce dans la gorge des produits (culturels ou autres), où le goût est souvent affaire de conditionnement, puis d’effet d’entraînement, la critique ne joue-t-elle pas le même rôle que le commentateur politique ou l’analyste économique, soit de remettre les choses en perspective, de voir par-delà la clameur populaire et la démago, de relever ce qui cloche?<br />«Vous avez le droit de donner votre opinion comme d’autres ont le droit d’aimer Pelchat, m’écrit Jean Archambault. Ne vous cachez pas derrière votre expertise; simplement l’appeler à la rescousse fait de vous un tâcheron. “Critiquer n’est pas une mince affaire”, dites-vous. Allez travailler dans une manufacture, vous m’en donnerez des nouvelles!»<br />S’cusez, mais je ne la pogne juste pas. Je ne refuse pas le droit à quiconque d’aimer Mario Pelchat, je me questionne seulement sur la qualité de son œuvre au delà d’un intoxicant déversement émotif. <br />Prenons un autre exemple, si vous voulez bien. On finira par se comprendre, j’en suis sûr. <br />Céline Dion. Vedette acclamée, connue mondialement, chouchou des Québécois, une idole. Point de vue goûts personnels: je peux juste pas. Je rejette dans l’ensemble, je trouve cela nul, pompier, à la fois ennuyeux et exaspérant… C’est juste pas mon bag. Point de vue du critique: Céline a de bons et de mauvais albums. Quand je pense aux bons, je pense surtout à D’eux, bien écrit, bien réalisé, mais surtout: incarné. Par là, je veux dire que pour une fois, la vedette n’habite pas ses chansons en les faisant ployer sous le poids de son talent d’interprète gueularde. Au contraire, elle se laisse plutôt habiter par elles, ce qui l’empêche de trop en faire. On sent alors qu’il se passe quelque chose, comme un petit supplément d’âme, si vous voulez. <br />Et non, relever ce genre de détails n’est pas une mince affaire. Aller au delà de ses goûts personnels et prendre une œuvre pour ce qu’elle est, pour ce qu’elle dégage, pour ce qu’elle représente dans le vaste spectre de l’histoire de la musique pop, c’est un boulot pas toujours évident. Difficile, parfois ingrat, et d’autres fois, c’est vrai, il produit de détestables monopoles du bon goût. Mais que voulez-vous, ce job réclame autrement d’expertise que de travailler dans une manufacture. <br />Pour avoir connu mon lot de boulots merdiques, j’en sais quelque chose. <br />Parmi tous ceux-là, le pire, c’est encore d’avoir eu à vendre des godasses. Pas à cause de l’odeur des pieds des clients, pas à cause du superviseur mongol, pas même à cause des techniques de vente débiles qu’on nous imposait. Ce fut mon pire job, parce que pendant trois mois, mon amie Julie qui travaillait au service à la clientèle me torturait en faisant jouer en boucle ses disques de Céline dans tout le magasin. Faisant de moi, comme de tous ceux qui doivent, à leur travail, subir les stations radiophoniques middle of the road de ce monde, un expert récalcitrant en mocheté musicale. <br /> <br />LE PATRIMOINE – Loooooooong looooooong message sur mon répondeur. Interminable en fait, et le type ne se nomme même pas. Il me bassine abondamment sur ma conception du patrimoine, sur mon appréciation de place Royale, de la rue Saint-Jean et du Vieux-Québec en général: une attraction populaire qu’on ne s’empêche pas de massacrer au nom du touriste, de ses goûts, de ses envies d’en avoir toujours un peu plus en valeur ajoutée. Et fuck le patrimoine. <br />Comme je n’ai aucune expertise dans le domaine et qu’ici, il est uniquement affaire de goûts, je me prononce en tant que simple citoyen quand je déclare aussi que la fresque en bordure de la côte de la Montagne est une horreur patentée, une sorte de «où est Charlie» à saveur historique dont on aurait bien pu se passer. Mon avis vaut donc celui d’un autre.<br />Là où je freake, c’est quand les gens disent vraiment n’importe quoi. Qu’on aime, je veux bien, mais il y a des limites à délirer. Par exemple, quand on prétend que cette fresque est un bel exemple d’art urbain et d’intégration du moderne à l’ancien.<br />Et les dessins de ma fille de trois ans, c’est la rencontre parfaite de l’expressionnisme abstrait et du primitivisme, tant qu’à faire?<br /> <br />LA GUERRE CHEZ SOI – «Vous avez tort de ne pas vous intéresser à la mission canadienne en Afghanistan, écrit B. N’avez-vous pas conscience des répercussions de ce conflit, ne serait-ce que chez nos soldats?»<br />Je vous l’ai déjà dit, ce qui m’intéresse le plus tient du microscopique. Le quotidien qu’on peut tenir dans sa main, presque invisible.<br />Comme cette note que je viens de retrouver dans un carnet, transcription d’une conversation entre ma voisine et une de ses amies.<br />- … Pis là, elle est complètement en amour avec ce gars-là.<br />- –  Ah ouin, son chum doit capoter…<br />- – Non, elle ne lui a pas dit encore. Elle attend qu’il revienne d’Afghanistan pour le «domper» officiellement et présenter son nouveau chum à sa famille.</p>
<p>Tout le monde a un avis sur l’Afghanistan, sur la validité de la mission. Moi aussi. Mais plutôt que d’ajouter ma voix à la chorale des pour ou des contre, je préfère rapporter les blessures subies par les soldats d’un autre conflit. Parce que finalement, c’est toujours un petit peu la guerre chez soi. <br /></p>