<p>Tout ce que je connais de Cuba, ce sont les livres qui me l’ont appris. J’ai bien fait les «tout compris», deux fois plutôt qu’une, au Mexique et à Turquoise, mais Cuba, jamais. Anyway, on n’apprend rien d’un pays si on demeure enfermé dans ces endroits que Houellebecq décrit si simplement et bien: une enclave au milieu de monde qui souffre. <br />Aussi, premier réflexe en apprenant la démission de Fidel Castro, j’extrais de la bibliothèque les romans de Pedro Juan Gutiérrez, prenant d’abord sa <em>Trilogie sale de La Havane</em>, dont je vous ai déjà parlé et que j’avais alors soigneusement annotée. <br />En moins de cinq minutes, j’y trouve ce que je cherchais: une charge violente. Un bras d’honneur à tous les gogos que l’on verra défiler au cours des prochains jours, venant défendre les fleurons du Cuba de Fidel, en particulier l’éducation et la santé. <br />L’éducation pour des ingénieurs qui vendent des bonbons sur la plage parce que c’est plus payant ou qu’il n’y a juste pas de travail pour eux. Des médecins assez bien formés pour qu’on les envoie prodiguer leurs soins aux quatre coins de l’Amérique latine, mais incapables de trouver des médicaments qu’ils pourraient prescrire chez eux, dans des hôpitaux en décrépitude qui en manquent cruellement. <br />La faute aux embargos américains? Peut-être. Mais on peut difficilement s’empêcher de voir dans l’obstination de Fidel Castro à tenir tête au monde, et particulièrement aux États-Unis, un péché d’orgueil que le Lider maximo a choisi de faire payer à tous les Cubains sans leur demander leur avis. <br />Et l’éducation, pour y revenir, c’est bien beau. Mais quand un peuple est prêt à tout, y compris à vendre sa sœur ou sa fiancée au premier venu pour se procurer de quoi manger, un endroit décent où vivre, qu’est-ce que ça peut bien lui foutre d’avoir lu tout Cervantès?<br />Quand on te refuse le monde que tu as appris à connaître à l’école de peur que tu fiches le camp pour de bon, quand on t’interdit de t’exprimer, et que le moindre commentaire contre le régime peut te valoir un séjour à durée variable en compagnie des 240 prisonniers politiques qui croupissent en ce moment dans les geôles cubaines, quelle valeur a l’éducation que tu as reçue?<br />Car c’est bien de valeur qu’il faut parler ici. Et la valeur suprême, c’est encore la liberté. Une fois qu’on vous la retire, tout le reste fout le camp. Plus rien n’a de sens. <br />Prenez notre ami Gutiérrez. D’abord journaliste, il s’écœure de devoir travestir la réalité pour jouer le jeu du régime. Il laisse tout tomber et pratiquera alors, pour survivre, une série de petits boulots merdiques, vivant dans des trous à rats, sans eau ni électricité, au milieu de la fange, partageant des toilettes bouchées avec tous les habitants de son étage dans un édifice qui menace de s’écrouler à chaque instant. <br />Un matin, c’est en page 102 dans l’édition de poche chez 10-18, il sort de chez lui pour découvrir le cadavre d’une femme, assassinée par un mari jaloux… <br /><em>Un crime passionnel, tout simplement. Comme il y en a partout. Mais ici la presse n’en parlera pas parce qu’il n’est plus convenable de publier quoi que ce soit de désagréable ou de dérangeant dans les journaux. Tout doit être… bien. Un pays modèle ne peut pas être le théâtre d’assassinats et d’actes révoltants.<br />Et pourtant, il faut savoir, être informé. Si on ne dispose pas de toute l’information, on ne peut plus penser, ni se faire une opinion, ni choisir de soi-même. On devient des imbéciles prêts à gober n’importe quoi. <br />C’est pour cette raison que j’ai été tellement déçu par le journalisme et que j’ai commencé à écrire des nouvelles très crues. À une époque aussi navrante, l’écriture ne peut plus faire dans la délicatesse. Quand on est environné par la brutalité, il n’y a plus de place pour les textes raffinés. (…)<br />Alors j’ai tout envoyé balader et je me suis mis à écrire des récits dénudés. Ils pouvaient sortir dans la rue à poil, mes textes, et crier: «Liberté, liberté, liberté!»<br /></em>J’allais ajouter que ce qu’écrit Gutiérrez, ou ce qu’il décrit, c’est le désœuvrement rendu soluble dans le sexe ou l’alcool. Sauf que cela n’a rien de particulier à Cuba. Miller, Bukowski ou Tchekhov ont fait pareil. <br />Cela revient à dire que le départ de Fidel, ou éventuellement, l’ouverture au monde et à l’économie de marché ne rendront pas les Cubains plus heureux. <br />La différence, c’est qu’ici, j’ai le droit de l’écrire dans le journal et de faire exploser la réalité à la gueule des bien-pensants alors que là-bas, on cultive le rêve et l’utopie à coups de crosse, dans une sorte de déni institutionnalisé.<br />La différence, c’est qu’ici, en démocratie, nous sommes les artisans de notre propre malheur et n’avons que nous-mêmes à blâmer. Ce n’est pas nécessairement moins douloureux, mais n’en demeure pas moins qu’on peut y cultiver une chose que le totalitarisme interdit: le choix, la capacité de changer les choses. Un truc qui ressemble à l'espoir.</p>
Notre perception du communisme et de ses protagonistes se veut fortement teinté par notre regard capitaliste et notre étroite vision du monde. Ni Dieu, ni le diable, Castro a régné avec ses collaborateurs et ses dissidents pour un monde meilleur. Sans nier que ce régime possède aussi son élite, comme pour n’importe laquelle communauté, où les Mercedes et les pauvres souliers se côtoient sur les chemins publics.
Lors de mes voyages à Cuba, en échangeant avec ce peuple, dépendamment de leur niveau de scolarité, le discours se voulait très différent. La proximité avec les touristes et l’argent affectait aussi grandement les propos recueillis.
Une femme de ménage, déjà atteinte par un cancer du sein, ne pouvait que louanger son chef et son régime politique. Des médecins qui transportent nos bagages pour améliorer leur budget et des guides touristiques fortement scolarisés n’entretiennent cependant pas le même discours.
Cuba prône une bonne espérance de vie et assure la survie de sa population. Avec la santé et l’éducation, comme valeurs fondamentales, la qualité de vie proposée m’apparaît intéressante. Ne croyant pas que le taux de suicide et la consommation d’antidépresseurs soit aussi élevée que chez nous, il me semble que l’on pourrait aussi regarder quelles sont nos failles et repenser nos jugements sur ce pays, loin d’Haïti et de l’Afrique, où la misère s’en donne à cœur joie allègrement.
Nous tous portons, en nos coeurs, la misère comme la grandeur d’âme; à chaque instant de nos vies. Nous tournons nos regards vers l’un ou vers l’autre…nous pouvons aussi les tourner vers les deux à la fois, toujours, pour ne pas mourir à une part de soi-même…
Quelle méconnaissance du terrain de la part de M. Desjardins. Ce texte pourrait facilement provenir d’un journaliste de CNN ou d’un autre média anti-castriste qui tirent sans hésiter sur un système qui, malgré certaines ratés (comme dans notre système d’ailleur), s’en sort fort bien malgré un embargo inhumain (et condamné par l’ONU) de la part des Étasuniens. Pour y avoir passé 6 mois pour une étude anthropologique, je peux vous affirmer, M.Desjardins, que la majorité des Cubains ont une plus grande peur des États-Unis que de leur chef. Après tout, les plus grands défenseurs de la démocratie et de la liberté (vous savez de qui je parle?) sont aussi ceux qui ont enfermé sans procès des centaines de prisonniers à Guantanamo et qui chaque année tuent des milliers de gens, par leurs interventions militaires en Irak, en Afghanistan et autres et qui appuient des coups d’États (comme au Vénézuela). Bref, je pense que pour pouvoir écrire sur Cuba comme vous le faites, il faut d’abord se fier sur d’autres sources que les grands médias américains ou canadiens et surtout, y aller (pas dans des tout inclus!!!) et rencontrer les Cubains. Ils seront alors vous éclairer et vous expliquerons avec réalisme, ce qu’ils vivent VRAIMENT au quotidien.
Si vous voulez en savoir plus sur Cuba M.Desjardins, lisez donc mon mémoire de maîtrise. La partie sur le contexte vous sera certainement utile afin de ne plus écrire des faussetés sur ce pays. http://www.cs3r.org/fichier/memoirealexelectrification.pdf
Au fait, la prostitution (vendre sa soeur) auquelle vous parlez est, de fait, beaucoup moins développée que dans les pays voisins et même qu’au États-Unis…
BONNE LECTURE.
Alexandre Jobin-Lawler
Quelle méconnaissance du terrain de la part de M. Desjardins. Ce texte pourrait facilement provenir d’un journaliste de CNN ou d’un autre média anti-castriste qui tirent sans hésiter sur un système qui, malgré certaines ratés (comme dans notre système d’ailleur), s’en sort fort bien malgré un embargo inhumain (et condamné par l’ONU) de la part des Étasuniens. Pour y avoir passé 6 mois pour une étude anthropologique, je peux vous affirmer, M.Desjardins, que la majorité des Cubains ont une plus grande peur des États-Unis que de leur chef. Après tout, les plus grands défenseurs de la démocratie et de la liberté (vous savez de qui je parle?) sont aussi ceux qui ont enfermé sans procès des centaines de prisonniers à Guantanamo et qui chaque année tuent des milliers de gens, par leurs interventions militaires en Irak, en Afghanistan et autres et qui appuient des coups d’États (comme au Vénézuela). Bref, je pense que pour pouvoir écrire sur Cuba comme vous le faites, il faut d’abord se fier sur d’autres sources que les grands médias américains ou canadiens et surtout, y aller (pas dans des tout inclus!!!) et rencontrer les Cubains. Ils seront alors vous éclairer et vous expliquerons avec réalisme, ce qu’ils vivent VRAIMENT au quotidien.
Si vous voulez en savoir plus sur Cuba M.Desjardins, lisez donc mon mémoire de maîtrise. La partie sur le contexte vous sera certainement utile afin de ne plus écrire des faussetés sur ce pays. http://www.cs3r.org/fichier/memoirealexelectrification.pdf
Au fait, la prostitution (vendre sa soeur) auquelle vous parlez est, de fait, beaucoup moins développée que dans les pays voisins et même qu’au États-Unis…
BONNE LECTURE.
Alexandre Jobin-Lawler