<p>PLEURER PITOU<br />Propriétaire du cimetière pour animaux <i>À la mémoire de nos amis</i>, Louise Lalonde pousse vers moi son gros album de photos. Ancienne journaliste, elle dirige à Breakeyville ce parc funéraire où l’on enterre chats, chiens, oiseaux, lapins et autres bestioles de compagnie depuis 1994.<br />De ces photos, je retiens la beauté du parc, imperceptible sous les deux mètres de neige qui le recouvrent en ce moment, mais surtout les noms des animaux, gravés sur de discrètes pierres tombales.<br />Chatouille, Harold, Westie, Poupout, Rambo… <br />Dieu que les gens font d’étranges choix, à la limite de la faute de goût, quand vient le temps de prénommer leurs animaux. Enfin, disons que je préfère de loin l’humour décalé, limite débile, qu’a cet ami qui nomme ses félins Lynda Lamine, George Bernard Chat, ou mieux encore, Marcel Duchat. <br />Dis D, pour ta prochaine chatte, que dirais-tu d’Anne-Marie Withen-chat?<br />Mais nous parlions de cimetière pour animaux.<br />Vous trouvez l’idée farfelue? Imaginez moi alors, qui suis l’extraterrestre dans une famille qui vénère les animaux. <br />Chez nous, tout le monde tripe raide sur les chats et les chiens, au point où j’ai parfois eu l’impression, en arrivant à la maison familiale, d’entrer dans un pet shop tenu par une secte d’adorateurs béats. Moi: niet. Aucun intérêt. Je ne les déteste pas, je m’en fiche, tout simplement. Je ne les repousse pas quand ils viennent me voir, je les flatte, m’en occupe un peu, mais ça s’arrête là. Le culte des animaux, très peu, merci.<br />L’idée de parler d’eux dans cette série de chroniques sur la mort ne m’est donc pas venue toute seule, comme vous vous en doutez maintenant. En fait, elle m’est venue en même temps qu’un souvenir. Une anecdote qu’on m’avait racontée, il y a une dizaine d’années, un truc trop gros, mais en même temps symbolique de notre rapport aux animaux domestiques.<br />C’est l’histoire d’une dame qui, incapable d’avoir des enfants, s’est rabattue sur les chiens. Des petits cabots qu’elle aimait un peu trop, et qu’elle nourrissait donc comme des humains, faisant fi des recommandations du vétérinaire. Saucisses, charcuteries, et pourquoi pas des fettucines carbonara. Évidemment, les pauvres périssaient plutôt rapidement de ce régime, et la dame les faisait alors successivement enterrer dans sa cour… enveloppés dans un linceul, mais surtout, déposés dans de petits cercueils pour enfants.<br />J’ignore si la macabre anecdote est véridique, mais ce que je sais, c’est que nous sommes là devant un cas extrême d’anthropomorphisme. <br />En ce qui concerne la moyenne des ours moyennement équilibrés, si plusieurs enterrent encore leurs animaux dans la cour, d’autres les font simplement incinérer. Ils peuvent aussi – et ils sont de plus en plus nombreux à le faire comme je l’ai découvert – disposer d’urnes pour conserver les cendres à la maison, ou encore, comme chez Mme Lalonde, les faire enterrer dans un cimetière*. <br />Sont-ils tous fous pour autant? <br />J’en entends un paquet répondre oui, mais aussi plein d’autres qui disent: «Ah non, vous pouvez pas comprendre, vous n’avez jamais vraiment aimé un chat ou un chien!»<br />Ils ont bien raison. Je comprends pas. <br />En fait, nous sommes ici devant un immense malentendu, et peut-être même devant le plus grand tabou dans notre rapport à la mort: celui du deuil d’un animal.<br />Un tabou? J’exagère, vous croyez? Essayez seulement de prendre une journée de congé au boulot en prétextant que vous vous consumez de chagrin à la suite de la mort de votre chien, et dites-moi si j’exagère quand on vous rira au nez.<br />«Il y a des gens qui font enterrer leurs animaux sans le dire à leur conjoint, confie Louise Lalonde. Ils me demandent beaucoup de discrétion, ils ne veulent pas être ridiculisés.»<br />D’ailleurs, je parie que c’est ce à quoi vous vous attendiez ici, que je ridiculise moi aussi. Oubliez ça. Au contraire, j’aimerais bien comprendre.<br />C’est d’ailleurs ce qui se passe au cours de ma conversation avec Mme Lalonde, je comprends un peu. Ou enfin, je chemine, disons.<br />Mais je me rassure surtout.<br />Car là où vous et moi imaginons des freaks, des solitaires qui viennent enterrer leur unique compagnon de vie, la propriétaire affirme plutôt qu’elle reçoit une clientèle largement familiale. <br />«Pour les enfants, c’est souvent leur premier contact avec la mort, expose-t-elle. Ils lisent parfois un mot qu’ils ont écrit à propos de l’animal, et c’est l’occasion pour les parents de parler avec eux de la mort.»<br />Premier rapport à l’inéluctable fin de tout ce qui vit, et donc aussi, à l’urgence de vivre, de réussir sa vie le mieux possible.<br />C’est d’ailleurs un peu ce qui est arrivé à Louise Lalonde, puisque c’est toute sa vision du monde qui a changé au contact de la mort des animaux, du chagrin de leurs maîtres. <br />«Comme journaliste, j’avais l’image d’une société délinquante, décadente, obsédée par les intérêts économiques, rarement sociaux, une société qui se tire dans le pied. Là, je rencontre des gens avec une autre perspective de la vie, qui m’ont appris des valeurs que je n’avais pas.»<br />Le discours ressemble à s’y méprendre à celui des gens qui œuvrent en soins palliatifs. Toujours cette idée qu’au contact de la mort, on devient meilleur, on renoue avec l’essentiel. <br />Cela devrait me réconcilier avec la mort, et pourtant, cela me désespère.<br />Car en quoi trouvez-vous rassurant qu’il faille se colleter avec la mort pour apprendre à vivre?<br />Individuellement, pour chacune de ces personnes, c’est évidemment une victoire. Pas contre la mort, mais contre le vide de sens. Et je suis bien content pour elles. <br />Sauf que collectivement, difficile de trouver plus cuisant constat d’échec.<br /><br />La semaine prochaine : Les immortels.<br /> <br />*En faisant de la recherche sur le sujet, j’ai découvert un excellent reportage effectué dans le cadre de l’émission <i>Macadam tribus</i> et qui permet de mesurer l’ampleur du phénomène. Vous pouvez trouver l’extrait sonore sur le site de <b>Radio-Canada</b>. <br /><br /></p>
Vrai,
Je n’ai un peu rien à faire avant d’aller me coucher se soir, me voilà en train d’écouter des « myspaces – music » en attendant le coup d’inspiration pour une prochaine critique. Alors me voici en train de commenter ton blogue de la semaine.
Afin de mettre les choses en contexte, je dirai sans détour que des animaux domestiques, si ce n’était pas de ma copine, j’en aurais probablement pas. Car mis à part les chats (indépendants), m’occuper d’un animal, beurk, l’idée seule me découragerait. L’amour intense pour un animal domestique m’est donc étranger, en quelque sorte. Donc, même si une certaine accoutumance c’est créé avec mes chats au fils des ans, ce n’est pas comme s’ils m’avaient réellement apporté quoi que se soit au cours de mon évolution en tant qu’être humain, si ce n’est qu’un gros tas de poils sur mes vêtements.
Bon, maintenant parlons-en, de la mort. Sérieusement, m’imaginer la carcasse de mon chat mort dans une poubelle, ça me fait chier, je ne veux rien savoir. Encore une fois, je ne dit pas que je l’aime comme un fou, c’est simplement que celui qui vit avec MA mémoire de lui, c’est moi. Lorsque je vais me rappeler de mon chat après sa mort, ce qui va bien sûr arriver, je ne veux pas que cela soit l’image de son cadavre et de la façon qu’il à été traité qui me viennent en tête. Pour moi, c’est aussi simple que ça. Enterrer un animal de façon respectueuse, c’est simplement une façon d’honorer sa mémoire, en fait, notre mémoire de lui. Si certaines personnes posent des urnes d’animaux morts dans leur demeure, alors là je ne comprends pas, et je ne chercherai surement jamais à comprendre… Si certaines personnes écoutent du Céline Dion ou du Mario Pelcha, alors là je ne comprends pas, et je ne comprendrai surement jamais, même si je cherche.
Bien entendu, ce n’est qu’un avis parmi tant d’autres. Mais peut-être saura-t-il répondre à une partie de ton questionnement.
Ah, et puis pour le fait de se rapprocher de la mort afin d’apprécier sa vie. Sérieusement, chaque seconde passée à faire des réflexions sur sa mort pendant qu’on vit, sont-elles perdues? Ouaip. Faut bien que je l’accepte, le fait que je vais crevez, mais à quoi bon chercher au-delà des étoiles ou dans des corps froids une raison pour aimer la vie?
-Danny
C’est plutôt au moment de décider d’avoir un animal de compagnie qu’il faut penser à sa mort. Comme l’a écrit Cioran, c’est à la naisssance qu’on devrait faire le deuil d’une personne. La plupart des gens ne savent même pas pourquoi ils pratiquent des rites liés à la mort. C’est une habitude. Enterrer ses humains, enterrer ses animaux, quelle différence. C’était d’abord pratique et hygiénique. Ce n’est pas inquiétant outre mesure. C’est plutôt le soin qu’on accorde aux vieux humains, comme aux vieux animaux qui devrait inquiéter. Voyez-vous des vieux chiens? À Montréal je ne vois que des jeunes hommes et des jeunes femmes musclés et bronzés artificiellement avec des chiens de jamais plus de 2 ans. Qu’est-ce qu’ils font avec après ? Une personne saine et sensée traite les animaux avec dignité et de façon responsable. Ainsi, elle ne s’embarasse pas de chiens racés dont elle se débarassera trop hâtivement, par mégarde ou par mode. Pourquoi tant de chiens et de chats alors qu’il y a tant foyers éclatés, de vieux esseulés, d’enfants maltraités, par mégarde, par ignorance? Tant mieux pour Madame chose si elle a trouvé un sens a ça vie et qu’elle valorise maintenant la personne humaine, à travers les rites de la mort (d’animaux) mais aiderait-elle des pauvres maîtres bénévolement, irait-elle donner un coup de main à ceux qui s’occupent de la pléthore de bêtes vivantes mais abandonnées, périmées. Ce n’est pas assez vendeur, sans doute.