Silence. Alors qu’il s’agira sous peu, pour des motifs électoraux, de dresser le bilan d’un premier mandat de Stephen Harper à la tête du pays, c’est le mot qui devrait le mieux résumer ces quelques mois d’une politique sous-marine qui nous fait presque regretter l’arrogance verbeuse de Jean Chrétien.
Une arme redoutable, ce silence. Une fabuleuse parade qui place systématiquement les partis d’opposition dans une situation hors de la zone de confort, en dehors de la logique habituelle des choses, les obligeant presque toujours à avoir le premier mot, nettement plus risqué que le dernier, vous en conviendrez.
Et comme on est dans le flou total au volet du contenu, tout est dans la manière chez les conservateurs. Tout est dans cette façon de laisser tomber la nouvelle d’une coupure budgétaire ou d’un projet de loi controversé en évitant savamment d’épiloguer sur la question (quand il ne suffit pas tout simplement d’enterrer le détail incriminant sous une montagne d’autres détails), laissant le soin aux opposants de déchirer leur chemise pour ensuite mieux les rouler dans la farine. Ou de se taire et laisser l’embryon de scandale s’éteindre, le plus simplement.
Ce silence frustrant qui réfute toute critique puisqu’il permet de ne jamais prêter le flanc, les conservateurs ne le ponctuent généralement que de slogans. Autre arme efficace en cette époque qui préfère de loin les campagnes de peur, d’insultes ou de vente aux débats d’idées. Mais c’est bien d’idées qu’il s’agit quand un ministre remet publiquement en question l’éthique des médecins en faveur de piqueries supervisées dont l’efficacité n’est plus à prouver, non? Même chose lorsqu’un projet de loi considère de jauger le degré de moralité d’un film pour le juger apte au financement, n’est-ce pas?
Pourtant, si on demande à la ministre du Patrimoine de s’expliquer (voir son entrevue avec Marc Cassivi dans La Presse, 15 août 2008), elle prétend sans ciller que la morale ne devrait jamais guider les décisions politiques. Comme si la main gauche ignorait ce que fait la droite (s’cusez-la).
Heureusement, il y a toujours l’increvable slogan du fric que l’on peut appeler à la rescousse, y allant de cette même question: est-ce à cela que l’on doit dépenser les deniers du contribuable? À des films de peu de vertu? Pour soigner des junkies? On n’a qu’à entendre les publicités anti-Dion-et-sa-taxe-sur-le-carbone pour constater que la rhétorique conservatrice relève d’une manipulation simpliste où la politique se résume désormais à une seule chose dans l’esprit de l’électeur: son rapport d’impôts.
Il y a évidemment mille raisons de condamner cette manière de faire qui nous laisse devant un banc de brouillard quant aux intentions du gouvernement qui ne révèle que trop rarement ses véritables motifs et dont on devine mal l’idée qu’il se fait du pays duquel il est à la tête. Mais d’un point de vue purement stratégique, il faut saluer l’intelligence de ce parti où, même lorsque le jupon dépasse, on parvient à ignorer jusqu’à l’existence du jupon en question.
Suffit de faire comme si ce jupon n’existait pas, et hop, il est parti. Mieux, il n’a jamais même existé.
Et c’est là que réside toute la puissance de ce gouvernement: dans sa manière de distiller l’information au point où l’on peut faire passer des décisions idéologiques pour du gros bon sens appuyé par des arguments économiques qui savent viser juste dans un imaginaire collectif miné par la surconsommation et l’endettement.
C’est là tout le génie marketing de la politique de la droite. Transformer un débat d’idées en un concours publicitaire. Ce qui me fait dire que Stephen Harper est probablement le plus redoutable politicien à avoir «régné» sur Ottawa, même s’il est à la tête d’un gouvernement minoritaire. Tout dans sa technique de l’esquive, du slogan et de l’embrouille nous prouve que cet homme est plus qu’un politicien ordinaire, et que son succès doit autant, sinon plus encore à son intelligence marketing qu’à la faiblesse politique de ses adversaires.
En fait, cet homme est probablement l’un des plus purs produits de son époque. Qui est la nôtre aussi, je vous le rappelle, au cas où l’envie vous prendrait de fanfaronner.
CAS DE CONSCIENCE – J’écrivais en février 2006 que les gens de Québec n’avaient pas voté pour les conservateurs pour des motifs qui relèvent de la morale. Et le statut minoritaire du gouvernement aurait d’ailleurs dû nous permettre d’éviter les dérives, si seulement les partis d’opposition prenaient la peine de lire les projets de loi en entier avant de se prononcer en leur faveur.
Bref, je crois toujours que vous n’avez pas voté contre l’avortement ni contre le mariage gai, pas plus que vous ne partagez cet esprit de pseudo-valeurs familiales qui anime nos compatriotes de l’Ouest qui ont un peu trop soif de vertu.
Tout cela pour dire que maintenant, par contre, vous savez. Vous savez ce qui se cache derrière la politique de financement du cinéma, vous devinez aussi ce qui se trame derrière cette volonté de changer le statut du fotus en cas de meurtre.
Si toutefois l’envie vous prenait de voter pour la même bande une autre fois, que grâce à vous elle obtienne un statut majoritaire qui lui donnerait le champ libre et que le droit se mette soudainement à reculer au profit de la morale, sachez une chose.
Ce douloureux pincement au cour qui pourrait vous indisposer à la lecture des journaux n’a aucun fondement médical.
N’appelez pas le docteur. Anyway, que pourrait-il faire pour apaiser votre conscience?
« Le monde et les temps changent » comme dit le poète. Mais les populations sont essentiellement restées moutonnières. Suffit d’un vent Démocrate aux Etats-Unis et les Canadiens voterons Libéral. Ce dont Harper craint davantage que son adversaire S.Dion. Faut pas trop s’illusionner non plus sur la vertu des gens, encore là, c’est pareil. On leur dit ce qui est bien ou mal et la morale est adoptée sans trop rechigner. Les Églises l’ont bien compris. Vous dites qu’on en est plus là ? Allons donc ! Le progrès technologique n’est pas garant du progrès humain. Ce dernier se fait à pas de tortue, quand il ne se fait pas vers l’arrière. Faut voir les Angéliques démoniser Obama pour se croire au temps de l’inquisition. Le cinéma…mais voyons donc ! Allez voir au Box office si les films qui y font des entrées portent un point de vue idéologique quelconque ? Les gens s’en foutent, et puis la censure se fait déjà, c’est bien connu. Vous me trouvez condescendant ? C’est vrai, mais il faut parfois prendre un peu de distance pour poser un regard. Un regard de haut ou de dessous, peu importe. La révolution, ça s’est déjà vu ; ça veut dire revenir à un temps révolu.
En appuyant si fort sur ce que vous appelez le génie marketing d’Harper, vous diminuez de façon non négligeable l’intelligence du voteur moyen. Si c’était vrai que l’électeur canadien remplissait son bulletin de vote avec une seule idée en tête: son rapport d’impôt, plusieurs d’entre nous auraient déjà fait le court chemin qui nous sépare des États-Unis en courant. D’autant plus qu’ici, on ne peut être porteur d’une morale sans passer pour un picsou qui ne pense qu’à se remplir les poches. Désolé, c’est votre rhétorique que je trouve simpliste, Mr Desjardins. N’y aurait-il que deux sortes de personnes? D’un côté ceux qui votent à droite, qui portent des bottes de cow-boy et qui vont uriner comme si le monde leur appartenait et de l’autre, ceux qui votent à gauche, qui ont le sens des valeurs sociales et qui vont au travail en vélo?
Je crois à la morale autant qu’aux droits humains fondamentaux, mais je me demande juste une chose: existe-t-elle vraiment encore dans notre réflexion collective? La morale mène-t-elle une existence réelle à l’intérieur de chaque être humain? Un cœur qui bat peut-il être indépendant d’une forme de conscience, peut-il échapper aux regrets, doutes, questionnements, certitudes et incertitudes qui nous façonnent et nous rendent la vie si difficile? Il n’existe pas de ligne jaune qui sépare la reconnaissance des droits humains qui nous font « avancer » de la reconnaissance de la morale, humaine elle aussi, qui nous ferait « reculer ». Le droit n’a pas à diminuer au « profit » de la morale tout comme la morale n’est pas limitée à progresser « aux dépens » du droit. Ce qu’on n’aime pas d’elle, par contre, c’est probablement son attitude. Elle prétend à l’universel, ce qui laisse beaucoup de place à d’éventuelles manœuvres ou manipulations. Elle n’est pas personnelle, donc on peut demander à l’autre de s’inscrire à l’intérieur d’un mécanisme de normes, on peut exiger une certaine correspondance entre deux êtres humains lorsque cela touche leurs nature profonde. Voilà pourquoi son histoire est sale. Le droit lui aussi est universel, mais il est cependant bien plus facile à accepter car il nous donne plus qu’il ne nous demande. Il est plus généreux qu’il n’est exigeant.
Vous dites que nos voisins de l’Ouest ont un peu trop soif de vertu. De mon côté j’émets la supposition que nous, les joyeux progressistes de l’Est, nous manquons parfois d’égards à son sujet. Donc, si je comprends bien et si mon prof de chimie de secondaire 5 n’était pas un parfait imbécile, j’imagine qu’à ce moment-ci on pourrait mettre tout ça ensemble et trouver un semblant d’équilibre, faire un beau splash, mettre le tout dans le mixer et voir ce que ça donne… Mais pour cela, il faudrait commencer par accepter la possibilité que le cousin de l’Ouest ne soit pas simplement un mammouth mal dégrossi, ce qui n’est pas gagné d’avance.
En fait c’est là que ma réflexion s’arrête et c’est peut-être là que devrait commencer ce fameux débat d’idée. J’ai toujours trouvé que la querelle entre la gauche et la droite était trop une question d’opinions et de points de vue pour qu’elle ne donne quelque chose de concret. De plus, la division me semble trop simple et la ligne trop nette pour vraiment représenter le cheminement intellectuel de chaque personne face aux questions politiques du jour. Est-ce un désir mal mûri ou encore un excès d’enthousiasme, je ne sais pas, mais j’aimerais voir un de ces jours une réflexion honnête de la part de nos intellectuels ou de nos politiciens québécois sur la place (et l’envergure), à l’intérieur de notre état, que devrait avoir le contrôle moral.
-Le contrôle moral?!? Mais c’est une affaire de religion, ça!
-Bien dit, Albert Einstein, mais nous vivons tous dans une sorte de religion, quelles que soient nos idées et où que nous habitions dans le monde.
Il n’y aurait pas assez de place dans la charte des droits et libertés pour une nouvelle section « faites votre lessive ». Ça na cadrerait pas dans l’esprit du temps et de toute manière, on ne peut demander à un lutteur sumo de faire du saut en hauteur. Les politiciens ont leurs règles bien à eux dont celle d’éviter les questions pièges. -Mathieu 15,24 je crois-.
In nomine patris et filii et spiritus sancti. Amen mon frère.