Le bonheur de la classe moyenne est-il soluble dans le fric? C’est la première question qu’on est tenté de poser en faisant le tour du sondage Léger Marketing avec lequel les quotidiens de Quebecor et sa filiale télévisuelle faisaient leurs unes cette semaine.
Mon confrère Martineau en a d’ailleurs profité pour se porter à sa défense, pôvre classe moyenne, victime de nos plaisanteries mesquines, enfermée qu’elle est dans un imaginaire de banlieues beiges et de centres d’achat devenus les temples d’une surconsommation élevée en religion.
Des clichés? Certainement. Mais des clichés pleins de vérité. Je le sais pour en faire partie de cette classe moyenne, pour avoir vécu dans ses banlieues.
Cela dit, si la classe moyenne en a assez d’être le souffre-douleur par excellence, il faudra qu’elle cesse de prêter le flanc en se plaignant le ventre plein, bien au-delà de la frontière du ridicule.
Comme en faisant porter aux gouvernements l’odieux de la croissance de son taux d’endettement.
La nouvelle voiture? Oui. La télé plasma avec les nouveaux divans et le cinéma maison? Certainement. La maison hors de prix mais tellement jolie et dans un quartier tranquille en plus? Oh que si. Mais l’augmentation de l’assurance médicaments? Non. De l’électricité? Voyons donc. Du permis de conduire? Ne me faites pas rire.
Pourtant, 94 % des répondants au sondage blâment les gouvernements pour leur appauvrissement. Vous avez bien lu, 94 %. Ils se sentent négligés par les élus, qui n’en font pas assez pour eux.
Serait-ce parce qu’il n’y a rien à faire? Ou enfin, qu’on en fait déjà beaucoup?
Est-ce la faute des gouvernements si les ménages québécois sont de mauvais gestionnaires de leurs actifs? Les élus sont-ils responsables de nos comportements d’une insatiable gourmandise en ce qui concerne la consommation de divertissements et d’articles de luxe, devenus gages de bonheur dans nos cocons dorés?
On m’accusera d’insensibilité, de ne pas comprendre la détresse des Québécois étranglés par leurs finances précaires, ou pire encore, d’être un avatar postcommuniste en voie de se faire pousser la barbichette et d’aller mener des cortèges de gauchistes enragés dans les rues.
Pensez ce que vous voulez, mais vous ne me ferez pas pleurer.
La classe moyenne peut bien ruer dans les brancards, elle peut bien blâmer qui elle veut et menacer les gouvernements de ce qui lui plaît. Elle voudrait bien qu’on s’occupe d’elle et qu’on lui dise ce qu’elle veut entendre: nous baisserons vos impôts, les taxes, il y aura plus de services gratuits encore.
Mais c’est de vérité qu’a besoin la classe moyenne. D’un coup de pied au cul. D’un reality check.
Et commençons donc par une mise au point.
Soit qu’il ne faut pas confondre augmentation du pouvoir d’achat et justice sociale.
Autrement, il y a quand même un truc qui me chicote avec cette enquête, et qui stigmatise bien plus la classe moyenne que toutes les jokes sur la banlieue ne pourraient le faire. Soit de réduire tout ce beau monde à son fric. À des préoccupations qui s’arrêtent là. Point.
C’est bien beau, apprendre ce que ces gens ont dans les poches.
Maintenant, est-ce qu’on pourrait aussi savoir ce qu’ils ont dans la tête?
LÉGUMES AVEC VUE – J’ai fait deux fois le tour de l’île d’Orléans à vélo cet été. Si on excepte le pont, véritable honte routière digne de la banlieue de Kaboul où les automobilistes s’arrêtent pour vous insulter si vous ne roulez pas sur un trottoir encore plus dangereux que la chaussée vérolée, voilà sans doute un des plus beaux décors pour rouler dans la région. Avec certains coins de Portneuf, dont un que j’ignorais jusqu’à tout récemment et que m’a fait découvrir ma blonde, entre Pont-Rouge et Sainte-Catherine.
Mais revenons à l’île, qui est très bien pour rouler à vélo, mais aussi pour rouler le touriste.
Peut-être pas partout. Peut-être pas tout le temps. Mais quand même.
T’arrêtes au bord de la rue devant le kiosque d’une ferme. Les framboises tardives? 6,50 $ pour un casseau moyen. Ouch! Les fèves vertes? 4,50 $. My God! Comme on est là, comme on s’en va souper, on achète quand même, un peu dégoûté.
Puis j’entre dans une épicerie en ville quelques heures plus tard.
Dans la section des légumes, les fèves vertes y sont à la moitié du prix pour le double de la quantité. Elles ne viennent pas du Mexique, mais d’ici. À peine plus loin que l’île, en fait. Et elles sont aussi belles.
Je sais que l’été pluvieux n’a pas fait de cadeau aux agriculteurs, qui essaient de se refaire un peu. Mais à ce point?
À moins que les fruits et légumes répondent aux mêmes impératifs que l’immobilier, et que lorsqu’on les achète, on doive aussi payer pour la vue?
Meuh non, sots. C’est sûrement la faute au gouvernement.
Merci.
J’ai eu peur, pendant quelques jours, d’être la seule à être enragée par les énormités cousues de fil blanc relayées par ce sondage Léger Marketing.
Encore un de ces matins où, incertaine, je tâte de ma télé non câblée, à la recherche d’une émission d’information pas trop neigeuse (Global rentre bien mal ici.) Et de me retrouver encore une fois nez à nez avec ce « La classe moyenne cassée », représentée ce matin par l’incarnation même de la pitié, un mec qu’on suppose bon père de famille et qui, visage ingénu à l’appui, assure à la caméra que sa vie a changé et qu’il doit maintenant se serrer la ceinture. Sa déclaration lui donne littéralement des airs de martyr chrétien quand on lui demande combien lui coûte le plein d’essence pour son monstrueux pick up 4 portes : 150 $.
J’ai fermé la télé. Pas capable.
Comme je ne suis incapable d’entendre le commentaire du journaliste qui présente une question du sondage en disant que X % des sondés avouent devoir faire un budget pour boucler leur fin de mois. Doivent renoncer, choisir, calculer. La honte.
11 septembre.
Élections fédérales. Ailleurs, début d’une expérience scientifique jamais tentée. Une no-name de l’Alaska radicalement à droite commence à faire de l’ombre à Obama. Haïti et l’Inde comptent leurs morts.
Et ce qu’on retient, c’est que la classe moyenne québécoise est cassée.
Probablement comme le dit si bien la pub : Because you’re worth it.
M. Desjardins, je dois dire que vous avez misé juste avec votre chronique sur la classe moyenne en oubliant de mentionner que celle-ci manquait aussi totalement de solidarité. Elle est peuplée d’individualistes pour qui l’entraide, le covoiturage, les emprunts ou la location d’objets qui servent peu sont des éventualités impensables, même si elles pourraient grandement augmenter leur sacro-saint pouvoir d’achat.
Petite réflexion également pour ceux qui croient que les baisses d’impôts constituent l’antidote à leur mal : un couple qui, par exemple, se verrait octroyé 1000 $ de baisse d’impôts aurait accès à un beau 19, 23$ de plus par semaine. Ce qui correspond en gros à 10 minutes de magasinage chez Future Shop ou Wal-Mart le samedi matin. Pour une bande d’individus qui a comme loisir principal de consommer de façon compulsive et démesurée, est-ce que ça changerait vraiment quelque chose à leurs habitudes, à leur qualité de vie et à leur bonheur?
Au fond, la classe moyenne est, comme tout ce qu’il y a d’humain, pleine de contradictions. Quand c’est le temps d’accoucher, de se faire opérer ou de caser les personnes âgées dans des foyers, elle apprécie la sociale-démocratie. Quand vient le temps de payer une hypothèque démesurée, elle trouve que les impôts sont trop élevés.
À une ou deux exceptions près, tous mes proches et amis font partie de la classe moyenne. Ce sont des personnes intelligentes, agréables, saines d’esprit et diplômées pour la plupart. Pourtant, la totale stupidité de leurs décisions financières me décourage souvent. Cependant, je ferme ma gueule et je les laisse aller. Il est, parait-il, préférable de ne pas discuter avec des gens qui pensent que la lune est faite en fromage…
Jean-François Dugal
Je n’aurais pas pu dire mieux par rapport aux plaintes de la classe moyennes. Cela fait plus d’une semaine que je tiens le même discours avec des amis ou sur des blogs. Les gens doivent apprendre à se prendre en main et arrêter de déléger à l’état la prise en charge de leur gestion, de l’éducation de leur enfants et de leur vie en général. Mais que voulez-vous, depuis le temps que l’on dit au gens qu’ils ont des droits, que quand on veux on peux, et qu’on vit dans le plusse beau pays du monde, ceux-ci ont finit par y croire. Je pense bien que le « coup de pied au cul » que cette frange de la société mérite risque de se produire plus tôt qu’on le pense.
La classe moyenne n’a qu’à se blâmer elle-même pour sa lâcheté devant les riches et ceux qui détiennent vraiment le pouvoir. D’un autre côté, elle est victime des incessantes trahisons des élites qui décident à peu près tout à son avantage via les lobbies de toutes sortes. Je pense que la responsabilité des membres de la classe moyenne est de s’informer au delà de l’information de masse. Pour ce faire, elle doit comprendre le fonctionnenement des médias, leur financement et les enjeux reliés au lavage de cerveau de masse. Elle comprendrait ainsi pourquoi ses désirs ne sont pas comblés par les politiciens.
Je suis contente de voir que je ne suis pas la seule à trouver ce sondage un peu toton. J’ai pris la peine d’aller voir les questions qui ont été posées aux sondés, et il n’y avait rien là de bien scientifique: « Pensez-vous… » « Considérez-vous… », en clair, « Trouvez-vous que vous avez assez d’argent? ». Ben voyons! Comme si quiconque allait répondre oui à ça!
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