Desjardins

Le Truman Show

Vous vous réjouissez de la déconfiture de Harper, de la formation de ce potentiel gouvernement de coalition? Au début, je l’avoue, cela m’amusait aussi. Difficile de ne pas esquisser un sourire en voyant cet idéologue être éconduit dans sa tentative d’écraser les autres partis, et ensuite pleurnicher, hoquetant que la manouvre des Dion, Layton et Duceppe est antidémocratique.
Au début, donc, moi aussi je me marrais. Puis je me suis pris à regarder la chose plus sérieusement. Ces guignols qui se tapent sur la tête avec des matraques molles comme s’ils étaient les marionnettes d’un castelet cheapo, ces gens qui pinaillent, se chicanent, font des alliances contre nature pour écraser l’adversaire, ce sont les mêmes dont on dit généralement qu’on respecte leur fonction, non? C’est à eux qu’on confie les rênes du pays, c’est en eux qu’on met toute notre confiance pour guider le Canada à travers l’une des pires crises financières – et peut-être même économique – des 50 dernières années, n’est-ce pas?
Remarquez, la chose offre un excellent spectacle. Mais est-ce bien de la politique?
J’entendais l’autre jour un type à la radio qui parlait d’une nouvelle forme de psychose où les patients croient dur comme fer qu’ils sont filmés en permanence, que leur vie est une téléréalité. 
On appellerait la chose syndrome de Truman, comme dans The Truman Show.
Et si l’affection s’était généralisée sans qu’on s’en aperçoive? Et si nous nous amusions désormais des chicanes politiques comme s’il s’agissait de savoir qui remportera la grosse maison en banlieue de Montréal et qui deviendra le roi ou la reine de TQS?
Entre le déclenchement d’élections parfaitement opportuniste par Charest et cette querelle qui laisse les constitutionnalistes pantois, on s’apercevra rapidement que la première victime de tout cela risque d’être cette démocratie que l’on dit chérir tout en s’en moquant à chaque occasion.
En ce moment même, d’ailleurs, nos politiciens alimentent le cynisme des citoyens à un degré sans doute inégalé jusqu’ici.
Car non seulement aucun d’entre eux ne parvient à réellement fédérer les gens en leur offrant autre chose qu’une vision grise et comptable du vivre-ensemble, mais ils s’amusent comme des gamins avec le pays.
Des jeux, du marketing, de la mise en marché pour obtenir la confiance du peuple, la fidélisation du client-électeur dont on pourra ensuite se moquer quand il appellera au service à la clientèle.
Tenez, parlant de marketing, ce courriel que je reçois mardi, m’invitant à réaliser une entrevue avec un ministre conservateur «au sujet de la tentative de coup d’État par l’opposition». Ces mêmes conservateurs qui étaient si difficiles à joindre en campagne électorale et qui se révèlent subitement accessibles. Inutile de répondre, on sait qu’ils joueront tous le même morceau, préenregistré par les spin doctors du parti.
Plus que les journalistes, les agitateurs radio et les chroniqueurs en manque d’attention, ce sont les politiciens qui sont les plus grands responsables du cynisme qui entoure la démocratie. La situation actuelle nous le montre bien.
Pour des jeux de pouvoir, les voilà qui nous placent devant la possibilité d’une autre élection, un autre 300 millions englouti inutilement parce que tout ce beau monde joue au plus fort, à celui qui a la plus grosse, au plus fin qui pisse le plus loin. Et il faudrait qu’on applaudisse?
À Occupation double ou Loft Story, ce genre de choses est peut-être drôle. Mais en politique, de voir ces gens manipuler notre avenir avec une telle désinvolture a quelque chose de navrant. Et de vaguement énervant, aussi.
Ce sont les mêmes qui viendront pleurer que seulement 60 % de la population se déplace pour voter.
On leur répondra qu’un mauvais spectacle récolte de mauvaises cotes d’écoute.

NOUS VOUS REMERCIONS D’AVANCE – Le ciel tergiverse: neige ou pluie? 
Pluie ou neige? Voilà Noël qui approche, précédé des habituelles hésitations météorologiques qui nous obligent à cette sloche qui gèle ensuite pour transformer le sol en paysages lunaires sur lesquels on se pétera la gueule dans la joie et l’allégresse.
Parlant de joie et d’allégresse, vos courses de Noël, vous, ça va?
Ça doit. Mon frère, qui est prisonnier volontaire d’un centre commercial pour le temps des Fêtes, me disait l’autre jour comme vous êtes nombreux à vous y garocher depuis déjà quelques semaines. Suffit que le soleil se voile un peu, et vous voilà, alignant plus ou moins civilement vos voitures dans des parkings pour ensuite vous entasser dans les couloirs de la mort de Place Machin-chouette.
C’est ici que normalement, je peins de mes congénères un portrait peu flatteur, les décrivant comme une ribambelle de gens dont l’unique objet de désir est d’acheter. Pas même de posséder, d’en jouir, d’en profiter, mais juste d’acheter, d’acquérir une chose.
Sauf que, bon, je sens que vous avez déjà entendu le refrain. Je sens aussi que vous vivez plutôt bien avec cette idée que Noël est une aliénation, une obligation au bonheur où les cantiques et les chansons des Fêtes seraient répétés avec une insistance presque pornographique.
Alors, comme disent les psys en haussant les épaules: si vous vivez bien avec ça.
Cela dit, mon frère travaillera le jour du Boxing Day. Si vous êtes suffisamment désouvrés pour faire la file devant les boutiques ce jour-là afin d’épargner 15 $ sur un chandail ou un collier, je vous prierais seulement d’éviter de le piétiner à mort à l’ouverture des portes. Toute notre famille vous remercie d’avance.