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Qu'est-ce que le bonheur?

Je n'en sais trop rien. Je ne suis pas même sûr qu'on puisse trouver le début d'une réponse. Seulement, il me semble que la question est plus pertinente que jamais en ces temps de crises financière, économique, immobilière et j'en passe.

Pourquoi maintenant plus qu'à un autre moment? Peut-être parce que cette question est à l'origine même de cette crise qui secoue l'Occident.

Elle est ce bruit assourdissant de la bille qui cogne sans relâche dans la tête des consommateurs, que dis-je, des citoyens. Elle est cette chose qui a permis au marché de prospérer, mais aussi de leurrer, de mentir et d'abuser après s'être menti et s'être abusé lui- même. Elle est cette porte, grande ouverte, qui a laissé entrer la pensée magique dans l'économie et dans la tête des gens.

Qu'est-ce que le bonheur?

Dans un pays comme les États-Unis où le droit au bonheur figure dans la Constitution, la question est primordiale. D'autant plus qu'on sait que ce droit fait figure de symbole, et que les symboles de l'Amérique tracent avec précision les contours des fantasmes du reste du monde.

La semaine dernière, le président des États-Unis est sorti de chez lui, et il est allé à la rencontre des gens dupés par les banques et un marché par trop vorace afin de leur vendre son plan de relance, mais aussi d'expliquer les fondements de la crise. Évidemment, il a exposé de quelle manière les financiers ont arnaqué tout le monde, mais il a rappelé une chose qui fait bien plus mal à entendre: vous vous êtes laissé berner.

Vous aussi, par votre insouciance, vous vous êtes rendus responsables de la situation actuelle. Il aurait tout aussi bien pu dire que dans leur "poursuite du bonheur", les Américains ont couru derrière un lapin mécanique avec l'avidité écervelée d'un peloton de lévriers de course.

Car rappelons-le, tout le gamble hypothécaire reposait sur une idée: offrir des prêts disproportionnés permettant à des gens de se payer une maison au coût dépassant largement leurs moyens. Avec les conséquences que nous connaissons.

Cela dit, vous croyez qu'Obama est allé discuter d'argent avec ces gens, réunis pour écouter le président leur passer un savon?

En apparence, oui. Mais en fait, il leur a demandé sans vraiment le faire de quoi étaient composés leurs rêves. Il leur a posé cette question, encore.

Qu'est-ce que le bonheur?

Était-ce de vous sentir plus riches que vous ne l'êtes? Ou était-ce simplement d'assouvir votre envie sans attendre, sans trop y réfléchir? Était-ce d'ignorer le futur pour jouir tout de suite, en se fichant des conséquences?

C'est aussi, à une autre échelle, ce qui a poussé le milieu financier au bord du gouffre. La volonté d'obtenir des rendements immédiats.

Tout le marché repose sur cela: des bénéfices rapides, immédiats, à chaque trimestre.

Parce qu'au fond, peut-être qu'il est là, le problème. C'est-à-dire que ce n'est pas la nature du bonheur qui est au cour des enjeux qui nous occupent. D'autant que le capitalisme est là pour rester, toute la culture mondiale s'appuyant sur son socle, sur sa mythologie.

Le problème, ce n'est peut-être pas le matérialisme du bonheur, mais plutôt le caractère désormais insoutenable du désir. Ou plus simplement, qu'on ne peut plus souffrir d'espérer ou d'attendre, et qu'il nous faut non seulement tout, mais il nous le faut tout de suite.

Qu'est-ce que le bonheur?

Peu importe, au fond, du moment que c'est maintenant.

UNE BRUTE – Il faut l'avouer, à une époque toquée de marketing et où tout lave plus blanc que blanc, la simplicité un peu bête de politiciens comme le député conservateur Daniel Petit est tout simplement providentielle.

D'abord parce qu'elle ignore la prudence, et que cette épaisse témérité permet de sonder les profondeurs de leur abyssale connerie.

Ensuite parce qu'en évitant la langue de bois et en ignorant la ligne de parti, elle éclaire d'une lumière crue quelques vérités enfouies sous une montagne de déclarations creuses qu'on n'osera pas appeler mensonges parce que cela ferait beaucoup d'insultes et d'injures pour un seul paragraphe.

Ainsi, en laissant tomber que son parti n'était pas copain-copain avec les artistes et en réduisant la culture à un divertissement, Petit a tout simplement signifié en mots ce que les gestes de son parti trahissent depuis un moment déjà: le mépris pour l'art et ceux qui le font.

Plus qu'un mépris ordinaire. Une violence. La haine de ce qu'on ne veut pas comprendre, de ce qu'on considère inaccessible en raison de sa propre paresse, de son propre manque de curiosité.

Et parce que cette différence nous effraie, il paraît d'autant plus absurde de la financer.

Quelques heures avant d'écrire ceci, je lisais une chronique de Foglia dans laquelle il publiait des lettres d'adultes qui ont autrefois été des "rejets" à l'école. En constatant l'étendue de la bêtise de leurs tortionnaires, qui considéraient comme répréhensible tout ce qui contrevenait à la norme – surtout s'il s'agissait d'avoir de bonnes notes, ou pire, de lire -, je me suis mis à penser à Petit, à Verner, à Moore, à Harper.

Mais surtout à Petit.

Parce que chez les autres, on sent le calcul. On devine l'opportunisme qui se cache derrière les coupures et le populisme auquel il s'alimente. Mais chez Daniel Petit, il n'y a rien de cela.

Seulement l'arrogance et les raccourcis intellectuels d'une brute de cour d'école.