Desjardins

La matraque

La Protectrice du citoyen ne souhaitait sans doute pas couvrir les élus d'embarras.

Elle leur a donc donné raison sur un point dans son rapport concernant la crise de la listériose de l'été dernier en affirmant que le gouvernement était "justifié" d'agir comme il l'a fait.

Comment a-t-il fait, déjà?

En détruisant systématiquement l'inventaire de 300 détaillants, parfois sans aucune analyse préalable, sans preuve de contamination sur place.

Une job de bras des gens du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ), sans égard pour les conséquences économiques, mais aussi humaines de leur geste. "Ils sont rentrés, ont pris tous les fromages, les ont mis dans un conteneur et ils ont versé de l'eau de Javel dessus", me racontait alors une des véritables victimes de la crise de la listériose de l'an dernier: une commerçante.

Je dis véritable victime, parce qu'en réalité, la psychose des fromages apparaît comme une fabrication. Certes, il y avait un risque.

La listériose n'est pas sans danger. Mais contrairement à la croyance populaire, on n'a aucune certitude que quelqu'un soit réellement mort d'avoir mangé du fromage contaminé.

Ce qui n'a pas empêché le gouvernement de freaker, et il paraît, selon la Protectrice du citoyen, qu'il n'avait d'autre choix que d'agir ainsi.

Reste qu'il y a la manière. Reste qu'il y a l'élégance. Deux choses qui échappent généralement aux fonctionnaires en mission commandée.

Non seulement a-t-on choisi, dans ce cas, de réagir en rentrant dans le tas, les yeux fermés, mais on a ensuite maladroitement tenté, quelques mois plus tard, d'acheter la paix en offrant d'aider les commerçants dans un geste savamment médiatisé.

Sauf que le mal était fait. Surtout chez les producteurs.

Petite parenthèse sous forme de rappel des faits: comme la cuisson est une manière efficace de détruire la bactérie listeria, on a beaucoup associé les fromages au lait cru à la listériose. Pourtant, dans "l'explosion" qui nous intéresse, c'étaient des fromages pasteurisés qui étaient en cause. La pasteurisation n'élimine donc pas tous les risques de contamination.

Autre parenthèse, mais sous forme d'opinion des fromagers cette fois: malgré ces données, le MAPAQ serait toujours aussi méfiant en ce qui concerne le lait cru. Certains producteurs prétendent même que la volonté du gouvernement du Québec est de l'éliminer des tablettes. Pas en le bannissant, mais en allongeant la liste de mesures restrictives et en imposant des conditions de fabrication de niveau industriel qui réduisent considérablement la rentabilité de la production de fromages non pasteurisés. Toujours selon certains artisans, les programmes d'aide annoncés par le Ministère ne sont que poudre aux yeux. Un prêt sans intérêt pour rénover son atelier "au goût du jour du MAPAQ", ça reste un prêt. Et souvent la facture est exorbitante.

Fin de la parenthèse. Ou peut-être pas tout à fait, en ce sens qu'elle éclaire ce qui va suivre.

Car parmi les autres reproches adressés au gouvernement par la Protectrice du citoyen, on note: la mauvaise gestion de la crise dans les médias, les rappels excessifs (deux fromageries ont été injustement montrées du doigt par le gouvernement, qui avait mal fait son travail d'analyse avant de déclencher le rappel de leurs produits), et aussi, les lacunes dans les inspections avant "l'explosion" de listériose d'août 2008.

La Protectrice sera heureuse d'apprendre que le MAPAQ a pris les choses en main depuis.

À tel point que chez une fromagère artisanale, croisée l'hiver dernier, la ponction pratiquée à des fins d'inspection dans son inventaire était alors ahurissante. "Je produis moins en hiver, racontait-elle, mais ils m'en prennent toujours autant. Là, avec tout ce qu'ils me retirent pour l'analyse, je dois me passer de salaire."

C'est aussi un reproche de la Protectrice du citoyen, ou enfin, une recommandation: mieux aider les artisans du fromage à se soumettre aux exigences du MAPAQ plutôt que de leur cogner sur la tête.

Le ministre a répondu que c'est exactement ce que fait son gouvernement.

Disons qu'il fait surtout de la politique, et que la politique évolue dans un univers qui se situe quelque part entre la fiction et la pensée magique.

La réalité, c'est que pour plusieurs artisans du renouveau alimentaire, pour ceux qui transforment réellement le Québec rural et souhaitent en faire autre chose qu'une usine à produire de la bouffe en série, le MAPAQ est encore synonyme de matraque.

LE ROI DE LA TARTE – Il se trouve toujours des lecteurs, mais le plus souvent des lectrices, pour déplorer les quelques méchancetés qui viennent parfois émailler cette chronique.

Sachez-le, je les écris sans intention de nuire, mais au contraire, pour rassurer.

Si si, pour rassurer tous ceux qui, comme moi, ignorent le nom du gagnant de Star Académie, se sacrent de Suzan Boyle, n'ont pas regardé la finale de Loft Story et se contre-saint-ciboirisent d'apprendre que Michel Jasmin a perdu 30 livres.

Bref, c'est pour les rassurer eux, et pour me convaincre que je ne suis pas le seul de ma gang, que je me moque parfois de ceux que l'on placarde partout, malgré un évident déficit de talent. Par exemple:

Bernard Lachance, qui a éveillé à la fois l'entrepreneur du showbiz et le colonisé qui sommeille en nous en faisant frémir tout le Québec lors de son passage chez Oprah.

Ma question était: Avant de vous exciter, avez-vous écouté ce qu'il fait? Ce n'est pas pourri, mais tout juste acceptable. Et surtout: mièvre, cucul la praline, et sommairement exécuté. Bref, le type est un vendeur, et ce qu'il fourgue, c'est de la tarte à la crème, écrivais-je.

Une madame s'indigne donc dans ma boîte vocale: vous êtes bien méchant, c'est si joli ses chansons, il est si courageux, et vous devez êtes jaloux de son succès pour écrire de si vilaines choses…

Au moment où cette dame, à force d'admonestations, parvenait presque à percer mon légendaire blindage, me parvenait un courriel nous annonçant que ce bon Bernard Lachance signait enfin un contrat de disques.

Voici donc notre chanteur-qui-vend-ses-tickets-dans-la-rue sous les bons auspices d'une maison de disques qui en a vu d'autres et viendra lui donner un peu de crédibilité. Parmi les artistes cités par l'écurie musicale, on repère quelques noms connus: Mitsou, Natalie Choquette, Nuance, les B.B., Collage, The Vengaboys.

Y a pas à dire, madame, tout un exploit, et vous avez raison, je suis un peu jaloux de son succès. Imaginez le bonheur, pour un vendeur de tartes à la crème, de rejoindre les plus illustres représentants du divertissement pâtissier.