Tout le monde travaille plus ou moins activement à l'édification de sa légende personnelle.
Quelle légende?
Disons qu'il s'agit d'une sorte d'amalgame. Un recueil d'histoires qui viendraient émailler les temps forts de notre autobiographie. C'est aussi ce qu'on dégage, et c'est un peu dans les gènes, mais ça se travaille, ça s'affine. C'est notre personnalité, notre culture personnelle, nos passions, nos défauts qu'on module selon l'effet souhaité, et c'est un peu de cette énergie qu'on projette, formant au final une sorte de tout: un fatras constitutif, comme dirait l'autre.
Pour les plus modestes, c'est surtout affaire d'image, puisque même ceux qui affirment ne pas en avoir posent. Prétendre qu'on ne consacre aucun effort à polir son image, c'est adopter la posture de celui qui n'en a pas, ou plutôt, qui prétend qu'il n'en veut pas.
Dans le même sens, le type qui vit tout seul dans le fin fond du bois et qui répondra avec des signaux de fumée à cette chronique pour prétendre qu'il n'a cure de sa légende personnelle est un fieffé menteur. Se prendre pour Grizzly Adams, c'est pas un peu beaucoup mythifier sa propre existence?
Tout le monde, donc, travaille à sa légende de différentes manières. En fondant une famille, en grimpant l'Everest ou le plus de filles possible, en s'achetant un super bolide qu'on torche sur les routes jusqu'au bout de ses points, en tirant des autobus avec ses poils de nez, en étant celui qui parle toujours le plus fort dans le party, ou en faisant preuve d'une extraordinaire modestie.
Ce qui est bien, c'est que ça fait des histoires à raconter. Par exemple: l'autre jour, j'étais sur un plateau de télévision pour y discuter des projets de la Ville. Autour, quelques journalistes que je connais, que j'aime bien, Claude Rousseau, qui m'a semblé intéressant, plutôt sympa, et Alain Goldberg, que je déteste avec ardeur depuis la toute première fois où je l'ai entendu tartiner de Map-O-Spread ses commentaires qui font, à mon avis, nettement plus de tort au patin de fantaisie que les costumes de Johnny Weir. Bref, je ne me suis pas présenté, pas même forcé pour être cordial, je ne l'ai pas salué, je me suis sauvé au moment des poignées de main, et tout au long de son entrevue, ponctuée de remarques débiles (comme cette idée de faire du Crashed Ice un sport olympique), je me suis moqué ouvertement, le sourire fendu jusque-là.
Bref, en présence d'un con, je manifeste toute l'impolitesse dont je suis capable. Ce qui fait de moi, aussi, un con. Mais un con capable de vivre avec lui-même.
Voilà, donc, un extrait de ma légende personnelle qui, pour résumer encore ce concept un peu flou, est la somme de nos expériences et de nos impressions qui projettent de nous une certaine image.
Autrefois, on s'asseyait avec quelqu'un qui, s'il en avait envie, nous invitait à partager un peu de sa légende à lui, et s'il n'était pas trop ivre de sa propre légende, il écoutait aussi un peu de la nôtre.
Ça, c'était avant les réseaux sociaux. Avant Twitter, mais plus encore Facebook. C'était avant les textos, les téléphones qui font des photos et des films. Aujourd'hui? Je me demande pourquoi on se voit encore en personne et comment on trouve encore des choses à se raconter qu'on ne sache déjà.
Remarquez, je vous dis tout cela sans m'énerver. Je constate, c'est tout.
Ce qui m'agace, comme mon collègue Diaz qui en faisait le sujet de sa chronique dans Voir Montréal la semaine dernière, c'est de vous voir, des spectacles durant, le bras en l'air, filmant la chose dans sa presque totalité.
Cela m'irrite parce que je ne vois plus la scène, mais aussi parce que vous n'êtes plus là. Dans le sens où vous n'êtes plus dans la dynamique du spectacle, dans ce dialogue entre artistes et spectateurs, mais retirés derrière votre écran.
C'est comme cela pour les spectacles, mais pour tout le reste aussi.
Raconter sa légende est sur le point de devenir une finalité. Le contenu devenu secondaire, c'est le média qui importe, c'est la présence, même fantomatique, même dénuée de sens.
Dire, mais n'avoir rien à dire. Relater une expérience qu'on n'a vécue qu'à moitié, et encore, parce qu'on textait tout au long et qu'on prenait des photos pour les déposer sur sa page Facebook.
Je vous le répète, je ne m'énerve pas. Enfin, j'essaie. Je constate, en partageant la culpabilité d'une époque qui s'écoute parler, surtout quand elle n'a rien à dire. Après tout, j'en suis.
Nous ne voulons pas vivre pour raconter, nous racontons pour vivre.
Nous affirmons vouloir vivre au présent, mais sommes constamment en train de nous projeter dans l'avenir.
Nous voulons laisser des traces, sans trop savoir de quoi au juste.
Nos légendes personnelles sont des statuts Facebook qui se délitent dans la marée d'insignifiance à laquelle nous contribuons toutes les heures.
Nous sommes épris d'éternité, mais nous avons peur de nous ennuyer pendant cinq minutes.
FAUX CULS – Je feuilletais le Journal de Québec lundi matin en attendant mon café à la gare de train. Le journaliste dépêché pour couvrir la première du concours du Lady Mary Ann avait presque l'air déçu du peu de participantes présentes pour ce petit Star Académie dont on a tant parlé la semaine dernière puisqu'on y offre, comme premier prix, une paire de seins flambant neufs.
La chose est pourtant assez peu surprenante. Parce que, croyez-le ou non, les filles qui se font refaire les seins ne veulent généralement pas que ça se sache.
À la limite, faire des folles d'elles sur scène, ce n'est pas bien grave. S'y foutre à poil? Bof.
Mais avouer qu'on s'est fait refaire les seins, ah non. J'en connais même une qui niait la chose, formellement. Coudonc, fille, qu'on se disait, tu veux nous faire croire que tout d'un coup, ils ont poussé et ont décidé de pointer vers le ciel… à 36 ans?
Anyway, ce qui m'intéresse dans cette histoire, c'est que sa couverture médiatique témoigne encore qu'en cette époque étrange qui est la nôtre, l'indignation rate souvent sa cible.
Tous ces hauts cris poussés à l'endroit de la tenancière du bar qui ne se cache pas, qui avoue son opportunisme, mais pas un mot à propos de la dénonciation de ce concours par des chirurgiens plastiques dont on devine qu'ils cherchent surtout à se donner bonne conscience et à redorer leur image plutôt qu'à prétendument conscientiser la population.
Sais pas pour vous, mais moi, de deux maux, je préfère de loin les fausses boules aux faux culs.
Même Grizzly Adams ne saurait être en désaccord avec vous.
J’ai lu quelque part que les implantations mammaires étaient en voie de devenir « the » cadeau de graduation aux USA, pour les filles évidemment. Il y a quelque chose de réconfortant à penser que toutes ces influences néfastes, nous atteignent peut-être moins que nous le pensons.
Avant de commencer à écrire publiquement sur un paquet de conneries, j’ai vécu ce que je pourrais appeler le syndrôme du faux-cul; une période longue et emmerdante où ma vie occulte de scribouillard, avait les teintes d’une arnaque prodigieuse, une vraie biographie de mythomane.
Le plongeon m’a fait réalisé combien le doute peut tuer la spontanéité, mais qu’il faut aussi être capable de se ficher complètement des commentaires des cons…