Minable
On reconnaît les grands hommes dans la défaite. Les petits aussi.
Pour mesurer, c'est facile, la chose est affaire de manières, de politesse, de courtoisie, de fairplay. J'ai presque envie de dire: de savoir-vivre.
On l'avait deviné, le maire en avait assez de ramasser ses dents sur le plancher, déchaussées les unes après les autres à force d'éprouvants uppercuts servis par les médias dans l'histoire du code de Québec.
Il y a eu la révélation de la première invraisemblance à propos de Félix Leclerc, soulevée par Infoman. Puis, en rafales, le contrecoup de la déclaration sur le sadomasochisme des Québécois, les sérieuses réserves de quelques pointures de l'image et du marketing concernant la méthode Rapaille, les doutes polis de la presse locale quand on lui a fait le coup de la psychanalyse-minute, puis l'assaut fatal, porté avec brio par Pierre-André Normandin, du Soleil, qui nous apprenait que Clotaire Rapaille, c'est vraiment n'importe quoi. Et surtout, n'importe qui.
Comme si ce n'était pas assez, lundi matin, il y avait cette chronique d'Yves Boisvert, dans La Presse, proposant que c'est plutôt Labeaume, le fumiste.
La réaction du maire en conférence de presse? D'abord, l'annonce du divorce, amère, puis des presque excuses agacées, mais bienvenues dans les circonstances. Et ç'aurait été fabuleux s'il s'en était tenu à cela.
Mais non. Il a fallu qu'il s'abaisse à la mesquinerie, qu'il s'attaque aux journalistes: à l'une qui "ne représente pas le public, mais une entreprise privée", à l'autre qui fait du journalisme de "colonisés". Et à l'ensemble, qui voulait le "voir saigner".
Petite parenthèse. Entre vous et moi, M. le Maire: qui est le plus colonisé?
La journaliste qui fait appel à un expert de l'image des villes, un Britannique qui a créé le concept de nation branding et qui croit que l'exercice auquel nous nous adonnions est inutile et relève de la plus exquise vanité? Ou alors est-ce un maire et sa cour qui se prosternent devant un ahuri aux airs de gourou, qui se fagote comme un Godard en goguette, se la joue wannabe aristo franchou, et pose en face de châteaux somptueux pour mieux astiquer son image?
Ou peut-être que l'expert interrogé par Isabelle Porter du Devoir fait plus colonisé parce qu'il est britannique, et pas franco-américain comme le vôtre?
Je demande comme ça… Fin de la parenthèse.
C'était clair depuis la parution de l'article du Soleil de samedi, mais la chose se dessinait depuis un moment déjà: l'affaire Rapaille est un échec. Il ne restait plus que la face à sauver, mais même cela, Labeaume en a été incapable. Comme un enfant auquel on vient de retirer son jouet préféré, il s'est braqué, hargneux, et a vicieusement attaqué ceux qu'il adore lorsqu'ils relaient ses nombreux projets, mais qu'il abhorre lorsqu'ils lui mettent le nez dans sa merde.
Savez quoi? Plutôt que de les insulter, Labeaume aurait dû remercier les journalistes dans la salle. On comprend, d'ailleurs, que Normandin du Soleil ait bénéficié d'un rare moment de grâce de la part du maire: son article lui a offert, sur un plateau, une sorte de sauf-conduit.
En révélant les inexactitudes et les inventions dans le CV de Rapaille, la presse a permis à Labeaume de briser honorablement un engagement qui glissait lentement mais sûrement vers le ridicule.
Mais plutôt que de faire acte de contrition, de dire merci, il envoie chier tout le monde. Comme le maître qui, pour récompenser son chien de garde d'avoir fait fuir un voleur, choisirait de lui botter le cul.
J'avoue que je n'en reviens tout simplement pas. J'ai passé la soirée de lundi à pomper l'huile, à me rejouer la séquence captée par RDI, à regarder l'homme rétrécir à l'écran, jusqu'à devenir petit, tout petit, minuscule tandis que dans les médias en ligne comme sur les réseaux sociaux, les épithètes décrivant son comportement prenaient la forme d'un chapelet d'incivilités: odieux, véhément, colérique, agressif…
Tout vrai. Mais moi, je l'ai surtout trouvé ingrat.
Et peut-être un peu minable, aussi.
LA DIGNITÉ – Vous souvenez-vous des artistes pris dans l'imbroglio du concours du parc Louis-Latulippe à Vanier? Il en était question, ici, il y a quelques semaines.
Un concours d'art public court-circuité par le conseil exécutif, des artistes floués, à commencer par celui qui l'a remporté à deux reprises, et auquel le conseil a préféré une autre ouvre, contournant ainsi la décision du jury.
Pour racheter son erreur grossière, la Ville a offert d'acheter les trois ouvres.
La facture? Environ 100 000 $.
Vous pensez que les artistes ont accepté, et empoché l'argent? Même pas. Les trois qui étaient en lice ont refusé de vendre leur ouvre dans des conditions qu'ils considèrent intolérables, permettant à la Ville d'épargner presque l'équivalent de la somme déjà versée à Clotaire Rapaille.
Un magnifique exemple d'intégrité, de décence, et surtout, une leçon de classe. Voilà comment on dit fuck you quand on dispose du minimum requis de dignité.
@journaliste: David Desjardins
Et vlan.
C’est dans les moments où ça bouge qu’on reconnaît les bons éditorialistes.
Merci de dire publiquement ce que l’on raconte en privé.
Le problème c’est qu’il y a sûrement quelqu’un qui l’a porté au pouvoir|
Histoire de sculpture …
Les trois artistes impliqués dans cette affaire donnent à plusieurs, dont aux sceptiques, une grande leçon de professionnalisme, de lucidité et de solidarité.
Chapeau à vous trois ( Drouillard-Mathieu-Pelletier). C’est tout le milieu des arts visuels qui profite et profitera de retombées constructives dans le domaine des relations personnelles et professionnelles.
60 ans de Refus Global pour rien, minable petit artiste, réveille-toi!!!
Ah! Les artistes sont des personnes intègrent! Ah! Ah! Ah! Vous envoyez des dossiers à des villes, des ministères, des organismes, des galeries, des programmes, toujours à genoux devant les jurés… Les artistes sollicitent les journalistes pour avoir un article dans le journal, la revue. Pas de problèmes donne-moi une œuvre. =(
Finalement, toute cette polémique aurait pu permettre à trois œuvres d’enchanter notre regard. Pourquoi un seul gagnant, tant qu’à donner 150 milles à Clotaire Rapaille aussi bien en faire profiter des artistes de Québec. 100 milles aurait été une belle leçon pour la Ville et un vrai geste de solidarité de la part de trois artistes.
Tant que les artistes vont continuer de jouer ce jeu du piédestal, rirons ceux qui divisent les artistes. Il faut montrer que l’on est solidaire, uni. Avons-nous l’air d’une armée en déroute aux genoux saignant? Pour l’heure, les artistes sont la figure de…poupe, c’est normal le bateau recule. Mais un bateau, c’est fait pour avancer et c’est la figure de proue qu’il faut être. Tel est notre lourde tâche, mais nous pourrions avoir des centaines de milliers d’ailiers, à commencer par le journal VOIR.