Mal vieillir
Desjardins

Mal vieillir

L'automne dernier, je suis devenu piéton. Une douleur dans le genou, rien à faire pour l'en chasser, au bout d'une trentaine de minutes à pédaler, elle était à la limite du supportable. J'ai dû ranger mes vélos fin septembre, la mort dans l'âme.

La vitesse quand on roule, qui n'est ni celle de la marche ni celle de l'auto, me préserve de cette mélancolie qui m'habite naturellement et que la marche, elle, exacerbe. Surtout l'automne. Surtout quand Jean-Louis Murat égrène les notes de piano de Mustang dans mes oreilles, suivi de près par l'orgue funéraire de Timber Timbre sur la très appropriée I Get Low.

Parce que je descendais bas, vraiment. Je prenais les magazines cyclistes auxquels je suis abonné et les garrochais au-dessus d'une bibliothèque, refusant même de les ouvrir. J'avais planqué mes bouquins de vélo (Paul Fournel, Foglia) que je feuillette pourtant régulièrement, comme pour faire mouliner mon envie de rouler hors saison. Plus le temps passait, et plus je redoutais que ma situation soit irréversible. Je me voyais devenir prématurément vieux, gros, flasque, et surtout, je craignais que mon cerveau suive pas loin derrière cette déchéance du corps.

Tenez, je ne suis pas le seul à le penser. Ici, en quatrième de couverture d'Autoportrait de l'auteur en coureur de fond d'Haruki Murakami: Corps et esprit sont intrinsèquement liés.

Et là, page 102: Avec le temps, le corps décline inévitablement. Tôt ou tard, il sera perdant et disparaîtra. Lorsque le corps se désintègre, l'esprit s'en va aussi.

Puis, chez Fournel, dans Besoin de vélo: je sais que si un jour je m'enfonce dans la dépression, cela commencera par une panne de cuisses.

Et moi, donc! Vers Noël, ne constatant aucune amélioration de mon état, j'en étais à me dire que je ne pourrais plus jamais rouler. J'étais inconsolable.

Le peu d'espoir qui me restait, je l'ai investi dans la physio et le gym, où je me suis consacré tout l'hiver à conserver la forme et à améliorer ma condition. Une IRM révélerait un ménisque déchiré qui n'est cependant pas la source de mon problème, et un début d'arthrose: mon ennemi.

Il a fallu tout un hiver de travail acharné, d'étirements, de visites chez la physio, chez le chiro et chez le médecin, qui m'a finalement injecté une sorte de K-Y dans le genou, et voilà, je roule à nouveau.

Pouvez pas savoir le bonheur de sortir la bécane la semaine dernière, d'entendre les pédales automatiques cliquer sous mes pieds, de me lever pour pousser un peu et sentir encore cette vitesse recherchée, la sensation du vent au visage.

Mais ma blessure aura laissé quelques stigmates indélébiles. L'amertume ayant accéléré le processus, je suis devenu vieux dans la tête, un peu.

La preuve? Hier, j'étais au parc. Assis plus loin, sur un gros caillou, tandis que ma fille s'amusait. Je feuilletais VeloNews en rêvant d'un Gran Fondo dans les Dolomites quand j'ai entendu les préados qui jouaient elles aussi dans le parc chanter un rap que je ne connais pas.

"J'ai ma dope, j'ai le sexe, j'ai la gloire", qu'elles répétaient en chour.

Hein? De kessé?

Je me suis pris à l'imaginer, la mienne de fille, dans quelques années, obsédée par la musique de protozoaires comme les autres ados, fagotée en mini-pute, sachant bien qu'une enfance bercée par Iron & Wine, Cat Power et les dessins animés de Miyazaki ne préserve en rien d'une adolescence merdique.

Je l'ai prise par la main, nous sommes partis. Viens-t'en bébé, je t'enferme dans la cave. Tu pourras sortir dans une quinzaine d'années.

Peut-être moins si mon genou continue de bien aller.

LES ÉBOUEURS – Je ne pensais jamais que ce jour arriverait, mais je suis d'accord avec Marc Simoneau. Pour vrai.

Ce matin, je l'ai entendu dire qu'il a lu l'article d'Isabelle Porter à l'origine de la "querelle" qui l'oppose à Labeaume, et qu'il n'y trouvait pas matière à poursuite.

Ben kin.

C'est la faute de la journaliste, peut-être, si des gens à l'emploi de firmes d'ingénieurs liées au scandale des compteurs d'eau à Montréal comptaient parmi les donateurs au parti du maire? Ai-je bien compris, Monsieur Labeaume, que cette même journaliste n'aurait pas dû publier la nouvelle sous prétexte que son père est votre ami?

Coudonc, c'est Québec ou Kaboul ici?

Je connais Isabelle Porter depuis plusieurs années. Nous nous sommes côtoyés lorsqu'elle écrivait à Impact Campus et que j'animais à CHYZ. Elle a écrit ici, chez Voir, et depuis, de temps en temps, on se parle un peu. Nous ne sommes pas vraiment amis, mais je la connais assez pour vous assurer que c'est une journaliste, une vraie. Pas un clown, comme moi, mais une véritable investigatrice qui vérifie et contre-vérifie ses informations, cherche la nouvelle, fouille dans la schnoutte des autres pour y trouver quelques parcelles de vérité. Elle compte parmi ceux et celles dont je ne doute pas qu'ils exercent le métier avec une indéfectible rigueur. Bref, d'après moi, cette fille est un modèle du genre.

Mais bon, qui s'en soucie vraiment? C'est bien connu, de nos jours, si quelque chose ne va pas, c'est la faute des journalistes.

C'est aussi le cas pour l'image de l'Église, harcelée par les médias qui sont en train de causer sa perte, s'il faut en croire le cardinal Ouellet qui s'en plaignait en chaire en ce dimanche pascal.

Vous n'ignorez sans doute pas que la profession figure parmi les moins appréciées par la population, sondages à l'appui. En fait, une des rares manières pour un journaliste de descendre plus bas dans l'opinion publique, c'est de se lancer en politique.

Ce qui n'est pas une raison pour nous faire porter l'odieux de toutes les horreurs du monde.

À ce que je sache, nous n'avons pas engagé Clotaire Rapaille ni tenu la braguette des prêtres pédophiles de par le monde. Nous avons bien des défauts, je suis le premier à les souligner, mais vous mélangez tout, chers maire et prélat.

Ici, vos vidanges, et là, ceux qui les ramassent.