Progrès et mauvaise haleine (mode d’emploi)
Excusez le retard, je sais, il va probablement neiger cette semaine, et il ne restera bientôt plus que quelques mongols – dont je fus jadis – pour rouler à vélo en ville.
Mais pour une fois que, d'un seul coup, je suis d'accord avec la conseillère indépendante Anne Guérette et avec mes ti-namis de la radio hurlée, et donc pas d'accord avec plusieurs de mes coreligionnaires cyclistes, ça se souligne, même avec un peu de décalage.
Le dossier qui nous occupe? Celui de la voie cyclable reliant l'université au centre-ville, principalement son tronçon entre Belvédère et Turnbull. D'un côté, à la Ville, de concert avec Accès transports viables, on défend jusqu'à maintenant l'idée d'un accès direct, par René-Lévesque, faisant de cette artère celle du transport alternatif (ce qu'elle est déjà, en quelque sorte, puisque les trajets de Métrobus s'y trouvent).
Dans le camp adverse, les automobilistes et les commerçants des alentours capotent un peu de voir des espaces de stationnement et une voie pour les voitures disparaître au profit des vélos qui prendraient le milieu de la chaussée, point de vue défendu par les gueulards de la bande FM et par Anne Guérette qui, elle, proposait l'autre jour de faire passer la piste par Grande Allée, ce qui, en théorie, paraît une très bonne idée.
Cela dit, piste cyclable ou pas, si j'ai bien compris le plan, les stationnements compromis sur René-Lévesque vont sauter pareil pour faire de la place aux autobus. Et voilà les cyclistes un peu démonisés, encore, alors que c'est même pas leur faute, bon.
Anyway, comme je vous le disais, j'aime bien l'idée d'Anne Guérette de construire la piste sur Grande Allée, ç'eut été beau et agréable de rouler au centre de cette route pour entrer en ville, tout contre les arbres. Mais ça n'arrivera pas, pour toutes sortes de raisons techniques qui vont envoyer cette fameuse artère du vélo sur Père-Marquette.
Ce qui est, contrairement à ce que prétendent la plupart des porte-voix du vélo de ville, le meilleur choix. À condition de changer quelques trucs, dont la signalisation qui devrait favoriser un trafic fluide sur l'axe est-ouest et donc restreindre le passage des voitures dans l'autre axe.
Autre raison pour laquelle il s'agit là du meilleur tracé? Le vivre-ensemble.
Les urbains, dont je suis, sont peut-être prêts depuis longtemps pour le virage vélo-marche-autobus. Les autres le sont pas mal moins, et je nourris l'intime conviction que ce n'est pas en les faisant royalement chier qu'on améliorera la situation sur la route qui, déjà, dégénère.
La piste cyclable permettra ainsi aux cyclistes de prendre le même type de parcours qu'emprunte généralement le progrès dont ils se veulent les défenseurs: celui de la marge et des détours.
LE MÉPRIS INC. – J'écoutais les gars de CHOI parler de football lundi matin, puis je suis resté à l'antenne tandis qu'ils commentaient une nouvelle du Journal de Québec concernant la liste des organismes culturels qui reçoivent des dons d'Hydro-Québec.
Pas trop de surprise, au bout de deux secondes, on assistait au procès de la culture subventionnée.
Bon, que l'Orchestre symphonique de Longueuil bénéficie de ce genre de subventions gouvernementales déguisées, ça se discute. Je veux dire qu'on peut toujours se demander si, oui ou non, c'est le rôle d'une société d'État de financer un orchestre de troisième zone.
Le problème, c'est que ceux qui sont contre ne peuvent généralement pas s'empêcher de déraper pour épater la galerie. Parce que c'est plus facile de salir que d'argumenter, et ça fait un meilleur spectacle.
I Musici, ça fait-tu assez péteux, s'est exclamé l'un à propos de l'orchestre montréalais dont il entendait visiblement le nom pour la première fois. Si je me trouve un nom prétentieux moi aussi, penses-tu que je peux me faire financer pour les concerts que je donne avec mon jeu de Rock Band, d'ajouter l'autre…
C'est ainsi, chers amis, qu'un débat parfaitement légitime sombre lamentablement dans le mépris. Pire, dans la célébration de l'ignorance.
Je comprends, les gars, que c'est votre fonds de commerce de dire aux gens: c'est correct si vous n'aimez pas cette culture-là, c'est un truc de snobs, c'est pas pour vous anyway, c'est pas pour le monde normal, c'est pour une clique. Pis la télé d'ici aussi, pis nos chanteurs aussi, pis nos films tant qu'à faire: c'est pas pour nous ça non plus.
Je sais, les boys, c'est votre manière de pogner. En divisant pour régner, en perpétuant la haine de ce qui est différent. Bouchard a copié votre truc et fait pareil à l'autre poste en polarisant le vrai monde (qui boit du café du Tim et aime son char d'amour) et le pas vrai (celui qui vit en ville et boit des espressos en levant le p'tit doigt en l'air).
Ok, c'est du marketing, c'est de la clientèle-cible, c'est une business. Mais je vais quand même vous dire une affaire, au cas où vous seriez un peu trop souvent sur le pilote automatique pour vous en rendre compte.
Tsé, le mépris que vous dénoncez tout le temps, celui des gauchistes envers la droite par exemple, ou celui du milieu de la culture qui profite supposément du peuple pour se financer? Eh ben c'est le même mépris que celui avec lequel vous beurrez vos toasts tous les matins, en vous régalant, chantant ensuite les louanges de la vertu et de l'éthique d'un côté de la bouche tandis que de l'autre, vous vendez n'importe quoi à vos auditeurs, avec la subtilité d'un vendeur de tondeuses usagées, du moment que l'annonceur paye le gros prix.
Vous pourriez être utiles. Vous pourriez vraiment faire avancer les choses et alimenter le débat, à condition de faire preuve d'un peu d'imagination, d'un peu d'intégrité. En attendant, vous pouvez toujours dénoncer à pleins poumons la mauvaise haleine des autres, ça ne vous empêchera pas de puer de la gueule vous aussi.
Umne chronique pleine de bon sens à mon avis, en ce qui concerne LE MÉPRIS.
Je sais, pour avoir étudié en musique classique, que les gens qui choisissent ce métier (des milliers d’heures de pratique avec ses hauts et ses bas, en prenant le risque de ne pas « percer », de ne pas avoir de quoi payer les factures, en sachant que la majorité des gens ici ne considèrent pas la musique comme un vrai domaine d’études, comme un vrai métier) le font plus par passion que pour la renommée ou l’argent…surtout ici au Québec.
C’est tellement faux que la musique classique est prétentieuse. C’est une tradition qui est, à mon avis, en passe de se perdre chez nous et cela est vraiment dommage.
Ces sont des amis sur Facebook qui, à première vue, ont aimé votre billet. Je me dis que ça vaut probablement la peine que j’y fasse une courte lecture. Et, quelle joie, on semble y parler du vélo en ville, sujet qui m’interpelle. Puis, rien. Simplement un discours prévisible et endormant de « l’éditorialiste qui se fait l’avocat du diable à tous » (et donc, sans effet). C’est ce que certain appel « le bon sens », puisque ça fait de mal à personne. Moi, je trouve plutôt que c’est de l’effacement. Je ne dis pas qu’il faut nécessairement que ça saigne. Je crois par contre que d’avoir pris le temps de distinguer les débats, puis les opposants, l’idéal n’est pas de prendre la troisième position, celle de l’autorité parentale qui n’est pas intégrée directement dans la chicane, mais qui, par son poste, se doit d’être neutre, et de donner des nananes aux deux acteurs de cette chicane, afin de calmer ceux-ci tout en prenant le mérite de ne pas avoir participé et d’avoir tout-de-même donné équitablement aux deux opposants. C’est le gros bon sens, mais ça n’avance rien.
L’autre truc
Pourquoi Père-Marquette n’est pas le meilleur tracé ? Vous l’avez insinuée : à cause de la haute fréquence des croisés des axes de circulations. Simplement. Pourquoi René-Levesque n’a pas été choisi ? J’avance l’hypothèse que c’est en raison de la complexité du projet offert, celui de la voie centrale avec futur espace tramway, etc. Mais au fait, faites le trajet, disons, Grand-théâtre/Université Laval via Père-Marquette. C’est court. Probablement que près de la moitié du trajet sera de toute manière fait sur René-Levesque. Prenez votre voiture, roulez sur René-Levesque, à partir de la première rue qui suit le croisement avec la rue Cartier, jusqu’à l’Université Laval, et jetez un coup d’oeil à votre droite. Qu’y a-t-il ? Un long stationnement. Notons que, entre Anapharme et l’Institut Saint-Joseph, les habitations qui bordent le boulevard sont majoritairement des maisons avec entrées. Vous êtes d’accord qu’il n’est pas nécessaire d’y laisser un espace stationnement (à moins qu’il soit nécessaire d’avoir deux ou trois voitures) ? Pour les autres, les appartements, toutes les rues perpendiculaires et parallèles offrent déjà des espaces pour les locataires de ce secteur. D’avoir sa voiture garée devant notre porte est franchement un luxe, dont il est facile de se privé, non ? Et là, si vous me suivez, vous devriez voir apparaître une bricole fort simple qui rend une majorité de gens heureux : un joli boulevard à quatre voies, partagé par les automobilistes, les autobus, les taxis et les cyclistes, et en ajout, au surplus, davantage de sécurité pour tous et moins de friction, étant donné que tous roulent dans leur voie et n’ont pas à se croiser à tous les 20 mètres (comme sur Père-Marquette). Si tasser les gens qui circulent en vélo sur le pire tracé, c’est le « Vivre Ensemble », alors comment appeler un projet simple où l' »Ensemble » cohabiterait davantage, tout en circulant confortablement ?
Être mongol
En terme économiste, les coûts de renonciation de faire du vélo sont, pour un étudiant
• 49,05$ (tarifs étudiant RTC) + 14,18$ (abonnement 1 mois étudiant PEPS) de plus dans mes poches par mois.
• Une sorte de perte de capital symbolique pour un certain groupe d’individus non représentatifs de mes valeurs.
• Une économie de temps (temps alloué à « faire du Cardio » + temps de transport).
• Être moins beau quand j’arrive à l’université (botes de pluie, plus de doublures, pantalons de pluie, etc.).
• Moins de production de gaz à effet de serre (je sais qu’on est écoeuré de cet argument, mais il est là).
• Actuellement, risquer légèrement sa vie.
• L’indépendance aux horaires d’autobus.
• Ne pas être pris dans le trafic.
• D’autres dans la même ligné que les points 2 et 4.
Disons sommairement qu’il n’y a que le sixième point qui puisse vous permettre de traiter les gens qui font du vélo ces temps-ci de « mongols ». Considérant que les points 2 et 4 ne m’importes peu, les gains du vélo dépassent de loin ceux de l’autre possibilité, dans mon cas l’autobus. Alors, je serais « mongol » à cause de ça ? Je crois, que le réel remède à la « mongolité » n’est pas de le pointer et le pousser, mais plutôt à lui trouver un espace à travers ceux qu’on croit « normaux » à cause de leur majorité (historique récente). Mais, avant tout, avant de faire « normal » un « mongol », il faut d’abord savoir qui il est.
Et quelle est la part des automobilistes dans votre «vivre ensemble», particulièrement les 80% qui voyagent seuls dans leur véhicule? L’argument pour une piste cyclable, c’est la sécurité et la tranquilité d’esprit. Que se passera-t-il quand le climat ne sera pas clément et que la piste sera un détour pour le cycliste qui n’est pas protégé des intempéries, ou qu’il sera simplement pressé? Il ira droit à son but et sa sécurité sera compromise alors que ceux qui sont bien à l’abri… Le boulevard Champlain, la Grande Allée, le chemin Sainte-Foy, la boulevard Charest, autant de possibilités pour les automobilistes qui circulent est ouest. Les cyclistes eux, ne demandent qu’une voie, sécurtaire et directe. N’est-ce pas cela le compromis acceptable pour vivre ensemble?
Un autre mongol.