Le monde est parfois d'une affligeante tristesse, mais il est aussi une inépuisable source d'amusement, et donc un objet de fascination sans cesse renouvelable pour quiconque le scrute avec un minimum d'attention et d'humour.
Observation no 54 692: les gens ne se reconnaissent pas toujours lorsqu'on se moque d'eux.
Vous voulez un exemple?
Début janvier, dans l'entrée de mon gym, je discute avec une amie du secondaire qui fréquente elle aussi l'endroit. Immédiatement, il est question de la vidéo virale qui rebondit depuis quelques jours sur les réseaux sociaux et que j'ai moi-même publiée sur ma page Facebook (c'est pour ça qu'elle m'en parle), soit la publicité du Privilège Gym, à Beauport.
Comment une pub de salle d'entraînement devient-elle la saveur du jour? En flirtant avec le sublime, ai-je envie de dire, puisqu'il s'agit d'un bijou d'autodérision où sont brillamment déclinés tous les clichés sur ces endroits où se côtoient toutes les duretés et toutes les mollesses. C'est drôle, c'est chien, c'est hyper caustique, on y croise des "chicks" fringuées comme si elles étaient les figurantes d'un remake de Flashdance, des gars qui font semblant de s'entraîner et passent tout leur temps à jaser, sans oublier l'accro aux boissons protéinées et l'éventail complet des molosses musculeux.
Bref, ça ressemble à tous les gyms du monde, mais pour une fois, en voilà un qui s'assume, qui ose rire de sa clientèle. J'en suis à avouer bien candidement à cette amie que j'ai regardé la pub en question au moins huit fois la veille en me pissant dessus quand un grand jack derrière elle nous interrompt:
– Vous parlez de la pub du Privilège Gym?
– Euh, oui.
– C'est malade, hein? Trop bon.
– Ah, pour ça…
Et le gars se tourne pour en parler à ses amis qui, comme lui, ont apparemment adoré la pub… même s'ils semblent eux-mêmes tout droit sortis de cette parodie tellement proche du réel qu'elle relève bien plus du calque que de la caricature.
Ce que notre ami et ses potes ne paraissent pas avoir compris.
Les voilà, tous autant qu'ils sont, riant de blagues de douchebags, ce sous-genre de l'espèce humaine s'apparentant au participant moyen d'Occupation double dont ils pourraient se vanter d'être de dignes représentants, ce qu'ils semblent ignorer là encore. Remarquez, c'est la même chose avec les hipsters qui se moquent des hipsters, sans parler des chroniqueurs qui font de leur espace rédactionnel un recueil de tranches de vie et qui déconnent à propos des chroniqueurs qui font de leur espace rédactionnel un recueil de tranches de vie.
Cela dit, je m'interroge. Soit cette pub est véritablement géniale, à tel point que même ceux qu'elle ridiculise ont le sentiment qu'on rit avec eux, et non pas d'eux, ou alors ces gars-là sont juste trop totons pour se reconnaître quand on leur tend un miroir.
Dans les deux cas, je trouve ça vraiment très drôle. Et en même temps, vaguement désespérant.
PIERRE EST LE LOUP – Je vous sens déjà tout fébriles à l'idée de clencher vos payes pour un match des Coyotes de Québec à l'amphithéâtre Quebecor. Quant à moi, ayant commis un pari stupide avec mon collègue et ami Gariépy alors que nous nous étions copieusement imbibés, je redoute le retour d'une équipe de hockey qui me forcera à honorer mon engagement de courir à poil sur la Grande Allée si jamais Gary Bettman pile sur son ego.
On est encore loin de la bite aux lèvres, comme dirait Ange-Aimée Trente-Sous. Reste qu'à chaque annonce, vous frétillez justement comme des puceaux qu'on amènerait au bordel. Chaque fois, c'est comme si c'était fait. Vous êtes tous là à danser au son des lendemains qui chantent. C'est presque émouvant.
J'ai pensé à vous, donc, en lisant le superbe portrait de Marcel Aubut qu'a écrit Danielle Stanton dans le Sélection du Reader's Digest. On en termine la lecture avec deux convictions: d'abord qu'on a rarement vu quiconque vouer un tel culte à sa propre personne. C'est bien simple, si Marcel Aubut n'existait pas, il s'inventerait lui-même. L'autre chose, c'est qu'à la fin, on est à peu près sûr d'un truc: le type s'aime à un point tel qu'il n'aura même pas saisi l'ironie dans laquelle la journaliste fait baigner la finale de son texte. Aubut y dit qu'il croit à la vie après la mort, que ça ne peut pas se terminer ainsi, ce serait trop bête, puis il conclut en lançant que s'il ne doit y en avoir qu'un qui sera sauvé, ce sera lui. On le devine plutôt satisfait de sa réponse, qu'il considère sans doute savoureusement autodérisoire, alors qu'elle trahit surtout une extraordinaire vanité. Bref, ça a toutes les apparences d'une joke qui n'en est pas une. Et ça pue un peu.
Mais rendons à maître Aubut ce qui lui revient: c'est un excellent homme d'affaires. Sa décision de se débarrasser des Nordiques dans le contexte de l'époque était probablement la meilleure chose à faire… pour lui-même.
Je vous dis cela simplement parce que les qualités d'affaires qu'on remarque chez Aubut, ce sont aussi celles qu'on dénote chez PKP. Volonté d'être le meilleur, sans peur de déplaire pour parvenir à ses fins, adversaire coriace…
Aussi, peut-être que c'est moi qui suis un peu tordu, mais j'ai comme l'impression qu'on est en train de demander au loup de financer en partie la construction de la bergerie.
M. Desjardins,
Je suis un lecteur de votre chronique depuis un bon bout de temps déjà. J’apprécie votre chronique pour plusieurs raisons. D’abord pour les sujets qui subjectivement me semble à propos et près de ma réalité quotidienne. Ensuite pour la manière dont vous écrivez (qu’attendez-vous pour écrire un livre!) plein de vie, de coeur tel un adolescent ouvert d’esprit qui dénonce ce qu’il a à dénoncer sans se soucier du lendemain.
Comme beaucoup de citoyens du Québec, je ne lis que certaines actualités, de faits, je ne possède pas de téléviseur et je n’écoute que rarement la radio. Je laisse de côté le monde artistique québécois qui semble graviter autour d’un univers qui possède des valeurs que je ne partage définitivement pas. Cependant, surfant sur le web, je n’ai pas pu passer à côté des video de douchebargs et autres.
Aussi me suis-je questionner sur cette émotion que vous fait vivre les douchebags et autres humains qui cultivent leurs corps avec assiduité et ferveur comme certains cultivent leurs esprits? J’irais même jusqu’à dire que, dans votre chronique, vous avez tomber dans des émotions qui s’apparentent à la haine ou au dégoût. En leur faisant une insulte commune : Sous genre de l’espèce humaine … vraiment? Que nous vaut cet excès de votre part. La Vague conservatrice serait-elle à vous gagner et de rabaisser les différences dans notre société.
J’ai quand même pensé à ceci.
Certaines personnes pourrait peut-être classer ces phénomènes parmi une classe de problèmes de santé mentale au même titre que l’anorexie, la boulimie.
Ainsi qui sommes-nous pour juger les boulimiques de sous-genre de l’espèces humaines? Pourquoi les douchebags ferait-ils exception. Il serait plus juste de proposer d’ajouter ces comportements au DSM V ou du moins d’en faire l’analyse afin de leur venir en aide si besoin est…
Amicalement
Sébastien Audet
Pardon pour les erreurs d’orthographe.
Dans ces personnes qui ne reconnaissent pas leur reflet, déformé ou non :
J’ai été voir le documentaire Falardeau de German Gutierrez et Carmen Garcia dernièrement. Un bout de scène nous faisait connaître un nouvel exemple de ce que vous avez abordé cette semaine. L’on discutait de la sortie d’Elvis Gratton. D’abord, quelques plans marquants du film. Puis, nouveau plan : Jean-René Dufort affirme en entrevue qu’en chaque Québécois se cache, plus ou moins profondément, un petit Elvis Gratton. Enfin, plan suivant : Céline, accompagné de René (on n’a même plus besoin de donner leurs noms de famille) sont interviewés. Elle raconte qu’Elvis Gratton est un de ses films préféré, qu’elle se marre, se bidonne, se tord en le voyant. Et elle continue : « Je pense que je connais des gens comme ça… » La diva s’étonne qu’une caricature de ce genre puisse prendre forme vivante, ici, tout près… Mais on a l’impression (pour s’en assurer, il faudrait voir l’entrevue au complet) que jamais elle ne croirait être ou du moins représenter, un peu, sinon beaucoup, ce que ridiculise le film de Falardeau. Une de nos plus grandes Elvis Gratton nationales se demandant si elle ne connaîtrait pas « des gens comme ça »… c’est très drôle et vaguement désespérant, comme vous dites.