J'ai laissé Québec fébrile, et à peine quelques jours plus tard, je l'ai retrouvée complètement folle. La voilà qui délire, qui s'ébroue, qui rue. Québec est une jument éperonnée qui cavale, c'est une furie cravachée par Régis et PKP.
Je savais déjà ma ville malade de nostalgie. Dingue de hockey. Ivre du désir de pouvoir à nouveau crier "Go Nordiques go". La voilà désormais soumise à sa convoitise, prostrée, son horizon barré d'un gros N au dos rond, d'un bâton et d'une rondelle rouges sur fond blanc et bleu, sa vue en partie bouchée par des oillères qui l'empêchent de voir ce qui se trame en marge de sa course vers le bonheur sur glace.
Devant: on tasse tout. Derrière: on s'en fout. Jamais vu autant de monde bander aussi fort en même temps pour la même chose.
Québec n'est pas une jument. C'est un étalon. Son érection est la mesure du bonheur collectif.
Ne cherchez donc pas quoi que ce soit d'autre dans l'actualité que l'objet de son plaisir. Vous ne trouverez rien. L'espace médiatique a été soufflé par l'amphithéâtre et son club de hockey qui ne relève pourtant, pour l'instant, que du fantasme.
Au Soleil, il ne se passe plus deux jours sans que le sujet fasse la couverture. Au Journal de Québec, les cadres/chroniqueurs/chantres de l'anti-étatisme et du redressement des finances publiques trouvent le moyen d'appuyer l'investissement du gouvernement du Québec. On se souviendra longtemps de l'expression employée par J.-Jacques Samson l'automne dernier afin de paver la voie: "C'est la maison du peuple."
Et le peuple est content: il l'aura sa maison. Peu importe ce qu'il lui en coûtera. Peu importe les conditions. Peu importe ses moyens. Il sera enfin chez lui. Ou enfin, disons qu'en échange de ses maigres économies, il sera toujours le bienvenu chez Pierre-Karl.
Mais revenons aux médias. En particulier à la radio, dont on dit bien des choses, mais dont on analyse rarement comment les prises de position des animateurs et leurs initiatives relèvent bien plus de l'opportunisme que de véritables convictions.
Dans le genre, la bande de Sylvain Bouchard au 93 excelle. La marche des cols rouges, c'étaient eux. L'expression est une création de la maison, l'animateur la sert à toutes les sauces: elle représente le "vrai monde" qui ne va pas au théâtre, ne sort pas dans les restos branchous du quartier Saint-Roch ni, pour reprendre la description de la scène culturelle par un auditeur la semaine dernière, dans "toutes les autres affaires de marde de même". Bouchard l'utilise autant pour interpeller son auditoire que pour mousser ses promos. Elle ne désigne pas autant une classe de citoyens qu'une catégorie de consommateurs.
Dans le sillage de l'enthousiasme de l'animateur, ces mêmes cols rouges qui ont manifesté contre le gouvernement de Jean Charest parce qu'il était trop dépensier appuient désormais le financement public d'un amphithéâtre par ce même gouvernement et par la Ville.
De kessé?
"Parce que pour une fois, c'est pour nous autres", disent-ils. Ah ben coudonc.
Et comme ce qui est bon pour pitou ne l'est pas nécessairement pour minou, un type comme Bouchard parvient à chanter les louanges de Régis et PKP, à conspuer les défenseurs d'un référendum concernant la part de la Ville dans le montage financier, puis, cinq minutes tard, il cuisine la conseillère Julie Lemieux pendant 20 minutes parce qu'elle dépensera 5000 précieux dollars du trésor public pour visiter des bibliothèques en France. Fidèle à son fétide personnage qui vomit la culture, il trouvera le moyen d'étaler sa sombre ignorance et des clichés éculés en évoquant "le voyage sur le bras", "le vin et les fromages", etc.*
En un instant, il passe de la défense d'un investissement de centaines de millions pour le Colisée à l'assassinat d'un voyage de 5000 $ pour une culture qui est pourtant celle du vrai monde, puisque les usagers des bibliothèques ne sont pas exactement ce qu'on peut désigner comme une élite.
En psychiatrie, on dirait de Bouchard qu'il souffre de schizophrénie. En affaires, on parle d'opportunisme de bas étage. Ou de clientélisme.
Du côté de CHOI, la station doit sans aucun doute sa remontée dans les derniers sondages à la fondation de la Nordiques Nation. But officiel de l'entreprise: éveiller la LNH à la présence de fanatiques de hockey à Québec. La méthode: sillonner les routes du nord-est de l'Amérique avec des autobus paquetés d'auditeurs qui s'arrêtent dans les arénas les soirs de match afin de faire voir quelques vagues bleues dans la foule.
Dans quelques jours, ils seront plus de 1000 à prendre le bus pour assister au match Devils-Bruins au New Jersey.
But officieux de la chose: cruiser les habitants d'une ville aux prises avec la folie collective du hockey.
Aussi, le matin à CHOI, la Nordiques Nation a pris presque toute la place. Le reste de l'info est expédiée rapido, reléguée au statut de figurante, laissant le plus de temps de glace possible à l'amphithéâtre, à Régis, et maintenant à PKP que les animateurs vomissaient jusqu'à tout récemment, mais qui débarque désormais chez eux comme le messie.
Alléluia, les Nordiques reviennent. Tout le monde est pardonné pour ses péchés.
Inutile d'attendre une candidature pour les Jeux olympiques, nos médias offrent un spectacle au moins aussi réjouissant. Leurs contorsions sont spectaculaires, leurs revirements idéologiques tout aussi saisissants que les prouesses de skieurs acrobatiques.
Car il est fini, le temps de la baboune et du chialage comme marque de commerce. Terminée, l'idée des médias comme chiens de garde de la population.
Nos cheerleaders mènent désormais l'attaque contre les empêcheurs de tourner en rond en zone neutre: autrefois emmerdeurs, les porte-parole favoris du vrai monde ont compris que leur salut dépend maintenant d'un appui inconditionnel au retour des Nordiques.
Leurs quelques réserves sont accessoires.
Ils savent qu'il en est fini des cols rouges et des X. Tous ont joint les rangs du même grand club optimiste.
Après la pause, tout le monde verse une larme tellement c'est beau. Pis le but d'Alain Côté était bon.
* Pour écouter ce moment de radio à ranger au rayon des morceaux d'anthologie de la mauvaise foi médiatique, téléchargez le podcast de l'émission du vendredi 4 mars, de 8h à 8h30.
Y’a pas à dire; au Québec on ne peut intellectualiser le hockey, mais on peut cracher sur la culture et les intellos par simple jalousie ou par manque de moyens.
Je me demande bien ce qu’on a à gagner d’avoir des colisées et des arénas et des clubs de hockey, alors que tout ce qui entoure ce sport est fric, commotions cérébrales et enrichissement pour les proprios. Le hockey connait une dénaturation cyclique. À chaque dix ou quinze ans, des évènements disgracieux viennent ternir l’image de l’un des plus beaux sport de stratégie, évidemment s’il n’y avait pas de contact où si la mise en échec y était illégale. Quand j’entends dire que sans violence, ni bagarre, ni échauffourrée, le nombres d’adeptes et de billets de saisons diminueraient, je dois dire qu’il est plutôt facile de saisir le profil de l’utilisateur.(?)
Ce sport n’a plus vraiment la cote et si on pense que le badminton est l’activité qui correspond à une des plus grandes dépenses énergétique (quand on se donne autant qu’au hockey), peut-être devrions-nous en faire notre sport national et continuer à le regarder comme de moumounes dans nos salons…
Aussi triste que ça peut être, il faut se rendre compte que tout ce que décrit David Desjardins dans ses chroniques et surtout dans celle-çi, ne sont que les symptomes d’un début d’une décadence de la civilisation occidentale. Vous vous souvenez des cours d’histoire de l’antiquité et de la fin de la grande civilisation romaine. Quand le bon peuple ne réclamait que du pain et des jeux, et que l’État, pour empêcher qu’il se fâche et se soulève, s’organisait pour le satisfaire.
Je me souviens d’une blague qui émanait de ces cours d’histoires de cette époque: Lions 6, Chrétiens 0. À part ça, il y avait dans le fameux colisé de Rome les joutes mortelles des gladiateurs. Quelques fois, les joueurs de Hockey me rappelent ces gladiateurs.
D’ailleurs, qu’est-ce qui fait courrir les foules en ces jours de décadences: des jeux qui sont semble-t-il, devenus des sports: football américain, baseball, basketball, hockey. course de chars (Nascar). Nos voisins amirequins ont une certaine avance sur tous les autres cultures, mais leur décadence nous entraîne avec elle.
Oui, ça donne la nausée. Car le sport ne supporte aucune idéologie sinon celle de gagner. C’est simple, très simple, très très très simple ! Pas étonnant qu’autant de gens le défend et autant de rapaces en profitent. L’idée du sport est issue de la guerre. Dans la Grèce antique, on décrétait une trêve pour permettre aux soldats de tenir les olympiques. D’ailleurs, les premières disciplines de l’athlétisme était inspirées des activités de la guerre. Les jeux terminés, les soldats s’en retournaient s’entretuer sur les champs de bataille. C’est simple ! La logique étant de gagner au jeu comme à la guerre.
C’est tellement dénué de conviction idéologique, le sport, que les athlètes peuvent se cocarder de n’importe quelle publicité en autant que ça paye. Players, Molson, Loto-Québec, PKK, PKP ; tous ce qui peut garder en état de béatitude admirative les badauds de gradin.
Le voyage en France de la conseillère Julie Lemieux a pour but (…) d’aider (les bibliothèques) de Québec «à prendre le virage de la modernité» (Isabelle Mathieu, Le Soleil 3 mars 2011).
Assez vague, comme projet. Les bibliothèques en France ont fait ce virage et elles permettent la consultation du dossier de l’usager et du catalogue par internet, la possibilité de réserver des volumes via l’internet, le prêt entre bibliothèques différentes, la communication des retards grâce à un courriel etc. Curieusement, TOUS ces services sont déjà en place dans le réseau des bibliothèques de la Ville de Québec.
Alors, désolé M. Desjardins, mais j’ai moi aussi écouté Bouchard en parler et mes conclusions sont différentes aux vôtres. Il ne s’agissait pas d’une attaque d’un barbare contre la culture, mais du questionnement d’un citoyen par rapport à l’utilisation des fonds publics. Vous présentez de l’information de manière biaisée et incomplète. Ça s’appelle voir la paille dans l’œil du voisin et ne pas voir la poutre dans le sien