Pourquoi les hommes désertent-ils l'enseignement?
Je suis un peu en retard sur la question, mais peut-être en avance sur la réponse. J'entends par là que le lien que je m'apprête à faire se tourne vers l'avenir, quelque part entre l'assurance de la tradition et l'intranquillité de la spéculation. Bref, je fabrique de l'idéal.
En fait, c'est le débat sur l'évaluation de la profession qui me ramène sur ce sujet, puisque j'ai trouvé dans cette éventualité ce que j'espère le début d'une réponse.
Alors, pourquoi les hommes ne veulent plus être profs? Au-delà du fric, l'érosion du prestige de la profession a beaucoup à y voir.
C'est triste, mais demandez à n'importe quel prof: le respect du maître s'est à ce point détérioré que l'aiguille pointe désormais à l'autre bout du cadran, du côté de ce qui s'apparente parfois au plus pur mépris.
Surtout venant des parents. Surtout quand ceux-ci, c'est malheureusement souvent le cas, couvent leurs petits trésors avec ce mélange de culpabilité et d'inconscience qui rend aveugle, voire con.
Les histoires d'horreur profs-parents, vous pourriez en faire un recueil sans fin. Professeurs qu'on agonit d'insultes, qu'on rend responsables de tous les échecs, qu'on menace: au-delà du financement et des programmes à gogo, les parents sont en voie de devenir le plus important frein à l'éducation de leurs enfants.
Parce que l'éducation est affaire de symbiose, d'équipe, parents et profs poussant du même bord pour encourager, pour aider, et parfois aussi pour botter des culs.
Si le lien de confiance est rompu, alors plus rien n'a de sens. Les profs doivent renoncer à leur autorité, et les directeurs d'école, qui cèdent au clientélisme de peur de perdre des élèves au profit du privé, vont jusqu'à négocier avec des parents dont le comportement frôle parfois l'hystérie. Quand il ne s'agit pas carrément de délire.
Dans ce contexte, qui veut encore devenir prof? Des gens qui aiment profondément les enfants, qui ne font pas ce job pour les proverbiaux congés d'été, mais par amour du métier.
On n'attire donc pas nécessairement les plus compétents, les plus allumés dans la profession. Mais sans doute les plus dévoués.
Voilà peut-être ce qui explique la souplesse dont on fait preuve à leur embauche, mais aussi le refus du syndicat d'accepter cette suggestion d'évaluer les profs.
Il me semble pourtant que toute l'idée d'un changement de climat passe justement par cette évaluation. Et pas seulement parce qu'elle permettrait de mesurer les compétences et de combler les lacunes, mais parce que cette vérification donnerait aux profs la validité dont ils ont besoin afin de faire taire leurs détracteurs.
Je ne comprends pas votre braquage devant cette proposition, amis enseignants, quand ce mécanisme pourrait vous prémunir du pire, redorer votre blason, et ainsi vous redonner la position qui vous revient.
Acceptez l'évaluation, mais négociez-en les conditions.
Les choses seraient alors simples, limpides. Vous êtes un bon prof? Votre autorité ne doit donc plus être remise en question à chaque échec d'un élève. Si un parent furibond débarque, tout le système devrait vous soutenir (à commencer par la direction), vous appuyer, insister sur votre valeur.
Toute l'idée de reconnaissance passe par cette notion, par le respect qui l'accompagne.
Cela ne convaincra peut-être pas des brassées d'hommes de rejoindre vos rangs, mais cela évitera au moins de décourager ceux qui sont tentés de le faire.
Devant l'ampleur de la connerie à affronter (et là, je parle de celle des parents, pas des enfants), c'est déjà beaucoup.
L'INCIVILITÉ – J'ai commencé à rouler dehors malgré le froid, et déjà, les accrochages avec les autos se multiplient. Un klaxon ici pour te faire sursauter, un autre là pour te dire: tasse-toi du chemin, ducon. Je réponds désormais en envoyant des baisers soufflés. C'est bien plus drôle que de leur faire un doigt d'honneur qui, contrairement au geste absurde, ne me fait pas encore rire cinq minutes plus tard.
Mais il y a des fois où on nage dans une telle idiotie que même l'humour n'a plus prise. Florence raconte:
"Dimanche dernier, je roulais seule dans un rang à Saint-Jean-Chrysostome. Une Civic est apparue en sens inverse, roulant à vive allure. Le conducteur, un jeune homme, s'est permis de me lancer une bouteille de bière en verre! La voiture filait à environ 90 km/h, j'allais à 35 km/h, c'est donc de la vitre à 125 km/h qui m'a violemment heurté la cuisse. J'ai depuis un hématome énorme et une crainte d'enfourcher à nouveau mon vélo."
Chère Florence, l'incivilité dans ce genre de cas dépasse tellement l'entendement qu'il n'y a même plus matière à raisonner ou à se dire qu'il faudrait bien éduquer. On atteint ici le stade ultime de l'imbécillité morbide. Tout de suite après, c'est la mort cérébrale.
J'ai relu trois ou quatre fois votre courriel. J'ignorais quoi répondre, sinon que je suis désolé, que vous devez continuer de rouler malgré la peur.
Le plus chiant, c'est qu'il suffit d'un épisode de cette violence ordinaire pour me décourager de l'état de l'humanité. Heureusement, là, je pars en voyage. Deux semaines à traîner dans les rues. Je reviendrai les yeux remplis de paysages, convaincu que le monde est un endroit merveilleux, que les gens ne sont pas si décourageants, que la connerie est une exception après tout.
Ça durera jusqu'à ce que je m'aperçoive qu'on a réélu André Arthur et Maxime Bernier.
Bien d’accord, « Professeurs qu’on agonit d’insultes, qu’on rend responsables de tous les échecs, qu’on menace: au-delà du financement et des programmes à gogo, les parents sont en voie de devenir le plus important frein à l’éducation de leurs enfants. »
Ce sont les mêmes parents qui rendent la pédiatrie difficile, traiter un enfant malade ce n’est pas difficile, c’est toujours le parent qui complique les choses!
Mais ils ont quoi au juste ces parents? Ce sont des enfants devenus vieux, sans avoir vécu, qui ont des enfants à leur tour? Ils font quoi comme travail ces merveilleux parents qui osent critiquer le travail des enseignants?
Ça ressemble drôlement à une société de chialeux, complètement irresponsable, où aussitôt qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond même dans sa propre maison, c’est forcément la faute à quelqu’un d’autre!
La déresponsabilisation des individus est un fléau social qu’il faut prendre au sérieux.
Pour ce qui est du courriel de Florence, je dirais qu’elle a probablement été victime d’une disciple du » jackass », irrécupérable brainless en manque non seulement d’émotions fortes, mais de l’intelligence primaire d’un lombric…
M. Desjardins,
J’aimerais réagir à quelques éléments de votre billet. Je suis enseignante au primaire depuis plus de 10 ans et étudiante de 2e cycle à l’université. Mon dernier travail portait justement sur la supervision et l’évaluation des enseignants. J’ai lu beaucoup d’études sur le sujet et j’ai fait une recherche-action sur la perception qu’ont les enseignants de l’évaluation de leur travail.
La majorité est en faveur d’une évaluation dans le but d’avoir un accompagnement (formations, mentorat, partage de connaissances et d’outils, etc.) qui répond à leurs besoins et à ceux de leurs élèves. Comme vous le disiez dans votre article, il faut un encadrement à cette évaluation. Le Québec est l’une des dernières provinces à ne pas avoir de cadre d’évaluation, laissant aux directions le loisir de l’opérer comme ils l’entendent.
Ce qu’on entend dans les médias (le refus des enseignants à être évalués) est largement influencé par la vision syndicale. Je ne remets pas en question les luttes syndicales qui nous ont permis de progresser, mais je me questionne sur le but de leur refus: protégez les quelques enseignants incompétents? Refuser l’ingérence des patrons dans l’autonomie professionnelle des enseignants?
Il faut se rappeller le but de notre travail qui est la réussite des élèves. La plupart des enseignants questionnés admettaient qu’une supervision améliore le travail des enseignants et ainsi le rendement des élèves.
En ce qui a trait aux parents, la grande majorité sont des collaborateurs et des complices de l’éducation de leur enfant. Les quelques-uns qui mettent des bâtons dans les roues sont ceux qu’on se rappelle le plus malheureusement. Quelles sont leurs raisons pour agir ainsi? Ont-ils des craintes quant à la réussite de leur enfant? Ont-ils eu une mauvaise expérience scolaire? Le fait de comprendre leurs réactions amènent souvent à des discussions qui déboucheront sur leur collaboration.
Qui n’a jamais entendu dire qu’enseigner est bien plus que transmettre des connaissances? Nous avons un rôle multiple: psychologue, infirmière, éducateurs et j’en passe. Peut-être que cela répond en partie au fait qu’il n’y a pas beaucoup d’hommes en enseignement. C’est une tâche immense en plus d’être peu valorisée dans notre société. Pourtant, au plan humain, c’est probablement le plus beau métier du monde!
Je suis d’accord avec vous…Selon moi, les enseignants devraient faire partie d’un ordre professionnel. Ce serait une première étape vers l’encadrement de la pratique et une reconnaissance de l’acte d’enseigner. Je ne suis pas enseignante mais mon travail m’amène à collaborer avec beaucoup d’entre eux. Avec l’expérience, j’ai appris à considérer plusieurs d’entre eux comme des tuteurs de résilience, des acteurs importants dans la vie de certains enfants qui vivent des situations de vie difficiles. Leur présence quotidienne, leur intervention centrée sur la réussite ou l’échec et leur proximité donnent à leur fonction un rôle à la fois très important mais aussi très délicat. Enseigner est un art. Si les enseignants acceptaient de faire partie d’un ordre professionnel au même titre que les infirmers, les psycholoques, les travailleurs sociaux etc…, des actes et des fonctions leur seraient réservés et leur travail serait valorisé.
À votre lectrice cycliste, ce que j’aurais à lui dire, moi, c’est de porter plainte à la police. On n’est plus dans l’incivilité, on est dans les voies de fait.