L'été passe, mais pas le malaise.
Quand le verdict de non-responsabilité criminelle est tombé, il a eu l'effet d'une gifle glacée.
Pendant des semaines, par l'entremise d'une couverture médiatique impudique, terriblement détaillée, le Québec tout entier avait frissonné d'horreur au gré du procès du médecin Guy Turcotte. Le banal d'une histoire de rupture avait viré au récit d'épouvante, à l'atrocement extraordinaire, mettant en scène un homme brisé et le chapelet d'horreurs qu'il avait commises. Tout le monde connaissait d'avance la fin de l'histoire, sordide: des enfants tués par leur père. L'horreur pure.
Ainsi, jour après jour, à la radio, à la télé, les gens ont pu voir comment un homme ordinaire devient un monstre.
L'été passe, disais-je, la Couronne compte faire appel, mais l'incrédulité demeure. On a eu beau détailler la qualité du procès, le travail irréprochable du juge (je me réfère ici à plusieurs experts et journalistes spécialisés) et la logique de la décision du jury devant la preuve qui lui était soumise, le vertige est le même.
C'est un vertige inversé, celui qu'on ressent, depuis la rue, devant des gratte-ciel, à l'ombre d'une réalité qui nous dépasse de trop haut pour qu'on puisse en apercevoir la cime.
Froide, énorme, impossible à cerner, la justice devient le monstre. Insensible et insensé.
Elle va ainsi rejoindre le clan des mal-aimés au bal des divorcés du système auquel on assiste à chaque hoquet de celui-ci. On y invite généralement les institutions que sont l'enseignement, la santé, la fonction publique et les gouvernements. Et parfois aussi, on y convie ceux qu'on désigne comme leurs valets. À savoir, dans l'affaire Turcotte, les journalistes qui ont tenté de rationaliser la décision du jury, et d'exposer comment la justice avait suivi son cours normal, malgré ce sentiment, largement partagé, que c'est tout le contraire qui s'était produit.
Évidemment, la foule est toujours carnassière. Bien sûr, même les plus sensés ont serré les poings en apprenant le dénouement du procès.
D'où ce malaise qui subsiste chez moi, peut-être chez vous aussi: la sensation de l'impossibilité d'avoir raison, ou tort.
Prenez le problème dans tous les sens, regardez-le sous tous les angles: il n'y a pas de bonne réponse. Soit c'est la morale ambiante qui gagne, soit c'est la civilisation. Soit on lynche le type, ou enfin, on le condamne sans autre forme de procès pour venger la mort de ses enfants, soit on laisse la justice suivre son cours, même si celle-ci est nécessairement imparfaite et qu'elle montre ici des failles à la frontière du scandale.
Depuis des semaines, je vois des chroniqueurs déchirer leur chemise, j'entends des animateurs de radio hurler à s'en faire péter la grosse veine du front que notre système est pourri, que n'importe qui pourra désormais tuer et ensuite plaider la démence passagère (ce qui est évidemment faux). Charognards de l'actualité, ils reconduisent le public dans ses préjugés, ils alimentent la colère, tordent la réalité pour en faire le matériau d'un discours qui fait plaisir à entendre, parce qu'il répond à nos émotions. Il soulage notre malaise.
En rejetant toute la faute sur le système, on se désengage. On cesse de le cautionner. On n'est plus impliqué dans la machine qui n'a pas été en mesure de trouver un coupable au meurtre de ces deux enfants alors que le coupable avait avoué.
Pourtant, ce n'est pas un juge, mais 11 hommes et femmes normaux qui ont rendu ce verdict. Onze hommes et femmes dont on nous dit qu'ils ont scrupuleusement analysé la preuve.
Ce n'est donc pas l'élite qui s'est prononcée à l'envers de la volonté du peuple.
Alors pourquoi ce putain de malaise?
Parce que c'est le prix à payer pour vivre dans un État de droit plutôt qu'au far west. Ce vertige, c'est l'inconfort de ceux et celles qui ne se réfugient ni tout à fait dans la raison ni tout à fait dans l'émotion. C'est une preuve d'humanité.
Une humanité qui, dans sa marche vers la civilisation, tombe parfois, et se blesse. Cela ne veut pas dire qu'elle emprunte le mauvais chemin. Simplement qu'elle n'est pas parfaite et qu'il lui arrive de trébucher.
DEBOUT – Je pars en vacances, vous devrez vous passer de moi pendant deux semaines. Allez, pleurez pas, je reviens bientôt. Et en attendant, il y aura toujours le courrier du lecteur des quotidiens pour vous alimenter en opinions.
Tenez, il y a ce prof de cégep qui vous disait l'autre jour dans Le Devoir que vous étiez 100 000 Elvis Gratton sur les Plaines pour voir Metallica l'autre soir. Pourquoi des Elvis Gratton? Parce que vous vous déplacez pour voir de la méchante musique en anglais.
Depuis le temps que je cherchais un moyen simple de définir clairement la bonne et la mauvaise musique, c'est enfin réglé. Bob Dylan: mauvais. Éric Lapointe: bon. Patti Smith: mauvais. Mireille Mathieu: bon.
Le prof en question poursuit son hilarante diatribe en nous servant l'habituel sermon sur le colonisé culturel. Comme dirait ma mère: hé Seigneur…
De grâce, monsieur le professeur, épargnez-nous votre complexe d'infériorité. Nous ne le partageons pas. Nous sommes ailleurs, un ailleurs que vous ne semblez même pas deviner depuis la chaire où vous prêchez à l'intention de quelques convertis.
Nous? Nous sommes capables d'aimer Galaxie et Arcade Fire, Desjardins et Tom Waits, Ferland et Tony Bennett. Nous pouvons sans problème lire Paul Auster, puis passer à Nicolas Dickner, à Haruki Murakami, à Charles Bukowski ou à Catherine Lalonde. Nous aimons les films de Robin Aubert et ceux de Spike Jonze.
Nous ne sommes pas misérables. Nous ne sommes pas écrasés. Nous sommes debout, égaux devant l'autre. Mais c'est sûr qu'à nous regarder de si haut, vous avez peut-être l'impression que nous sommes à genoux. Devriez descendre un peu avant de pogner le vertige.
Il est vrai que ça nous prend un coupable pour avoir l’esprit tranquille et se coucher le soir en se disant que »justice a été rendue ».Mais que sait-on de ce que ce gars là a vécu? non je ne cherche pas à le disculper, ce qu’il a fait est horrible, tout meurtre est horrible! Cependant, qui nous dit que cet homme, Guy Turcotte, n’était pas complètement dépendant de l’amour de sa conjointe? qui nous dit qu’elle n’a pas joué la carte de la despote affective envers lui. La dépendance affective, ça peut être comme un drogué, un alcolo, regarder sa vie et voir qu’il n’y a plus rien, vide total autour de soi. Ridicule me direz-vous? Peut-être, mais personne ne peut dire ce qu’il a vécu, personne ne peut expliquer le trou noir dans lequel il s’est trouvé.tant qu’il n’est pas dans la même situation. Encore une fois, je ne tente pas de justifier Turcotte, j’essaie simplement de faire taire tout jugement facile «vivre dans un État de droit plutôt qu’au far west». Cet homme vivra à jamais avec les conséquences de son geste. Je doute que demain il aille se promener en campagne et hume les parfums d’automne avec le sourire en se disant »que c’est donc beau la vie ». Les autres qui viennent dire« au moins il aurait pu tuer d’un seul coup de couteau, pas 37» je dis simplement: avez-vous été dans une situation ne serait-ce que le millième de la sienne? Comme le dit Desjardins ci haut, «c’est l’inconfort de ceux et celles qui ne se réfugient ni tout à fait dans la raison ni tout à fait dans l’émotion. C’est une preuve d’humanité. » «Ni tout à fait dans l’émotion»C’est tellement facile de juger les autres et de condamner selon NOS petits principes et idées bien arrêtées. Regardons aussi l’autre côté de la médaille!
En fait ce que je cherche à dire, c’est que nous sommes tous dans une bulle de confort, LE NÔTRE, celui de son condo avec sa ptite vie bien réglo et ses aléas comme tout le monde. Mais on prend majoritairement tout ce qu’on nous sert dans les médias et on se dit: ben c’est comme ça, c’est la mode, c’est ce que tout le monde vit. On prend toutes les Stars Académie de ce monde et on se dit «ben c’est l’meilleur» Ben la vie ne se résume pas à se dire que ce qu’on nous présente est juste et beau. Oui ce gars a tué ses enfants, mais peut-être que son confort à lui, SA vie c’était sa femme et ses 2 enfants, ce cadre là et rien d’autre. À l’extérieur de ça rien n’existe, rien n’a de sens. Comme le drogué dont je parlais précédemment, il ne voit plus la vie sans sa dose, mais il ne voit plus la vie avec cette drogue non plus. Quoi faire alors? Guy Turcotte c’est le Médée du XXI e siècle, perdu, sorti de son cadre, il n’y a point d’issues. Son ex-conjointe avait, elle, déjà un nouveau prétendant, elle était passée à autre chose. IL y a plein de ces pères qui gravissent le pont Jacques Cartier pour faire valoir leur paternité, qui sait si elle ne l’a pas menacé d’un tel geste? Bien sûr nous somme invariablement toujours du côté de la mère, la génitrice, cele qui donne la vie. Qui est capable de quantifier une peine, la peine d’un homme par surcroît? une femme en peine d’amour est une pauvre petite, un homme dans la même situation est un mou. En tout cas, le mou vivra toute sa vie dans sa tête des choses que jamais aucun de nous ne pourra imaginer l’atrocité, la laideur et la peine. Non, nous préférons, comme à l’époque médiévale, assister à l’exécution et regarder périr le condamné sur le bûcher en criant de plaisir, le plaisir de se coucher le soir venu et se dire« enfin justice a été rendue, il a eu ce qu’il méritait» On l’a choisie cette société, avec cette philosophie, c’est nous et nos ancêtres qui l’avons bâtie, vivons avec tout en essayant de comprendre, ou du moins sans brûler qui que ce soit parce qu’il ne vit pas ce que majoritairement vivons et que nous appelons le gros bon sens, le gros bon sens est ce que chacun vit intérieurement et émotivement.