À force de lire les sondages, de jauger l’opinion publique et de tenter de saisir ce qui peut bien se passer dans la tête des gens, on a parfois l’impression que la société suit les motifs archiconnus d’une mauvaise pièce de théâtre d’été.
Quiproquos, réactions démesurées pour des événements qui n’en méritent pas tant, scandales rapidement oubliés (Ciel, des gens de confiance corrompus! Vite, cachons-les derrière le divan): vue depuis l’angle de la farce, l’actualité devient un feu roulant de clichés et de situations prévisibles. Surtout lorsqu’il est question de politique. Là, on tombe dans le burlesque, le vaudeville. Jean Charest et Gilles Latulippe: même combat.
Je suis un peu débile, vous dites? Je ne suis pas tout seul. Et apparemment, c’est contagieux.
Mais au-delà du prévisible et de la tragique drôlerie de nos errances, ce qui me surprend encore, c’est le degré de cynisme dans lequel nous nous sommes enroulés et qui nous retient de descendre dans la rue en masse, de réclamer la tête du premier ministre et de son parti tout entier depuis la fuite du rapport Duchesneau. N’importe quel peuple qui se respecte ne supporterait pas une seconde de plus cette mauvaise comédie. Mais voilà, nous ne nous respectons plus. Non seulement nous ne croyons plus en la politique, mais nous ne croyons même plus que nous avons le pouvoir de changer les choses.
Histoire de m’enfoncer dans ces noires pensées, au même moment où je me fais cette remarque, je tombe sur un sondage qui suggère que le Parti libéral voguerait probablement vers une autre victoire à condition que François Legault ne lui fasse pas opposition.
Vraiment? Il vous faut quoi, au juste, pour vous fâcher?
Ce n’est pas une question pour faire joli, je demande pour vrai: votre capacité d’indignation s’est-elle atrophiée au point où vous faire cocufier de la sorte ne vous émeut même plus?
Remarquez, je vous trouve drôles pareil. Ah, oui, juré, il y a même des fois où je vous écoute et je me roule par terre.
Surtout quand vous réclamez du changement.
Vous devriez vous voir, ça me fait mourir quand vous vous pâmez pour le nouveau truc, confirmant qu’à force de vous faire vendre la politique comme des boîtes de céréales, vous avez développé les mêmes réflexes pavloviens que pour le commerce en général: vous bavez dès que vous entendez un discours un peu neuf, dès que vous voyez un visage vaguement lifté par quelque idée recyclée qui lui donne un air de second début.
Sauf qu’on n’a fait que changer la boîte. Dedans, c’est encore les mêmes céréales.
Et ça vous convient. Car ce changement, vous ne l’aimerez vraiment que s’il vous reconduit au même endroit en vous donnant l’impression que vous êtes ailleurs.
Nous consommons la politique comme le reste, c’est-à-dire en ménageant notre confort. Sinon, nous y allons pour les valeurs sûres. Pareil comme ces gens qui achètent des voitures pourries simplement parce que c’est ce qu’ils ont toujours eu. Comme le monde qui va au Panama et voudrait y trouver du café du Tim.
Si la nécessité est la mère de l’invention, notre confort semble commander qu’on n’invente plus rien. Sinon de nouvelles vitrines pour faire parader la même idée.
Ce confort, toujours, c’est lui qui nous fait avancer aveuglément dans des ornières dont nous savons qu’elles ne mènent nulle part, sinon ici.
Nous ne sommes pas heureux. Nous ne sommes pas vraiment riches non plus et notre recherche de bonheur s’allonge au fil de notre marge de crédit. Et pourtant, nous ne voulons rien changer à nos vies. Nous ne voulons pas le moindre recul dans ce confort qui est devenu une prison de laquelle l’avenir ne peut pas surgir. Nous sommes condamnés à sans cesse revivre le présent, de peur que le futur y change quoi que ce soit.
Une plus grande justice sociale? Vous n’avez pas voté NPD pour ça. Vous avez voté pour Jack. Une meilleure administration publique? Vous ne voterez pas pour ça non plus. Vous allez voter pour François Legault, qui dit les «vraies affaires», qui remet en cause les vaches sacrées, qui ébranle les colonnes du temple du modèle québécois.
Mais si Legault dit qu’il ne restera que pour un seul mandat, c’est qu’il a bien compris qu’il vous réclamera des sacrifices. À tous. C’est l’épouvantail que brandit Charest. Semblable à celui qu’il agiterait s’il vous prenait l’envie de voter Québec solidaire. Mais ça n’arrivera pas, simplement parce qu’Amir Khadir et Françoise David ne sont pas aussi sympathiques que Jack.
Le plus triste, c’est que pour ce petit confort, pour ce petit quotidien molletonné dont on dit du même souffle qu’on ne pourrait pas s’en passer et qu’on se tue à maintenir, nous avons bradé notre fierté.
Le plus désolant, c’est qu’il se trouve encore une seule autre personne que la femme de Jean Charest qui veuille voter pour son parti après la mise en scène minable de vendredi dernier, alors qu’il prétendait ne pas avoir lu un rapport dont il commentait cependant la teneur devant des journalistes catastrophés.
Le plus affligeant, c’est que nous acceptions notre rôle de public passif dans ce théâtre, cherchant ainsi à ignorer que nous sommes tous coupables de la corruption, de la collusion, des inégalités sociales, d’une bureaucratie trop souvent inepte et du gouffre des finances publiques. Coupables d’avoir cautionné l’état des choses en votant pour ces gouvernements qui agissent comme un miroir duquel on se détourne ensuite.
C’est notre plus grande lâcheté: fuir ce regard parce qu’il nous dit que l’irresponsabilité de nos politiciens, c’est surtout la nôtre.
Quelle alternative ont les citoyens ?
Vous semblez vouloir qu’ils votent pour le PQ ? Un parti sans tête , miné par de fanatiques qui voudraient chacun avoir SON parti ?? Le PQ comme le Bloc a perdu sa crédibilité.. C’est un parti idéologique qui ne sera jamais uni autour d’un chef. Un parti qui a considéré René Lévesque, son fondateur, comme pas assez pur et dur!!! Rien à faire avec un tel parti ingouvernable…
Québec Solitaire qui se demande encore si il faut éliminer le privé pour tout étatiser c’est une grosse farce marxiste-léniniste..au pouvoir ce serait un désastre économique dont on se remettrait très très difficilement…
L’ADQ manque de profondeur, sa chef ne rallie pas beaucoup de monde et bien des supporteurs attendent le parti de M.Legault pour changer de parti..
Si M.Legault ne fonde pas de parti, le parti Libéral restera hélas « le moins pire » des partis..surtout si la police finit par traduire en justice les bandits dans le domaine de la construction..
Mais espérons que M.Legault formera son parti. Avant il a compris qu’il doit être bien certain que les citoyens appuient ses réformes , et non qu’il est la saveur à la mode comme le fut Jack Layton. C’est très sage de sa part, car il aura besoin de l’appuie populaire pour affronter les bureaucrates de l’état et la bureaucratie syndicale..qui s’opposeront à tout pour ne pas perdre leurs privilèges..Les citoyens qui appuieront ses réformes devront peut-être descendre dans la rue pour démontrer leur appui et aider M.Legault à affronter les bureaucrates…On verrait alors la démocratie en action
et des citoyens qui s’impliquent pour aider la débureaucratisation …
Je crois que nous avons tous une part de responsabilité. Soit nous faisons parti de la solution ou du problème. Espèrons-nous qu’un changement se fasse sans qu’on y participe ou préférons-nous continuer à cette allure dans un Système qui ne respecte plus, selon moi, aucune dignité humaine ? Reprenons notre raison retrouvons son utilisation.
Bravo M. Michaud! Il y a tant de gens qui ont peur de dire haut et fort que le PQ est un parti dépassé qui n’intéresse plus les citoyens….
Dans le mille, David.
Malheureusement, nous avons les représentants que nous méritons. D’ailleurs, s’ils nous gouvernent plus qu’ils nous représentent, c’est parce que nous les laissons faire.
Levons-nous, les gens de valeur suivront.
Résiliants nous serons jusqu’à notre implosion…
J’avoue m’être reconnu dans ce texte si juste et percutant.
Et plus d’une fois…
À chaque reportage, chaque article sur un scandale, je m’indigne. Je me dis que les choses ne peuvent plus durer, qu’il faut sortir dans les rues, manifester le mécontentement qui nous anime, moi et plusieurs milliers de citoyens. Je me sens soudainement rempli d’une énergie de vaincre et de changer le monde pour finalement avoir une société juste, honnête et équitable.
Mais…
Assis confortablement, bien installé devant mon écran d’ordinateur, je me dis que ce sera pour une autre fois. En bon étudiant, je me dis que j’ai trop de devoirs. Trop de travail. Trop fatigué. Trop tard. Trop trop. Et puis bon, le changement pour quoi ? Ainsi donc, je dois encore une fois avouer ma défaite contre le cynisme, ma défaite contre le défaitisme.
Je baigne dans un monde morose qui m’aveugle, et je ne vois plus les personnes animées par cet espoir d’instaurer cette société juste que je souhaite tant, ces personnes qui sont la bougie d’allumage au soulèvement, à la révolte. Mais ces personnes qui m’inspirent tant n’ont pas disparu. Elles sont toujours là, n’est-ce pas ? Entre-temps, aveuglé, je me renferme. Je fais comme les autres moroses et je grogne dans mon coin, faussement satisfait de mon petit bonheur quotidien, en attendant… en attendant quoi, au fait ?
Ce texte m’a fait réfléchir et j’espère que ce commentaire, mon premier sur ce site, sera le début pour moi d’un temps nouveau. Car je ne veux plus de ce cynisme et de cet état d’esprit si négatif qui m’alimentent. Dorénavant, je vais agir, le regard tourné vers l’avenir. Chaque geste compte.
@andremichaud:
Votre commentaire ne fait, malheureusement, qu’alimenter le malheureux constat que vous critiquez. N’y a-t-il pas, en effet, plus grande preuve de défaitisme et de complaisance dans son confort pépère que d’attendre que quelqu’un (mais surtout pas soi-même, on est bien trop fatigué à force de courir du bureau au centre d’achat), quelque part (mais surtout pas de la simple populasse, ça manque de crédibilité), propose exactement les solutions qu’on juge appropriées?
Et si on se bougeait un peu le derrière, question de se les créer, ces alternatives???
M. Desjardins
Il faut bien connaître l’Homme, l’Être humain (femmes et hommes confondus) pour juger ceux qui dirigent, ceux qui élisent ceux qui dirigent et ceux qui ne jugent plus depuis très longtemps. L’Hommerie existe depuis presque toujours et ce n’est pas une quelconque indignation supplémentaire, une autre »montée de lait » de madame et de monsieur tout le monde qui changera quelque chose, fondamentalement. Les libéraux de MM. Mercier, Gouin et Tachereau, les »bleus » de M. Duplessis, les »bleus-rouges » de M. Charest avec leur esprit pragmatique et leurs besoins de financement personnel (la clique) poursuivent et graissent magnifiquement »l’Hommerie » immanente à la recherche et à la consolidation du pouvoir à tout prix. L’indignation est à la portée de tous mais les vrais solutions sont en attente. Attendons que la Lumière apparaisse au bout du tunnel de la pensée humaine …
Baz.
Bravo monsieur Desjardins, c’est exactement ce que j’en pense, vous avez grandement raison.
La priorité en ce moment c’est les Nordiques, après, on s’occupera de la politique …ha ha ha
Je me souviens, nous marchions à Montréal, afin que Jean Charest annonce une Commission d’enquête sur la construction de tes partis politiques…
Nous étions 50 000 milles seulement…
Non pas que j’ai baissé les bras depuis, mais je découvre à quel point tous veulent ceci et cela, mais sans faire l’effort !
J’ai toujours cru que nous étions le pouvoir, que nous devions demander respect à ceux qui nous représentent et dépensent nos impôts durement gagnés…
… et bien non, l’abondance et le divertissement à outrance, à savoir qui quittera l’émission en pleurant devant une caméra et devenant du même coup plus connu que Jean Charest plait davantage au peuple dont l’inconscience politique les fait être de véritables moutons !
@ Marie
Faire de la politique est trop exigeant pour moi. La vie est trop courte. Pour avoir connu un ami ayant travaillé pour un député, la job est trop exigeante, il ne vous reste plus du tout de vie privée..et souvent pour n’ avoir que le mépris des gens que l’on veut servir..Je laisse cela aux jeunes..Les jeunes députés du NPD qui ne pensaient pas être élus, vont l’apprendre..
Ceux des partis au pouvoir réalisent qu’une fois au pouvoir on ne fait pas ce que l’on veut, et qu’on doit affronter la bureaucratie étatique et syndicale, ainsi que les pressions sociales constantes, et les conditions économiques…et que les solutions faciles style communiste « faisons payer les riches » c’est de la foutaise..
Allons-y directement. La population québécoise est trop confortable pour mettre en danger ses acquis. On geigne, on clâme l’injustice, mais qui descendrais dans la rue pour faire quelque chose de concret? Mettre en danger le confort de la société pour forcer un vrai changement? Il n’y aura pas de révolte armée, de posage de bombes, parce qu’il y a eu la défaite des Patriotes, parce qu’il y a eu la crise d’Octobre. Nous avons la mémoire longue, mais inutile. Cependant que l’histoire récente nous a prouvé qu’un changement était possible sans avoir recours à la violence, nous pourrions faire la révolution citoyenne pacifique. Pourtant, ça n’arrivera pas, parce que là-dessus aussi, nous avons la mémoire longue: une révolution qualifiée de Tranquille par nos bourreaux, une victoire tiède pour une nation sans orgueil autre qu’un désir d’être des esclaves modernes.
Allons-nous assiéger la place publique pour réclamer le retour du pouvoir dans les mains du peuple? Non. Malgré le nivellement par le bas dans nos écoles, malgré la décrépitude du système de santé, j’ai encore assez d’argent pour me payer un steak à manger devant la télévision. Du pain et des jeux, c’est le prix que nos gouvernements (et qu’une certaine industrie culturelle monopolitique) paient pour qu’on ferme nos gueules. Et ça vaut tout l’or des dictateurs de ce monde.
Plus sérieusement, le rapport de l’Unité anti-collusion mentionne que le ministère des Transports du Québec n’a plus le personnel qualifié et suffisant pour exercer une gestion saine des projets. Pourtant, les citoyens salivent quand un gouvernement promet un « dégraissage de l’État ». Alors ! On critique le gouvernement pour la taille de l’État et on le critique encore pour son laxisme quand le privé s’en met plein les poches. Comment voulez-vous que nos élus ne soient pas eux-mêmes cyniques envers l’électorat.
Arrêtons de croire au sauveur, fût-il appelé Dumont, Layton ou Legault. Soyons conséquents et sachons ce que nous voulons.