Manhattan, New York. On se rend au Liberty Square qu’ont investi les contestataires d’Occupy Wall Street comme on visite n’importe quelle attraction touristique: pour pouvoir dire qu’on l’a vu.
Alors nous aussi, hein? Anyway, c’est facile, suffit de suivre la foule qui s’agglutine devant le chantier du World Trade Center/Ground Zero puis qui dérive lentement vers le sud pour tomber sur l’étrange courtepointe de toiles cirées bleues et blanches qui servent d’abris aux occupants. Et si on s’aventure au centre, au-delà des clôtures et des flics, c’est un peu comme le Parc Safari: on peut toucher aux animaux, les nourrir, et en plus, ceux-là parlent.
J’ai l’air de déconner, mais je me sentais un peu comme ça. Un peu touriste de l’actualité, si vous voyez ce que je veux dire. Mononcle DD qui entre dans l’enclos du zoo de Pâques aux Galeries de la Capitale.
Et puis, ces petites bêtes revendicatrices? Pareil que pour celles du zoo: je les ai trouvées à la fois adorables et intolérables. En fait, j’en veux surtout aux singes qui en profitent pour s’offrir une minute de gloire au bulletin télévisé en faisant hululer des incantations chamaniques à un groupe de gentils babas un peu tatas, ce qui permettra d’alimenter tous les détracteurs du mouvement pour les trois prochaines décennies. Sinon, il y a cette bibliothèque que les gens là-bas ont mise sur pied, admirable, amassant des milliers d’ouvrages en prêt libre, mais cela ne rachète pas le lot de granoles de toutes sortes qui contribuent à la confusion entourant ce mouvement. Ici, un type qui fait la grève de la faim, mais on ignore pour quoi exactement. Là, cet autre qui pédale sur un vélo stationnaire plogué à une dynamo pour fabriquer de l’énergie propre. Ici encore, les chefs cuisiniers contre les OGM.
Ils m’énervent, et en même temps, je les trouve utiles. Parce que leur présence au milieu de ce symbole qu’est le quartier des affaires de New York nous oblige à nous poser cette même question qui nous hante et sur laquelle revenait le philosophe Marcel Gauchet, à la Première Chaîne, tandis que nous revenions de l’aéroport sous la pluie.
Une société, n’est-ce que l’économie?
Pour la droite, ces gogos et barbus hallucinés sont une tache, un barbeau dans la bible des certitudes occidentales. C’est pour cela que je les aime même s’ils m’exaspèrent dans leurs dérives et raccourcis qui mènent inévitablement à la caricature.
En fait, c’est un ami rencontré sur place qui a le mieux résumé mon sentiment pour Occupy Wall Street. Individuellement, ils sont détestables. Ensemble, ils font quelque chose d’essentiel.
L’INDÉCENCE – J’ai profité de ce très court voyage pour terminer le bouquin de Maxime-Olivier Moutier dont je vous parlais la semaine dernière. Vers la fin, il pose la question qui fait mal: Qu’est-ce que le bonheur?
Bon, c’est pas tout à fait vrai, ce qu’il dit plus exactement, c’est que si nous sommes si malheureux, c’est que nous ignorons quoi faire exactement pour ne plus l’être.
Tout le malaise de l’homme et de la femme est dans cette angoisse: Suis-je heureux? Et comment savoir si je le suis vraiment?
Faute d’autre modèle, on regarde les comédiens dans une pub de n’importe quoi. Auto, télé, piscine, hôtel. Les gens sourient, leurs yeux brillent, ils sont beaux; ça a l’air de fonctionner. Pourquoi pas moi?
Je sais ce que vous pensez. Que je suis communiste ou un truc du genre. Mais c’est loin d’être le cas. Je constate simplement que n’importe quel système, lorsqu’on ne le remet pas assez en question, finit par sombrer dans l’indécence, et les humains dans le néant. Vous me suivez?
Alors je vous fais un dessin.
Sur Fifth Avenue, toujours à New York, afin de limiter le flot de clients, on a installé des tapis rouges et des cordons à l’entrée de plusieurs boutiques populaires, comme on fait à la porte des discothèques. Devant chez Abercrombie & Fitch, où l’on vend principalement des chandails de coton ouaté et des t-shirts, la file tournait au coin de la rue et descendait sur plusieurs mètres, les clients attendant patiemment tandis que le soleil se couchait sur les gratte-ciel.
Tout près, une femme enceinte était assise au sol et quêtait du fric. Une touriste japonaise avec au bras un sac rempli de vêtements riait en la prenant en photo.
MAGIE – Je suis parti et il n’y avait alors qu’une patente à gosses de commission d’enquête au programme. Je reviens et hop, Jean Charest a encore changé d’idée, et finalement, la juge Charbonneau pourra sommer des témoins à comparaître. Il me semble qu’il se passe toujours quelque chose de gros quand je m’en vais. Même qu’une fois, quand j’étais au Mexique, Lucien Bouchard a démissionné.
Le timing me paraissant plutôt bon, sachez que j’accepte les dons de billets d’avion pour toutes les destinations.
Moi les questions que je me pose sont sur la profondeur des convictions de ces jeunes.
Eux qui réclament le partage, partage t’ils?
Si ils vivent avec leurs parents, partagent-ils les tâches sans qu’on leur rappelle sans cesse qu’il faut partager ? Travaillent-ils pour partager à travers leurs impôts avec leurs concitoyens ? Ou alors, si ils sont des étudiants, étudient-ils avec sérieux et sont-ils reconnaissants envers leurs concitoyens qui payent des millions pour leurs études (partage) , ou veulent-ils que tous les AUTRES citoyens leur payent totalement leurs études , égoistement, SANS PARTAGE des frais?
Portent-ils des jeans à 30$ comme moi, ou exigent-ils des jeans de riche, payées par les parents?
Comme disait John Lennon dans sa chanson « Revolution »:
« You say you want a revolution but you’d better free your mind instead » Ce qui exige plus que se promener avec des pancartes…
N’importe qui peut se prétendre n’importe quoi, mais il doit le prouver dans son quotidien avant de prêcher aux autres, non?
Bien dit et brillamment formulé. Je pense comme vous. Alors je me tais et j’essaie de faire quelque chose d’utile (et agréable).
JSB
Monsieur, vous faites partie de ce »ils » dont vous parlez. Ensemble, nous sommes le 99%
David Desjardins, il y a, dans votre analyse, une courte phrase, pour ne pas dire une question, qui m’a intéressé. C’est la suivante:
*****«Une société, n’est-ce que l’économie?»*****
Moi, je pense que de nombreux «maîtres du monde» (je n’oublie pas leurs sbires et la valetaille qui les appuie) pensent que la société n’existe à peu près pas, que seul le développement économique (pour les cossus, les nantis, les puissants) a de l’importance.
Je radote un peu et je n’arrête jamais de rappeler une allocution de Margaret Thatcher en 1987. La «vieille crisse» affirme, sans sourciller, que la société, cela n’existe pas. Moi qui suis sociologue depuis les années 60, j’ai donc passé ma vie à réfléchir sur le néant, sur l’absence d’être. Voici le texte «commis» (comme un petit crime sans importance) par matante Thatcher:
***«Epitaph for the eighties? ‘there is no such thing as society’
« I think we’ve been through a period where too many people have been given to understand that if they have a problem, it’s the government’s job to cope with it. ‘I have a problem, I’ll get a grant.’ ‘I’m homeless, the government must house me.’ They’re casting their problem on society. And, you know, there is no such thing as society. There are individual men and women, and there are families. And no government can do anything except through people, and people must look to themselves first. It’s our duty to look after ourselves and then, also to look after our neighbour. People have got the entitlements too much in mind, without the obligations. There’s no such thing as entitlement, unless someone has first met an obligation. »»***
***Prime minister Margaret Thatcher, talking to Women’s Own magazine, October 31 1987.***
Je ne pense pas que les nombreux « indignés » de ce monde pensent que seule l’économie a de l’importance et que ce qu’on appelle LA SOCIÉTÉ n’existe pas.
Je suis aussi profondément d’accord avec certaines de vos observations subtiles et marquées au sceau de la vérité (selon moi):
*****«Je sais ce que vous pensez. Que je suis communiste ou un truc du genre. Mais c’est loin d’être le cas. Je constate simplement que n’importe quel système, lorsqu’on ne le remet pas assez en question, finit par sombrer dans l’indécence, et les humains dans le néant. Vous me suivez?»*****
J’approuve totalement vos propos sur la tendance qu’ont tous les systèmes à sombrer dans la «néantisation» et l’indécence.
Qu’un système soit communiste, socialiste, social-démocrate, capitaliste tout court ou capitaliste ultralibéral, la pourriture et la putréfaction sont toujours là, aux aguets et prêtes à sévir.
Ce sont là quelques modestes réflexions qui m’ont été «suggérées» par votre analyse. Vous m’avez forcer à remuer mes méninges et je vous en remercie, M. Desjardins.
JSB, sociologue des médias
Tout à fait d’accord avec vous JSB;lorsque j’étais étudiante en éducation spécialisée en santé mentale;j’ai eu l’immense chance de suivre des cours en sociologie,mon prof nous demandait de choisir un thème pour l’examen final;j’ai fait un énorme travail sur l’humanisme;nous vivons dans une société complètement déshumanisée;robotisée avec des « petites cases aux pensées étroites »(fonctionnaires entre autres)chacun pour soi et au plus fort la poche,qui va « crosser » en premier son compagnon de travail afin d’avoir son poste,quel fonctionnaire assoiffé de pouvoir,raciste,se disant PLQ mais avec des idées et comportements d’extrême droite,brisant carrière,santé de certains travailleurs qui ne pensent pas comme lui,ou une travailleuse qui ne veut pas baiser avec,pardon,mais celà existe;qui va oser dire celà suffit,qui s’occupe de la petite mafia médicale qui existe au Québec;un accidenté de travail qui donne$$$$ à un médecin,pas de problème,un avocat véreux qui connaît un haut fonctionnaire de la C.S.S.T et qui arnaque le travailleur blessé;Je suis indignée,révoltée et si je pouvais j’irai manifester contre ces gros qui ont volé mon argent,ma santé;une blessure celà laisse des cicatrices et personne n’est responsable,et surtout pas le gouvernement;je fais de la prison et le gros méchant est en liberté,même si il a agit comme un criminel;lois trop molles face aux fonctionnaires super zélés! alors oui,nous devons remettre en question notre système qui sombre dans la plus grande indifférence face à ses tavailleurs et protègent le patronat,car c’est le gouvernement qui est le BIG comme patron ;le patronat est trop fort et certains membres syndicalistes corrompus à l’os au détriment des accidentées et des travailleurs qui vivent dans la peur;je devais ce soir en parler un peu;pardon pour les fautes,je suis blessée et sur haute dose de morphine;j’écrivais mieux que celà auparavant;moi aussi je me suis fait traitée de communiste par mon ancien Big Boss,car durant des vacances à Cuba,j’ai rencontré le Président Fidel Castro avec qui j’ai échanger quelques propos dans un lieu historique « dans la Baie des Cochons »et le BIG BOSS n’a pas tu tout aimé celà à mon retour
Peut-être avez-vous remarqué à quel point la contestation et la revendication déplaît à nombre de personnes. Même quand ces revendications pourrait leur être profitable. Je pense que cette attitude universelle provient de la petite enfance. Nous voyons dans l’autorité la figure parentale, celle qui donne à manger et qui, du même coup, menace de représailles pour cause de désobéissance. Si on ne mature pas un peu, on reste avec cette peur vissée au ventre qui nous oblige à cracher notre fiel sur le faible plutôt que de s’indigner devant la tyrannie du tout puissant.
Exprimer notre indignation devant les pratiques du monde financier constitue un minimum. Parce qu’au-delà des chicanes entre riches et pauvres, il y a toute cette spéculation autour des denrées alimentaires qui condamne à mort un enfant toutes les cinq secondes. Et bientôt, des dizaines de millions d’autres. « Destruction massive » Géopolitique de la faim Jean Ziegler
Oui, ces « petites bêtes » ont l’air bien puéril à première vue, mais ils ont au moins le mérite de nous rappeler notre indifférence vis-à-vis le malheur de ceux qui paient de leur vie l’inhumanité des uns et l’insensibilité des autres !
Jean Ziegler est un intellectuel (sociologue) de haut niveau. Il est d’origine suisse. Il a beaucoup critiqué son pays, axé sur sur le «blé» et le pognon. Il a néanmoins été député socialiste pendant quelques années.
Alain Audet, j’ai beaucoup apprécié vos idées et cette référence à Ziegler.
JSB
Merci Monsieur Baribeau.
L’évidence ne coule pas de source pour tout le monde, malheureusement.
Gaffer tout en aillant raison…
Le maire Labeaume a fait fermer le site des « indignés » de Québec … Pour ma part, le problème ne résidait pas dans le pourquoi, mais dans la manière peu diplomatique du maire de le faire.
Pour ce que j’ai vu du site, il avait raison. C’était l’image d’un site digne de réfugiés en situation de crise. On pense à des pays en guerre. À la limite, des pays victime d’un tsunami, d’un tremblement de terre. Et à Québec, pour reprendre l’expression populaire depuis deux semaines, ça ressemblait à un mouvement « spontané ». Ça sentait l’improvisation urbanistique à plein nez.
Un groupe protestant contre les règles économiques des dieux occidentaux de cette société de consommation, qui privilégie les plus riches au détriment des plus pauvres, se doit d’être ordonné et mieux organisé pour passer son message. En tout cas, s’il veut manifester plus longtemps avant de se faire matraquer. Là, c’était évident que la sécurité des lieux était déficiente, voire dangereuse.
Ne vous méprenez pas, je suis tout à fait avec eux dans leurs revendications. Mais, je n’aurais jamais amené mes enfants à demeurer sur ce site. Du moins, à y coucher. Pas assez sécuritaire!
En conclusion, ils ont raison de manifester contre l’injustice économique de ces banques qui s’enrichissent sur notre dos, et qui dispersent notre capitale pour on ne sait où. Le maire avait également raison de démanteler ce site de favelas. Toutefois, ce dernier aurait dû être présent lors de l’annonce de cette obligation d’évacuation. Et, si son « cœur de citoyen » était vraiment sincère, être présent pour expliquer son point de vue sur la question, voire même à proposer un autre site et une manière moins improvisée de s’installer. Les rancoeurs auraient été moindre chez les manifestants et le doute moins évident parmi la population.
Bernard Lafortune
Rien ne peut nous surprendre de M. Labeaume, c’est un amateur professionnel !