Toutes les années ont leur cirque. Dans celui de 2011 brillaient les contorsionnistes.
Vous pensez évidemment aux spectaculaires dislocations articulaires du Parti libéral, aux allégations de corruption dans le milieu de la construction, au financement des partis politiques, et au long et désespérant appel à une commission d’enquête publique. Bâton sous lequel Jean Charest a longtemps dansé le limbo avant que la barre ne descende trop bas et qu’il tombe enfin à genoux, devant nos sourires carnassiers.
Mais c’est une autre corruption qui m’intéresse. Celle des idées, des convictions. Ou comment l’opportunisme peut les tordre jusqu’au renoncement, jusqu’à la trahison de soi.
Et dans ce rayon, on ne trouvera pas d’événements plus épatants que ceux qui ont entouré le projet d’amphithéâtre à Québec.
Un cirque, je vous disais. De la contorsion comme on en a rarement vu.
Fallait y être pour constater comme c’était beau. Parfois carrément périlleux. Comme chez les adéquistes qui, avant de se donner la mort sur l’autel de la popularité de François Legault, sont parvenus à renier leurs propres principes afin de ne pas déplaire aux électeurs de Québec. Toutes leurs articulations démises, l’air penaud de Gérard, ça faisait presque mal à voir. Mais cet épisode allait en appeler un autre, final: le passage sous la houlette de la CAQ consacrerait le décès de leurs idées les plus chères. Amen.
Pour les postures époustouflantes à ce cirque aux proportions épiques, ce sont cependant les péquistes qui ont volé le spectacle. Jamais on ne les a vus aussi fiers, aussi fringants depuis l’arrivée de Pauline. Dans un ultime effort pour sauver son parti, la députée Agnès Maltais avait enfin trouvé la solution: un projet de loi indigne d’une démocratie qu’elle parrainerait à l’Assemblée nationale, pour le plus grand bonheur du maire, de Pierre Karl et des buveurs du kool-aid nordique. Mais l’éblouissante pyramide humaine s’effondrerait quand quelques spécimens rares de la politique, ceux qui font passer les idées avant le pouvoir, allaient choisir de quitter la parade pour cause de cas de conscience. Tandis que les gens du spectacle déboulaient dans l’arène, nous pouvions assister à un des plus beaux psychodrames publics de l’histoire de la politique québécoise.
Finalement, les seuls qui s’avéreraient fidèles à eux-mêmes seraient les conservateurs. Mais leur très brève carrière au cirque de l’amphithéâtre PKP, avant d’en démissionner (on se souviendra de l’épisode des chandails des Nordiques et des contorsions qui allaient suivre là aussi), leur serait fatale. Ce dont le parti se vengera, après avoir pris le pouvoir, en n’accordant aucun contrat de sa marine re-royale à la Davie.
Mais ce spectacle n’a pas été uniquement politique. Le hockey transcende les genres. Ainsi, les habituels cheerleaders et les opportunistes de service ne seraient pas en reste et participeraient eux aussi au cirque. On allait alors voir un éditorialiste du Journal de Québec se découvrant une passion tardive pour les installations financées par l’État, affirmant pour se justifier que cet amphithéâtre serait «la maison du peuple». Presque au même moment, des animateurs aux idées aussi arrêtées qu’à droite se laisseraient séduire par le projet avant d’en faire leur credo afin de courtiser le volatil auditoire en manque de pousseux de puck. Les uns mettraient sur pied des séances d’épanchements publics au Colisée, les autres des voyages à travers l’univers du hockey professionnel, tout ce beau monde rivalisant d’imagination en période de sondage.
Quant aux incertains, à ceux qui doutent, ils se seront tus pour la plupart, de peur de subir l’anathème, que le maire et les amants de notre sport national ne les fassent condamner à l’exil pour hérésie.
À la fin, presque tout le monde se sera trahi au moins trois fois, sauf peut-être une personne.
Un type venu nous dire depuis le début que le deal semble mauvais, que ce projet de loi, c’était peut-être pas l’idée du siècle. Et tous ensemble, nous nous sommes entendus pour crucifier celui-là, et pas les autres.
Finalement, l’année n’aura pas été qu’un cirque. 2011, ce fut aussi la naissance d’une tragédie, un grand récit avec des martyrs, et des vainqueurs qui écrivent l’histoire. L’Évangile selon Régis, genre.
POUR UNE FOIS – Parlant de crucifixion. Mon idole, Éric Duhaime, déchirait sa chemise sur Twitter l’autre jour. Il y disait avec cette habituelle certitude qui confine à la suffisance que si un politicien conservateur avait tenu les mêmes propos que Justin Trudeau, les médias l’auraient lynché.
Rappelons l’histoire. Le ministre de l’Environnement Peter Kent a critiqué la néo-démocrate Megan Leslie pour n’avoir pas joint les rangs de la délégation canadienne à Durban, alors que son gouvernement le lui avait justement interdit.
Outré par l’hypocrisie du ministre, le libéral Trudeau a envoyé à Kent: you piece of shit. Tas de merde.
Ce que notre ami Duhaime ne saisit pas, c’est que Trudeau a passé toute sa carrière politique à proférer d’épouvantables niaiseries. Pour une fois qu’il dit quelque chose de juste, on ne va quand même pas le lui reprocher.
Très bien dit !
Belle passion que le hockey. C’est la nouvelle bible du Québec. Maintenant qu’il faut payer la dîme, Régis a trouvé en catastrophe l’idée géniale de privatiser les services horticoles et l’entretien ménager, probablement les travailleurs les moins rémunérés du Vatican de Québec. « C’est connu, quand c’est privé, c’est moins cher! » dit le curé, en parole d’évangile. Dites-moi comment peut-on coûter moins cher tout en dégageant des profits pour le big boss ? Réponse : en offrant des salaires encore plus bas. « Oui mais ça fait des syndiqués de moins ! » psalmodie Duhaime dans le jubé. ― «Vous avez vraiment du temps pour lire Duhaime, vous », demande le bedeau, consterné ?
Vous connaissez cette histoire africaine ? Quand y sont venus chercher le boulanger, je n’ai rien dit. Quand y sont venus chercher le forgeron, je n’ai rien dit. Quand y sont venus chercher la sage-femme, je n’ai rien dit. Quand y sont venus me chercher, j’ai crié mais y avait pu personne pour m’entendre.
En conclusion. Je ne crois pas qu’on crée de la richesse collective en appauvrissant des travailleurs. On crée des riches, par contre.
Ce que je trouve disont »inquiétant »avec le projet d’amphithéatre (Videotron-Québecor-Péladeau etc…),c’est que par le passé, ici au Québec, nous nous sommes malheureusement fait une spécialité des »Elephants Blancs »!(Voir Aéroport Interntional de Mirabel et le Stade Olympique,sans compter la honte des ruines neuves de l’Ilot Voyageur).En espérant que la solution PPP soit la bonne pour le projet de Québec avec des Nordiques »cerises sur le gateau »???Bonne chance.
Je vous le dis, au cas ou vous ne sauriez pas, nous sommes en pleine décadence de civilisation: le bon peuple ne désire que du pain et des jeux…et nos empereurs de construire des colisés, des stades et les remplir de gladiateurs qui vont distraire ce bon peuple pendant que nos empereurs remplissent leurs escarcelles quand tout s’écroulera, disparaitront les poches pleines….
Ce qui s’est passé en 2011 n’est probablement qu’un prélude à ce que nous apportera 2012. Que la mise en branle, l’amorce d’une trajectoire qui sera parsemée de plus en plus de gouffres de plus en plus profonds. Réjouissant comme perspective, non?
Pas tellement…
Mais, pour limiter au moins un peu les risques, il faudrait interdire la politique active aux incompétents ainsi qu’aux opportunistes. Faisant de la sorte que nous nous retrouverions alors avec tout au plus une petite poignée de politiciens dignes de nous représenter et de gérer nos affaires collectives. (Ce qui pourrait bien, tout compte fait, valoir mieux pour nous tous que la collection peu qualifiée chargée de veiller au bien public que nous avons élue faute d’un meilleur choix de candidats…)
Évidemment, ni l’incompétence ni l’opportunisme ne seront retenus comme empêchements pouvant disqualifier qui que se soit de postuler pour s’amener spolier nos ressources et/ou pédaler dans la mauvaise direction.
Faudra donc nous y faire une année encore. Enfin, presque une année. Car, la «bonne nouvelle» si j’ose dire, c’est que si l’on se fie à la prédiction Maya, le terminus est prévu pour le 21 décembre 2012. À quelle heure? Ça, je ne sais pas… Mais fin du voyage avant le 22.
Z’avez pas hâte…?
J’ai habité à Québec deux ans. J’ai jamais pu m’habituer, quoique le campus de l’Université Laval est de loin le plus beau du Québec , et peut-être même de toute l’Amérique du Nord. Et les Québécois n’aimaient pas mon accent montréalais,une grande déception pour tout Montréalais incapable de s’imaginer qu’il a lui aussi un accent quand il voyage dans les différentes provinces de son Québec innommé…
Labeaume, son grand avantage, ce sont les fonctionnaires qui règnent, et contre nous montréalais. D’où la mauvaise humeur de notre bon Gérald, notre maire fort intelligent et fort discret, qui sait bien qu’il n’est qu’un figurant dans la ville la plus diversifiée du pays à faire.
Cette histoire de « la maison du peuple » avec son amphithéâtre, ça me fait rire. Ça me rejoint dans notre véritable Histoire, et sa Révolution Tranquille des années 60. Nos intellos fraîchement revenus de Paris n’en revenaient pas, eux qui criaient sur tous les toits universitaires que le début de cette révolution, c’était « Le Refus Global »…Mais non, en fait on le sait, ce qui a fait basculer le Québec dans la modernité, c’est la télévision, le rock and roll et surtout…Maurice Richard! Notre plus grand peintre, Riopelle, grand amateur de voitures américaines, ne s’en est jamais caché qui vouait une admiration sans borne pour le Rocket! Il s’est même fait photographier avec notre plus authentique patriote, en acceptant un bâton de hockey signé par lui.
Labeaume voudrait bien ramener ça, mais à Québec. J’ai beau être Montréalais corps et âme, en quelque part, j’admire la ténacité de cet homme. Surtout quand on voit ce qu’est devenu le CH de Gauthier et cie, une misérable réplique qui ne parle même plus la langue de la majorité. On m’objectera que Maurice Richard ne parlait guère, qu’il était aussi taciturne que les charbons ardents dans ses yeux quand il allait compter des buts gagnants chez les Anglais
Québec est la capitale de notre pays et les gens qui l’habitent sont francophones à 90%. Ils ne se sentent aucunement menacés. Ils flagornent, jouent du coude ,se vantent à tout vent et mènent le bal de l’audace impure en affaires comme en administration gouvernementale. C’est leur Refus Global des dangers qui guettent le Québec, où les meilleurs joueurs de hockey québécois sont chez les Anglais et se font un malin plaisir de venir scorer leurs buts gagnants chez-nous les « de souche ».
Les Nordiques? Je ne vois pas comment ils pourront s’installer à demeurre à Québec, si le CH dénaturé de Montréal ne réussit pas bientôt à retrouver sa vraie nature. À moins que Labeaume déménage à Montréal avec ses Nordiques, pour faire contre-poids, la seule ville au Québec capable de faire vivre dans le même amphithéâtre deux clubs de hockey professionnels. Les parties entre le CH et les Nordiques seraient assez extraordinaires, et prophétiques, qui nous ramèneraient en ville un peuple qui ne sait pas qu’il score dans son propre filet tout en croyant compter le but gagnant du Québec tout entier contre l’anglais. Dans le monde de la peinture, on appelle ça l’abstraction surréaliste, telle que l’a renié Riopelle dans son « Hommage à Rosa Luxembourg », qui nous montre les oies heureuses jusqu’au bout de leurs grandes ailes patineuses dans l’air quand elles rentrent chez elles, à l’Île aux Grues. Une île magique dans notre fleuve, plus proche du Rocket montréalais que de la NHL américaine…
Jean Claude, vous avez sans doute raison en disant :
« Québec est la capitale de notre pays et les gens qui l’habitent sont francophones à 90%. Ils ne se sentent aucunement menacés. » mais le problème est plus grave, à mon avis. J’ai commencé à vraiment connaître les gens ma région il y a quelques années, plus précisément avec la monté de l’ADQ et tout le support médiatique que lui ont offert les radios indépendantes. Ensuite, la vague conservatrice fédérale est venue confirmer le tout. Je pense que la population de la région de Québec est encore dans le complexe du colonisé. Le colonisé a honte du mépris que lui manifeste le colonisateur. Pour s’en sortir, le colonisé arbore les signes culturels du colonisateur et manifeste à son tour du mépris envers ses frères de culture. Tous ceux qui défendent alors la langue et la culture française se font étiqueter de « chiqueux de ceintures fléchées » par ces citoyens-adolescents qui n’ont pas le courage d’affirmer et d’assumer qui ils sont. À Québec, sous prétexte de ne pas vouloir vivre dans un ghetto francophone nous sommes en train d’installer un ghetto idéologique anglophone. On voit alors tous les prosélytes de l’extrême droite américaine trouver une terre d’accueil dans les médias privés de la région : du pain et des jeux pour la plèbe, le cash pour les grands.
Merci à vous monsieur David Desjardins. Et permettez-moi de saluer au passage votre lucidité et votre talent.
Votre billet m’entraîne sur la voie de la réflexion; en reposant une question qui me hante: où commence nos contorsions morales?
Ou comment en venons-nous à bêtement trahir ce qu’il y a de meilleur en nous tantôt pour du pouvoir ou tantôt pour de l’argent…
Merci encore M. Desjardins et une année 2012 toute en santé pour vous et vos proches…