J’ai rempli des boîtes dans toutes sortes de circonstances. Des déménagements heureux. D’autres tragiques, précipités, bouclés dans le climat hostile des relations qui partent en vrille et dont on ramasse les derniers vestiges déposés en pile informe par son ex sur le palier de l’escalier de secours. Je me suis aussi sauvé, emportant tout ce que j’avais d’essentiel et laissant le reste derrière, parce que je savais qu’il fallait faire la coupure d’un coup, comme on tire net sur un pansement pris dans le poil.
Quand j’ai paqueté mes effets personnels au Voir la semaine dernière, la chose a été assez simple, plutôt sereine, l’ensemble tenant presque dans une seule boîte. Quelques livres, ma tirelire de Darth Vader, une paire de gants de boxe, une affiche autographiée par PJ Harvey et quelques cossins qui traînassaient au fond de mes tiroirs. Cartes d’affaires, carnets de notes, photos.
Le seul truc que j’aurais vraiment voulu emporter lors de ma dernière journée au poste sans pouvoir le faire, c’est les archives du journal.
Dix années comme rédacteur en chef. Cinquante et une couvertures par année. Quantité d’articles, de critiques, couvrant principalement le milieu de la culture. Mon milieu. Tout cela sous ma direction, le fruit de mes décisions.
On me demande souvent comment je suis arrivé à ce job. Outre un enchaînement de circonstances qui ont fait de moi le rédacteur en chef de cet hebdo, ce sont les artistes qui ont forgé mon parcours, qui m’ont mené là, à la tête de cet important journal. Ce sont eux que j’aime. Au-delà de l’industrie de la culture et du marché de l’art.
De Kerouac à Lepage, de Lenny Bruce à BGL, de Wim Wenders à Fred Fortin, de Louis Bélanger à Patrick Modiano, tous les artistes que j’ai fréquentés dans l’intimité de mon salon, dans l’autobus, sur la scène, dans des salles obscures ou en tête-à-tête, tous ont tracé la voie pour moi. J’ai trouvé chez eux des réponses, des questions aussi. J’y ai découvert le mystère, l’incertitude, l’inconfort lorsqu’on perd pied devant l’absurdité et le réconfort de ne plus être seul dans cette chute libre.
Mon école, c’était Rolling Stone, Les Inrocks, Rock & Folk, Lire et Voir. Mes profs, c’étaient Nick Tosches, Lester Bangs et Philippe Manœuvre. Le sujet: la vie passée à travers le filtre de l’art comme moyen de comprendre la vie. Ou d’essayer.
Je quitte la barre de Voir alors que les artistes subissent des assauts de toutes parts. On les raille pour leurs opinions politiques qu’on dit navrantes de simplicité, on dénonce les subventions qui leur sont versées, on les juge comme une influence néfaste sur une population impressionnable.
Si ce n’était que des tatas de la radio et d’Éric Duhaime, on pourrait toujours sourire. Mais la même attitude préside désormais aux destinées d’un pays qui est de moins en moins le mien.
Alors disons les choses comme elles devraient être dites une fois pour toutes. Il faut bien admettre qu’un producteur de cinéma à succès qui se retrouve au premier rang des subventionnés pour son prochain film relève de l’absurdité. De même qu’un rockeur archi-populaire ne devrait probablement pas recevoir un sou de l’État pour produire son nouvel album.
Mais alors que j’écris ceci, on apprend que le gouvernement du Québec investira 35 M$ dans la relance de l’usine Stadacona après que ses propriétaires (la White Birch, possession du milliardaire Peter Brant) l’eurent fermée afin d’effacer ses engagements envers le syndicat (un fonds de pension déficitaire de 350 M$) pour mieux la vendre au rabais. Ainsi, le gouvernement cautionne le comportement de bum d’une compagnie godzillionnaire.
Ça remet les choses en perspective.
Quant aux opinions politiques des artistes, elles souffrent bien souvent d’anémie intellectuelle. Mais certainement pas plus que ceux qui sont animés par un dogme à géométrie variable où la droite économique peut s’accommoder de contorsions lorsqu’il s’agit de financer le hockey, par exemple. Sans parler des ministres créationnistes et autres débilités du genre.
Ces critiques contre les artistes ne devraient jamais occulter le plus important, soit le rôle qu’ils occupent dans nos vies. Je vous le disais, ils ont changé la mienne. Et je suis loin d’être seul.
Qui d’autre nous parle de nous avec autant de franchise? Qui d’autre peint nos familles, décrit nos envies, retrace nos errances et chante l’amour, le cul, la mort?
Je me suis parfois demandé à quoi rimait ce job. Au moins 200 courriels quotidiens, des attachés de presse à mes trousses jour et nuit. J’exagère à peine.
Mais voilà, au bout de ces 10 années, les choses s’éclaircissent et semblent assez simples: il s’agissait de parler de ceux qui importent le plus pour moi en dehors des gens que j’aime. Pas seulement les artistes qui ont quelque chose à vendre, mais aussi ceux qui ont des trucs à dire, parfois même à nous apprendre. Ne serait-ce qu’en nous montrant un nouvel angle duquel on peut observer le monde.
J’en ai connu plusieurs en même temps que vous, parce que les gens qui travaillent chez Voir sont souvent en avance sur tout le monde, y compris moi. Je remercie tous ces journalistes allumés. Aussi Desmeules de m’avoir engagé. Les boss de m’avoir laissé faire tout ce que je voulais ou presque. Et tous les autres rédacteurs en chef, chefs de section, coordonnatrices, correctrices, adjoints, vendeurs, directeurs de tous les services… Tous ces gens (y compris les relationnistes!) avec lesquels j’ai aimé bosser tout ce temps, allant si rarement au bureau à reculons que je ne peux faire autrement que d’affirmer que c’était le meilleur job de l’univers.
C’était aussi un super job parce qu’il y a vous, qui me lisez et qui pourrez continuer de le faire, puisque je quitte ma chaise de rédac’ chef, mais je reste à la chronique. Merci d’être là.
Je sais que d’autres l’ont fait avant moi, et sans doute mieux, mais je vous embrasse pareil, bon.
Monsieur,
je savais que vous partiez depuis un certain temps. Mais votre départ me défonce comme si je l’apprenais à l’instant. Je vous ai lu religieusement, même lors de mes études en Allemagne je continuais de vous suivre.On s’est même déjà mutuellement envoyé se faire foutre sur une des vos textes sur Nelly Arcand. Il m’est arrivé de vous haïr, oui, vous avez à quelques occasions écrit, selon moi de la merde. Toutefois, soyons honnêtes, vous m’avez fait hurler de rire et de joie, plus souvent qu’on ne le pense, vous étiez une de rares lueurs dans la nuit médiatique québécoise: je vous aussi autant aimé. Oui, je le pense. Toujours est-il que votre départ est une très lourde perte pour la ville de Québec et qui en dit long sur la médiocrité collective qui sévit en force depuis 10-20 ans, la post-modernité qui nous rentre dedans, mais qui ne fessera pas aussi fort que le mur vers lequel la collectivité québécoise fonce d’ici les 15-20 prochaines années, mur que vous avez su si bien décrire.
C’est avec la larme à l’oeil que je vous dis au revoir. Sincèrement, je vous respecte et vous admire. Vous m’avez influencé dans mes études et mes voyages plus que vous ne le pensez. Continuez d’être qui vous êtes et surtout écrivez, encore, svp., autre chose que des chroniques et des éditos…..
Roll the dice -Bukowsky.
Yannick Cormier
Historien
On dirait que je ne fais que vous critiquer mais si on regarde avec attention on remarquera que c’est exactement ce que je fais (ça fait partie de votre job, la meilleure de l’univers). Votre amour des artistes me semble pitoyable : un artiste a un nom et une adresse; il peut être un génie dans son domaine (rarement) et un parfait imbécile dans tout le reste; un artiste peu écrire des très beaux romans et être en même temps un salaud (disons Céline, pas Dion, Louis Ferdinand Céline); un chanteur peut avoir une belle voix et un QI de 40. Les artistes sont peu de chose, c’est l’Art qu’il faut aimer et défendre, comme les scientifiques sont peu de chose à côte de la Science.
Ah, peut être un jour ces chroniqueurs seront capables d’avoir des pensées globales et universelles et ils arrêteront de se regarder le nombril et celui de leurs copains! Mais je rêve éveillé…
Comme c’est vous qui en avez fait la meilleure job au monde, vous l’amenez avec vous. Je vous souhaite une autre meilleure job au monde, ce qui ne m’empêche pas d’être attristée en ce moment pour la perte.
Bon, je comprends que tu restes finalement, puisque tu continues tes chroniques. Le reste c’est de la poutine interne, à moins que ton futur rédacteur en chef te censure. Merci de rester. Je te lis fidèlement depuis tes débuts.
Donc, vous partez tout en restant, Monsieur Desjardins… Mais pour combien de temps, réellement?
D’autant plus que plusieurs autres avant vous, et cela tout récemment encore, sont partis. (Et pas toujours en restant!)
Cette fin d’année verra-t-elle, en bout de ligne, un «party de Noël» des «partis» pour ainsi conclure l’aventure?
Une aventure qui affiche des signes à l’effet qu’elle vivote bien davantage en ce moment qu’elle ne se poursuit vaillamment? Ne laissant plus – avant longtemps peut-être – qu’un brave veilleur de nuit sur place?
Jusqu’à ce que quelqu’un ne vienne finalement éteindre ce qui clignotait encore sporadiquement çà et là dans les locaux devenus déserts du septième, puis qu’un autre passe changer les serrures, et que la vie continue malgré tout – quoique autrement…
Trop de signes précurseurs venant s’ajouter les uns aux autres en cette année que les Mayas ont depuis longtemps déjà annoncé comme devant être l’année de la fin du monde. Consolons-nous donc, car même si l’aventure devait s’arrêter, toutes les autres aventures s’arrêteront aussi.
Le néant égalitaire. Pour tout le monde.
Ha ha ha ! J’aime bien ce concept de « néant égalitaire ». On va certainement y arriver avec la convergence des médias.
Merci pour cet amour de la culture que vous partagez si bien. Peu de gens ont le courage de dire sur la place publique ce qu’ils pensent vraiment. Ça se comprend : le monde n’est pas un lieu sûr. Vous avez le courage de partager sincèrement, vos idées, vos analyses et vos émotions dans cette chronique. Nous avons souvent été témoins du mépris et de la haine qui vous étaient adressés en retour dans les fils de commentaires. Il faut une bonne dose d’estime de soi pour faire ce job. C’est pareil pour les artistes, avec la nuance que ceux-ci sont déjà tellement fragilisés économiquement que toute expression idéologique peut définitivement les mettre sur la paille. C’est pourquoi bon nombre d’entre eux choisissent de chanter des stupidités ou de jouer au miroir narcissique de leur public.
L’art ouvre l’esprit, l’imagination, l’imaginaire. Il révèle l’être à lui-même. On constate que sans lui, il ne reste que guère que le créationnisme comme ultime secours à l’existence. C’est pourquoi il faut aimer l’art, mais également les artistes.
Oui, ED, un chanteur peut avoir une belle voix et un QI de 40, vous parlez alors probablement d’une vedette insipide qui n’a rien à dire et peu de ressources créatives (Take a kayak!). Quant au caractère des artistes, ils ont le leur comme on a le nôtre, mais ils ont surtout le courage de monter sur scène malgré le mépris et le ridicule dont ils sont la cible quand les chiens aboient du fond de leur cours. Merci M. Desjardins pour tout ce travail et le plaisir de vous lire chaque semaine. Bonne route.
J’oubliais: c’est par pur snobisme que M. Desjardins parle de LE meilleur job de l’univers, à la place de la traditionelle job québécoise? Un autobus, un ascenceur ça reste toujours masculin, ici ou ailleurs, même s’ils sont féminisés dans la langue de la rue. Mais de même qu’un party est masculin ici et féminin en France, la job reste ici féminine même si le l’autre côté de l’Atlantique on pense autrement.
Eh oui, suis snob. Heureusement que vous êtes là, très cher ED, pour éclairer les masses aveuglées par ma prose fleurie qui ne voient pas que, derrière le voile gauchisant de mes écrits, se cache un sale bourgeois cependant trahi par ses fantaisies stylistiques. Heureusement, vous veillez au grain.
Oh, by the way, l’Art qui se fait sans artiste, ça se trouve où?
dd
Libre à vous de défendre les artistes, comme ça, en gros, ça inclut Danny Turcotte ou Mahée Paiement, des artistes qui sont à l’art ce que la République Démocratique du Congo est à la démocratie. Je ne gaspillerais pas une microcalorie, ni une nanoseconde pour justifier l’artiste Untel, la littérature, le cinéma ou la BD sont plus que les gens qui écrivent, qui font des films ou de la BD.
Ed, trop de gens confondent artiste et vedette, ou vedette de TV (encore pire). À chacun de faire la part des choses. Chose certaine, c’est que sans éducation, ça semble difficile.
ED, avez-vous déjà lu Voir Québec? C’est quand la dernière fois que vous y avez lu une entrevue avec Mahée Paiement? Si j’écrivais la même chose dans le 7 jours, je comprendrais cet argument. Mais là… Je ne suis pas parfait, loin s’en faut. Je n’exprime qu’un point de vue, le mien. Que je cherche à rendre divertissant, dans une langue qui a du rythme, des couleurs. Après, pour le reste, tout se discute. Même les goûts. Surtout les goûts, en fait. Tout cela pour dire que si vous me cherchez des défauts, promis, vous en trouverez tout plein. Mais il se pourrait que ce que vous considérez comme une faute est pour moi une réussite. En fait, à vous lire, il y a de fortes chances que ce soit le cas. Ne faites pas trop d’effort, quand même, pour essayer de comprendre ce que je fais ici. Pour quelque chose de plus soutenu, il y a les chroniques de Denise Bombardier.
M. Desjardins, vous vivez grâce aux mots, ce sont les phrases que vous écrivez qui payent vos factures, les mots vous permettent d’essayer de tenter de commencer à insinuer une suggestion de changement. Autant bien les utiliser!
Si vous cherchez à toucher vos lecteurs, c’est réussi. Vos textes atteignent leur but, de la même manière que les chansons de Céline Dion font pleurer quelques uns. Mais si vous voulez inciter une réflexion, soyez prêt à recevoir des critiques. Le fait que je ne sois pas d’accord avec vous ne fait pas de moi un imbécile… mais je ne suis pas sûr que soyez prêt à accepter ça.
(Mahée Paiement et Danny Turcotte sont bel et bien dans le bottin de l’Union des artistes, faut pas avoir sa photo sur VOIR pour acquérir le rang d’artiste).
Discuter, être critiqué? J’y suis disposé, mais pour cela, il faut avoir au moins un peu de respect pour la personne devant soi. J’en aurais pour vous, monsieur, si vous ne faisiez pas preuve de la plus exaspérante mauvaise foi. Or, en assimilant tous les artistes du bottin de l’union à ceux dont je parle dans une chronique où il est question de mon travail au Voir comme rédacteur en chef, aux artistes qui ont changé ma vie, c’est ce que vous faites. Sans parler des procès d’intentions que vous me faites régulièrement. Après, vous pouvez me comparer à qui vous voulez. Céline Dion? Ok. Lara Fabian si vous voulez. Ce que vous ne semblez pas comprendre, c’est que j’ai choisi de faire cette chronique en la laissant dériver d’un côté à l’autre, entre le sérieux de la réflexion et la sensibilité de l’âme. Ce qui fait de vous un imbécile, mon cher, ce n’est pas que vous ne soyez pas d’accord avec moi, ni que vous détestiez mon style (vous en avez bien le droit, ne pas aimer, ce n’est pas être un con). Mais ce vous distingue et vous place du mauvais côté de la ligne, c’est votre incapacité à comprendre qu’il s’agit ici d’un espace de liberté où je n’aspire à rien d’autre qu’à jouir de cette liberté pour en faire à la fois un lieu de réflexion, mais aussi de divertissement, où je me permets des errances, des erreurs, des humeurs, reflétant ainsi une idée de ce que devrait être un humain complet, un citoyen et un être doté d’une âme, et que cela me dispense d’être toujours dans le sérieux de la réflexion approfondie. Quand vous aurez enfin compris que c’est là l’esprit de cette chronique, nous pourrons avoir des discussions. Quand vous cesserez de lire entre les lignes avec une inclination maniaque qui vous confine à la paranoïa, on reparlera calmement. J’en ai des musclées, des discussions, et souvent, dont plusieurs avec des amis qui ne partagent pas mes points de vue. Ils sont nombreux. Mais je ne peux pas parler avec vous, monsieur. Parce que vous ne pourrez jamais comprendre ce que j’essaie de faire ici. C’est comme s’il vous manquait une fibre pour saisir. C’est même pas une question d’intelligence, enfin je ne crois pas. Ou peut-être que si, finalement.
Nous avons tous les deux autre chose à faire que discuter avec un inconnu. Mais permettez moi de faire quelques précisions. En même temps que vous utilisez cet espace de liberté pour exprimer votre opinion, vous souhaiteriez que je renonce à ce même droit? Vous avouez n’avoir aucun respect pour moi et me considérer un imbécile, un cher imbécile, mais en même temps vous exigez mon respect? Vous qui m’avez traité d’ahuri car vous ne comprenez que le langage des louanges? Ce que vous appelez ma mauvaise foi, mon manque de respect ou mes procès d’intention, n’est autre chose que mon désaccord profond avec beaucoup de vos idées (vous avez raison, je déteste en plus votre style littéraire, peut être est-ce ça qui vous choque tellement, j’ai peut être touché une corde sensible)…
Jimmy Beaulieu, le bédéiste montréalais, essaie d’expliquer aux français la mentalité québécoise (Le tour du monde en BD, Vol 1, Delcourt). Entre autres, cet extrait m’a fait penser à vous et à votre club de fans:« amis Français, vous qui avez tendance à mesurer la qualité d’un personne à ses prouesses lors d’une joute d’escrime verbale, sachez que le Québécois s’y adonne avec un handicap de poids de nombreuses générations de papas taciturnes. Il joue ce jeu à contre courant de tous ses plis naturels. Il est fort sain pour lui de découvrir ce sport en votre compagnie. Il faut qu’il apprenne, ça donne une société ou les débats sont rares et maladroits, souvent orientés par le partisanisme binaire plutôt que par la réflexion et l’échange« . Ça reflète très fidèlement, à mon avis, votre attitude.
Amicalement,
ED
(désolé, je dois me cacher sous un pseudo, mes fonctions m’empêchent d’en faire autrement).
salut ED.
je n’arrive pas à m’imaginer une « fonction » qui contraindrait quelqu’un à se cacher pour critiquer un chroniqueur.
selon moi tu ne veux pas que ton entourage sache que tu t’adonnes à la médisance sur le compte d’un homme respectable. alors, honteux, tu te caches.
mais je me trompe peut-être. quelle est-elle donc, cette fonction, qu’on en ait le cœur net?
ED. Moi quand je n’aime pas le style littéraire de quelqu’un, je ne m’acharne pas à le lire pour le simple plaisir de le haïr. Votre façon de mépriser les Québécois fait très Québécois. Mépriser sa nation c’est un réflexe de colonisé (avoir honte, ou être jaloux, c’est pareil, de ceux qui osent revendiquer leur identité face au colonisateur). À vous lire monsieur ED, je présume que vous êtes quelqu’un d’instruit, un érudit peut-être, ou un intellectuel. C’est tout à votre honneur. Mais aussi je devine de vous une personne qui a toujours priorisé la pensée rationnelle mais à qui il manque cruellement de coeur, de chaleur humaine et d’imaginaire. Toutes ces qualités qui donnent à un texte une fonction littéraire plutôt qu’administrative. Toutes ces qualités qui enrichissent nos rapports humains, même avec les gens qu’on ne connaît pas. Mais vous avez autre chose à faire, n’est-ce pas ?
Le pseudo n’engage que moi, mon nom engage mon organisation.
Juste un rappel rapide: je parlais du snobisme du chroniqueur qui parle du job en masculin et qui défend les artistes en général, à la place de l’art.
Je crois que j’ai compris le message : critiquer le chroniqueur c’est de la médisance, ne pas être d’accord avec D. Desjardins fait de moi un dangereux libertaire de droite doublé d’un imbécile qui vénère la libre entreprise et déteste la culture et les arts.
C’est un don naturel ou bien est-ce qu’il faut prendre un cours pour déformer ainsi la réalité? Vous voyez une puce et vous décrivez un éléphant.
Faut être vraiment borné et partisan (partisan de quoi finalement? De la belle image que vous vous faites de vous-mêmes?) pour caricaturer ainsi toute opposition. Cette mentalité simpliste est désolante. Mais ce qui m’inquiète le plus c’est cet esprit de meute qui vous habite vous les lecteurs, cette nécessité de vous identifier au groupe, cette impossibilité que vous avez à afficher une opinion contraire. Faudrait ne pas confirmer que les masses sont stupides!
Soit on est d’accord (tu es génial David, je suis d’accord avec tout ce que tu dis, j’ai des papillons dans l’estomac en te lisant, never change, best for ever), soit on la ferme.
Fallait le dire dès le début quelles étaient les règles du jeu!
Donc, je la ferme.
« C’est un don naturel ou bien est-ce qu’il faut prendre un cours pour déformer ainsi la réalité »
Vous savez ce que c’est, ED, la réalité…??? Dites le moi, je la cherche encore.
Ahahah, c’est très drôle M. D (votre pseudo, vous ne l’avez pas toujours utilisé, donc je ne m’en formalise pas). Moi, binaire? Ce que vous ne comprenez pas, ce que vous ne parviendrez jamais à saisir, c’est que vous ne critiquez pas ce que j’écris. Vous cherchez quelque chose qui n’est pas là et vous le critiquez. Chaque fois, c’est la même chose. Vous dites que tous les artistes ne sont pas des saints. Wow, la révélation, toi. Ben oui, Céline était un sale facho et AUSSI un brillant écrivain. Évidemment, ça nous laisse devant son oeuvre comme étant du génie et le type comme étant un connard. C’est l’équation facile à faire. Plus difficile, c’est de dire que la réalité est quelque part ailleurs, en marge de la morale risible qui vous accable et vous place dans le rôle du bon papa bien-pensant de service.
Le problème, c’est que vous me rentrez dedans sur un discours que je ne tiens pas. Nulle part. Je ne suis pas en train de juger de la valeur relative des artistes versus leur oeuvre. Je ne parle seulement de mon expérience avec certains artistes et leur travail, comme ils ont changé ma perception du monde grâce à la leur.
Je me suis souvent fait « casser » par des gens bien plus intelligents que moi. Ceux-là m’écrivent généralement en privé, Ils n’ont pas envie de se donner en spectacle, et surtout pas de donner dans une aussi risible démonstration d’indigence intellectuelle comme celle à laquelle vous vous adonnez régulièrement.
Je prends les remontrances comme les accolades. En les lisant, on devine ce qu’elles valent. On a parfois des admirateurs qu’on préférerait ne pas avoir. Et des adversaires qu’on apprend à aimer pour leur intelligence remarquable et leur capacité à nous pousser dans nos derniers retranchements.
Ce que vous faites, c’est un travail de sape. Il n’y a pas de place à la discussion parce que vous ne voulez pas en avoir. Vous voulez me trouver un défaut. Vous vous faites un plaisir de le faire. C’est facile, et vous vous flattez de ne pas joindre les rangs de mes admirateurs, d’être capable de me prendre en défaut. Sauf que ce n’est pas ce que vous faites. Vous trouvez des choses que je n’ai jamais dites et me les reprochez. Et ça, c’est juste bête et ridicule.
Vos insultes sont l’aveu de votre échec.
Ils s’appellent comment ces analphabètes qui savent déchiffrer les mots mais pas comprendre le sens d’un texte? Vous ne seriez pas atteint? Et à un niveau aigu, car vous ne comprenez même pas ce que vous écrivez!
Tenez, regardez, regardez ce que vous avez écrit cette semaine :
« La meilleure… heu non, si jamais un éditeur français lit ça je suis foutu : LE meilleur job de l’univers.
Je commence par quelque chose de sentimental, mes départs, mes abandons, j’étale mes échecs et mes faiblesses : le lecteur est à moi!
Après, la scène où je trie sereinement mes affaires, faut que je paraisse fort.
J’aurais aimé garder les archives du journal, je ne vais pas dire pourquoi ni développer cette idée, mais je vais l’écrire, tiens. Ça montre combien j’ai aimé cette… heu, ce job. Faut que je me vende bien, cette chronique est presque un CV, voilà quelques phrases dans lesquelles j’apparais comme un passionné mais aussi comme un gestionnaire, je sais prendre des décisions moi môssieur!
Ensuite… qu’est-ce j’écris… ah oui, mes remerciements, mais pas aux collègues ni aux collaborateurs, désormais ils ne me sont plus utiles… voyons, mais oui, les artistes, il faut me les mettre dans la poche, je vais leur avouer mon amour, je vais les responsabiliser, je dirai que ce sont eux qui m’ont mit à la tête de cet important journal. Faut que je cite des noms, comme ça je vais être associé à eux. Magistral. En plus, je sous-entends que je suis chum avec toute la gang… heu… tout le gang.
Ah zut, j’oubliais de lancer une pique à la droite! Ma pique gratuite hebdomadaire, je ne peux plus m’en passer! Aucun rapport avec ma lettre d’adieu mais tant pis, une pique à la radio de Québec (faut pas que j’oublie les lecteurs de Montreal), voilà, une à Eric Duhaime, voilà, et tiens, une au gouvernement fédéral tant qu’à faire.
J’en étais où moi? Ah oui, je me créais une généalogie, Nick Toshes, Lester Bangs, je dirai qu’ils passaient la vie à travers le filtre de l’art pour essayer de comprendre la vie (sic), ce sont des chroniqueurs de rock mais personne n’ira vérifier.
Dommage, j’ai plus l’élan lyrique du premier paragraphe, c’était quoi déjà le sujet de cette chronique? Bon, tant pis, ça va me revenir, en attendant j’oubliais les syndicats, aucun rapport mais il faut que je parle de l’usine de Stadacona, ça fait toujours un bel effet. Superbe, je me suis arrangé pour leur donner aussi une claque dans la gueule aux capitalistes.
De quoi qu’on parle? Je ne suis plus le redac’ chef de VOIR, c’est vrai, mais il faut encore flatter un peu les artistes, tiens, quelques paragraphes pour montrer leur importance, celle des artistes, pas celle de leurs œuvres, c’est pas l’oeuvre qui compte, c’est l’artiste. Guernica on peut s’en passer, mais Picasso, quel homme! Je les aime les artistes, j’adore Proust… par contre, À la recherche du temps perdu c’est quand même chiant, avoue.
Ah zut, j’ai presque plus d’espace, retournons à nos moutons, ceci est une lettre d’adieu, faut pas que je l’oublie, un merci au boss et aux collaborateurs, merci aux lecteurs, juste le temps d’embrasser tout le monde et voilà, je signe,
DD. »
Bref, comme je le dis depuis le début, vous lisez ma chronique qui en est une d’humeurs, comme s’il s’agissait de celle d’Ignacio Ramonet dans le MD. Vous me faites des procès d’intention et me prêtez des idées que je n’ai jamais exprimées. Business as usual (j’ai le droit d’utiliser des expressions anglaises, ou ça fait trop plaqué? Je vous demande la permission, hein, puisque vous détenez le monopole du bon goût).
En fait, vous avez l’air de quelqu’un qui va à la cabane à sucre toutes les semaines et qui s’étonne chaque que tout y soit si sucré. C’est un aveu: des fois, ma chronique colle un peu aux doigts, c’est vrai.
Pour le reste, bien sûr que ces chroniques ont des défauts, tout plein même. C’est juste que vous parvenez à en trouver qui n’existent pas. Remarquez, je vous comprends, j’ai la même affection pour d’autres chroniqueurs que celle que vous avez pour moi. C’est amusant de détester les gens.
Et pour l’insulte, elle n’est pas gratuite. Ce n’est pas non plus un aveu de défaite. C’est juste une constatation. Des fois, tu t’engueules avec du monde, veulent juste pas comprendre, y’a rien à faire, c’est comme si vous parliez une autre langue. Et là, tu dis: ah le con. C’est comme une ponctuation, ça dit: ok, on n’arrivera à rien avec pareil énergumène.
Bonjour David!
Tes chroniques me manquent déjà, dommage ton départ…Comme quoi ce sont toujours les meilleurs qui quittent en premier pour paraphraser un autre contexte! Au plaisir de te revoir et de te lire ailleurs….
M. Desjardins,
Il y a maintenant plusieurs années que je lis votre chronique et cent fois j’ai voulu vous écrire pour vous remercier pour votre travail… sans jamais venir à bout de le faire. Il faut croire que ça prenait l’annonce de votre départ comme rédacteur en chef pour que je me décide.
Je suppose que si je ne me suis jamais décidée auparavant, c’est peut-être un peu parce que je savais que, quoi que j’écrive, ça ne sonnerait jamais vraiment juste. C’est un peu comme quand on se retrouve face à face avec son idole et qu’on bafouille maladroitement quelques mots pour exprimer son admiration. Après, on se repasse la cassette de la navrante conversation encore et encore en se désolant de n’avoir pu trouver la bonne façon de dire les choses.
Alors je crois que le mieux pour moi est de m’en tenir à l’essentiel. Merci mille fois de faire ce que vous faites. Merci de partager avec vos lecteur votre regard sur le monde. Merci surtout de me donner l’impression de ne pas être seule à penser comme je pense.
Isabelle
Bonjour David,
J’ai eu un gros serrement en lisant le début de l’article, et un soupir de soulagement quand j’ai compris qu’on continuerait à te lire.
Ta plume n’est pas seulement stimulante, elle est utile. Au plaisir donc de lire encore longtemps, et de beaux défis pour le reste!
Vous avez entièrement raison de parlez des artistes comme vous le faite Monsieur Desjardins car ils sont pour la plupart (et non en totalité) des gens sensibles, branchés et souvent plus politisés que la moyenne des ours. Bien sûr la communauté artistique compte aussi sur ses « cancres « et ses « abrutis « mais beaucoup moins en % que dans la population en général.
Sans les Félix Leclerc , les Jean Guy Riopelle , les Richard Desjardins , les Richard Séguin , les Sol , les Gilles Vigneault , les Gaston Miron , les Emile Nelligan et autres artistes importants le Québec ne serait pas le même aujourd’ hui . Le rôle des artistes dans une nation a toujours été et sera toujours très importants.
Votre « ami « ED sur ce blogue semble penser le contraire. Ce type ressemble a s’y méprendre au profil du membre exemplaire du Réseau Libâââârté Québec. Son discours ressemble à celui des Eric Duhaime et Joanne Marcotte, des gens qui ont pour modèle de réussite les propriétaires des dépanneurs Couche-Tard, des gérants de Banques et des petits arrivistes comme Lucien Bouchard. Des gens qui n’utilisent que leur cerveau droit étant allergiques à tout ce qui vient de la gauche. Des gens qui vénèrent la libre-entreprise et la loi du marché et qui détestent la culture et les arts en général. Des gens qui aiment bien les participants de Star – Académie tout en détestant les artistes qui OSENT s’exprimer sur la politique et la société a général.
Malheureusement les ED de ce monde se perpétuent au Québec et en cela ce n’est pas une bonne nouvelle pour notre survie. Quand les propriétaires de dépanneurs deviennent les phares d’une société nous sommes déjà dans la culture du « dollorama « et du Dix-Trente !