Après une fort honnête entrevue avec Denis Bouchard, je m'étais promise de ne pas manquer Bang!, son one man show, à Shawinigan. Curieuse, je voulais voir de mes yeux ce spectacle casse-gueule, où le comédien incarne à lui seul la dizaine de personnages grâce à la magie du multimédia. Le sujet de la production m'intéressait aussi particulièrement; Bouchard s'inspire des dessous du showbiz, milieu que je côtoie quotidiennement, pour raconter la descente aux enfers de Charles Trépanier, un concepteur de spectacles ergomane. J'étais donc de l'assistance, samedi, avec des attentes grosses comme un building de 100 étages. J'avais envie qu'on m'étonne, qu'on me chavire, qu'on me donne des frissons… Bref, je voulais que cette soirée soit marquante.
Si la performance de Denis Bouchard m'a littéralement coupé le souffle – il enfile en direct des personnages de composition; en un claquement de doigt, il devient quelqu'un d'autre avec une nouvelle voix, une nouvelle posture, de nouvelles mimiques -, je suis restée insensible au sujet de la pièce. Moi qui ai habituellement la larme facile, je n'ai pas eu un seul pincement au coeur quand le drame a atteint son paroxysme. Pourtant, Bang! traite de choses peu joyeuses, soit des problèmes engendrés par le "workolisme": l'éloignement, voire la perte de ses proches, l'oubli de vivre au quotidien, la dépression, la dépendance à certaines substances, le fait d'évoluer dans un monde parallèle hautement superficiel…
À mon retour à la maison, je me suis longuement questionnée sur la raison de mon détachement. Et j'en suis venue à la conclusion suivante: l'histoire décrivait une réalité qui n'était pas mienne. En effet, la plupart des gens que je côtoie entretiennent une relation saine avec leur boulot. Ils ont choisi un poste ou une profession où ils peuvent certes s'épanouir, mais qui leur permet aussi de prendre du temps pour eux, de respirer. S'ils travaillent un peu plus tard un soir, c'est dans le but de cumuler des heures pour prendre un congé et passer du bon temps avec leur famille. Après avoir vu nos parents se tuer à l'ouvrage, à faire des heures supplémentaires payées à gros prix, on s'est sûrement dits que l'argent ne faisait pas le bonheur, qu'il minait plutôt notre santé et nos liens familiaux (Lucien Bouchard, qui a affirmé que les Québécois étaient paresseux, n'a peut-être pas totalement tort…). Mais je crois surtout qu'on s'aperçoit que nos emplois sont précaires. Un jour, nous sommes. Puis, le lendemain, tout peut changer: coupure de poste, fusion, remaniement ou fermeture d'entreprise. On se retrouve à la rue sans le moindre remerciement. Une vie partie en fumée. Ainsi, je comprends qu'on préfère investir dans notre propre bonheur, plutôt que de vendre son âme au diable du travail. Dans ce sens, j'ai l'impression que le thème de Bang! s'éloigne d'une réalité de plus en plus courante. Quoiqu'il y en a qui se défonceront toujours au travail…
Denis bouchard est un acteur au très grand talent.Dans la série Annie et ses hommes il nous démontre une des facettes de ce talent.C’est un comédien que j’adore et qu’il ait fait ce spectacle BANG auquel j’ai assisté est pour moi un beau cadeau.De le voir sous un autre jour et interprété de multiples personnages seul sur scène est un grand défi qu’il a su relever avec brio. Une soirée qui passe vite et qui change les idées le temps d’un spectacle.
La réussite d’un «one man show» réside dans l’alliage des thèmes traités et de la performance de l’humoriste ou du comédien. Dans le cas qui nous occupe, Denis Bouchard incarne avec justesse Charles Trépanier et sa descente aux enfers. Il utilise très bien la panoplie de sa vaste palette de jeu pour personnifier toutes sortes de personnages. Son passage à la Ligue Nationale d’Improvisation doit certainement y être pour quelque chose. Donc, pas de doute sur le talent, il est au rendez-vous.
Le problème vient du choix de la thématique. Je ne suis pas convaincu que tous se reconnaissent dans la génération représentée par Trépanier; celle du travail d’abord, du travail toujours menant au gros «Bang!» de l’ACV. Cette thématique, dans un monde de précarité, de temporaire et de sous-traitance, me semble démodée. J’ai l’impression que nous en sommes rendus à la génération « C’est_Assez ». Les valeurs qui sous-tendent nos vies ont changé. Tous sont plus conscients du temps qui passe, de la fragilité de la vie, de l’importance du couple et de la famille. Or, on continue à travailler très fort, mais on ne met plus tout son bonheur dans le même panier. On sait maintenant que notre employeur peut nous rejeter au nom de la rationalisation, de la marge de profit, des coûts de production. Le « ca$h » d’abord, l’être humain ensuite.
Finalement, «Bang» est un bon spectacle même si on peut douter de la pertinence du propos. Peut-être sommes-nous vraiment, comme société, passés de la génération ACV à celle de « C’est_Assez » ? Qui sait sinon nous-mêmes.