Entre guillemets

Bonsoir, les poussinots…

Il y a une ou deux semaines, j'exprimais ma déception quant à la trop grande place accordée à la nostalgie dans la programmation des différents festivals de la région. Bien que je n'encourage pas le culte du souvenir, j'admets avoir mieux compris ce que de tels spectacles peuvent signifier pour certaines générations en allant voir Le Phénomène Passe-Partout, la nouvelle exposition du Musée québécois de culture populaire.

Je suis née l'année même où Passe-Partout a vu le jour. Je crois d'ailleurs qu'on a pris notre premier respir presque en même temps! J'entretiens donc un lien intime avec cette série jeunesse. Avec ses attachants personnages, elle a été en quelque sorte une seconde famille. Chaque soir de la semaine, on se donnait rendez-vous à 18h – au diable les nouvelles, papa les écoutera plus tard! Et pendant une demi-heure, on se racontait toutes sortes d'histoires, on se sentait compris (on n'était pas tout seul à avoir peur des monstres électriques ou à avoir de la peine), on apprenait des trucs, on assimilait de belles valeurs. Bref, on devenait une bonne personne sans qu'on s'en rende compte. Encore aujourd'hui, j'ai la tête remplie d'images colorées: les biscuits qui font grandir, les sandwiches au gazon d'Alakazoo, les becs en pincette de Madame Coucou et les maisons boîtes à surprise.

Quand j'ai appris que le Musée préparait une telle exposition, je suis restée perplexe. Je n'avais pas vraiment envie de réveiller de beaux souvenirs et, du coup, de les ternir. Peut-être était-ce un pèlerinage nécessaire? De toute façon, je n'avais pas le choix de sauter dans le bain… Travail obligeait. C'est donc animée par des sentiments contradictoires que j'ai assisté au populeux lancement. Heureusement, mes appréhensions se sont vite estompées.

Là, invités, familles, journalistes et artisans de la série se partageaient l'espace. Il fallait jouer du coude pour tout voir: les extraits d'émission, la chambre de Pruneau et Cannelle, les costumes des personnages, le baluchon de Passe-Partout, Biscuit (le phoque de Cannelle!)… La salle était peuplée d'une tonne de détails intéressants. Si j'avais d'abord espéré la présence physique des marionnettes, je suis contente de ne pas les avoir vues. Autrement, tout aurait été gâché. J'ai apprécié qu'on nous fasse découvrir les dessous de l'émission et la manière dont elle a été conçue plutôt que de nous offrir un univers figé et des personnages inanimés. Cela permettait à mon imagination de fonctionner comme à l'époque. J'ai d'ailleurs eu un choc en revoyant une vieille photo de Marie Eykel; on aurait dit Karine Vanasse! C'est malgré tout avec une joie secrète que j'ai contemplé la chambre de Pruneau et Cannelle, où figure le fameux calendrier des "pipis au lit". Au fait, saviez-vous qu'on peut réaliser notre vieux fantasme de passer à travers la feuille de papier dans une section de l'expo?

Finalement, cette visite a brassé bien des émotions à l'intérieur de moi. Surtout quand j'ai vu le trio L'Heureux, Pimparé et Eykel avec quelques cheveux blancs et rides en plus – ils étaient sur place pour le lancement et prenaient des enfants dans leurs bras. Du coup, j'ai compris que si j'avais vieilli, mon coeur était resté le même; je les trouvais chanceux. "Quand on aime une fois, c'est pour toujours" comme dirait Richard Desjardins.