Entre guillemets

L’art qui… raccroche!

Comme moi, vous avez sans doute déjà entendu de la bouche d'une connaissance que l'art, ça ne servait à rien. C'est dommage, mais on a souvent le réflexe de banaliser, voire de déprécier ce que l'on ne comprend pas. Tout doit avoir un usage concret. Rien ne peut juste être beau ou touchant. Avec l'organisme Art-Go, Jean Beaulieu, créateur trifluvien reconnu pour son dynamisme et son franc parler, fait mentir les détracteurs de l'art. Il prouve que celui-ci a véritablement une fonction et qu'il peut même changer des vies.

La semaine passée, Beaulieu et son équipe dévoilaient un huitième vitrail au Centre d'exposition sur l'industrie des pâtes et papiers à Trois-Rivières. Cette oeuvre magnifique (que j'avais d'ailleurs eu l'occasion de voir quelques jours avant le lancement en me baladant) rend hommage à Pierre-Esprit Radisson, célèbre explorateur français qui découvrit la "baie qui conduit au Nord" et figure importante de notre histoire régionale (il a immigré à Trois-Rivières en 1651).

Quand on contemple ce travail d'orfèvre et qu'on ne connaît pas son auteur, on peut l'imaginer avec une longue barbe grisonnante et des lunettes grandes comme des loupes. Les créateurs de ce vitrail de 1700 morceaux de verre se trouvent cependant à des kilomètres de cette image. Les sept (super!) jeunes qui ont participé à Art-Go, un projet de réinsertion sociale par l'apprentissage d'un métier non-conventionnel, ont un look plus excentrique: des cheveux colorés, des bijoux extravagants… Et ils affichent un sourire large comme le fleuve! Ils ont en effet de quoi être fiers. En meulant, assemblant et soudant le vitrail dessiné par Beaulieu, ils se sont prouvés à eux-mêmes qu'ils pouvaient réaliser de grandes choses, qu'ils pouvaient ajouter de la beauté dans leur ville. Par le biais de l'art, ils ont compris leur valeur. Car il ne faut pas l'oublier: il n'y a pas si longtemps, ces sept jeunes évoluaient en marge de la société. Participer à l'élaboration du vitrail sur Radisson leur a permis de bonifier leur confiance en eux, de développer de nouveaux talents et aptitudes sociales, bref, de "raccrocher". Ils ont appris les vertus de la patience, de la discipline, mais surtout du travail en équipe. Pour eux, l'art a été plus qu'une toile affichée sur un mur ou une sculpture dans un parc, il a été la promesse d'un second départ, une rassurante tape dans le dos. D'ailleurs, plusieurs des participants ont déjà le projet de retourner sur les bancs d'école ou sur le marché du travail. N'est-ce pas merveilleux!? Au lieu de traîner dans les rues, ces jeunes vont mettre la main à la pâte pour bâtir un monde meilleur. Ils vont y ajouter leurs magnifiques couleurs.

En somme, plutôt que de se questionner sur la fonction de l'art, on devrait toujours se demander à qui elle a servi. Car, il n'y a nul doute, derrière chaque oeuvre se cachent d'étonnantes histoires.