Le 31 mai dernier avait lieu le lancement médiatique de Deux plus tout, trois expos de Carsten Höller présentées à l'Espace Shawinigan par le Musée des beaux-arts du Canada. Peu d'information nous avait été livrée à propos de cet événement. C'est donc sans attentes, mais avec une curiosité accrue, que j'ai traversé la porte d'entrée. Il faut dire que l'équipe du Musée nous répétait sans cesse que nous risquions d'être déstabilisés. Et elle avait raison! Pour la première fois en visitant une exposition en arts visuels, j'ai été plus qu'une simple spectatrice. Pour une première fois, mon corps en entier a été interpellé. En empruntant l'un des obscurs couloirs d'Histoires du laboratoire du doute, j'ai vécu quelques secondes d'angoisse; je ne voyais rien et craignais d'avancer. Dans ma tête, ça se bousculait: allais-je réussir à trouver la sortie? Et si je me trompais de chemin? Finalement, je me suis fiée à mon instinct – je n'avais d'ailleurs d'autre choix. Pendant un bref moment, j'ai eu l'impression que mes sens autres que la vue étaient mieux affûtés qu'à l'habitude. J'abordais le monde qui m'entoure d'une manière nouvelle. Je sentais les murs, les intersections, les embûches… Plutôt que de m'exposer un raisonnement, Carsten, qui interroge les bases rationnelles de notre perception, me faisait vivre l'expérience de ses réflexions. Wow! Quelle intéressante démarche!
Après la visite commentée des lieux, l'artiste belge a par ailleurs répondu aux interrogations des journalistes. On lui a demandé d'expliquer ses diverses installations, ses recherches… et la notion de double, omniprésente dans son travail. L'image est encore claire: Höller, qui est encerclé de micros et de magnétophones, reste muet. Il réfléchit, puis finit par dire que ce thème est plus facile à expliquer dans ses oeuvres qu'avec des mots. S'il a malgré tout tenté une réponse par la suite, j'ai compris à ce moment-là que le journalisme, avec son besoin de tout comprendre et de tout analyser, allait à l'encontre des arts visuels, qui reposent sur la subjectivité et le ressenti. On a tendance à oublier que le langage principal des artistes est le langage plastique, et qu'il est beaucoup plus riche que langage verbal ou littéraire, puisque c'est celui qu'ils maîtrisent le mieux. Ainsi, chaque expérience qu'ils nous proposent est deux fois plus intéressante dans la réalité que sur un bout de papier ou à la télé.
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…ET DES ORTEILS!
Parlant d'expérience, c'est le Festival international de Danse Encore qui se déroule du 7 au 10 juin à Trois-Rivières. Véritable party pour les amoureux de la danse, il compte à sa programmation, en plus de ses shows extérieurs et de ses événements majeurs, l'un des plus touchants spectacles que j'ai pu voir en l'an dernier: Claudel et Rodin. Présentée par la compagnie trifluvienne L'Astragale, cette production s'inspire de la bouillonnante relation qu'entretenaient les deux artistes et de leur oeuvre. Soutenue par l'inspirante musique électro-acoustique de 1 Her(t)z, elle propose un habile mariage entre la danse et les arts visuels. Un pur bonheur pour les yeux!
Étant propriétaire d’une galerie d’art j’abonde tellement dans le sens de cette chronique sur Holler – comment expliquer en mot ce que l’artiste nous fait ressentir. La chronique fait bien de ne pas trop nous en donner de toute façon. Elle fait son travail en nous fournissant l’information qui nous poussera à aller vivre nous même cette exposition. J’ai deux billets pour Claudel et Rodin et je m’apprêtais déjà à ètre émue et captivée, je suis contente de lire la confirmation !
L’exposition de n’importe quel artiste doit obligatoirement nous apporter quelque chose. Certaines nous font réfléchir sur l’environnement, d’autres sur notre corps comme dernièrement avec l’artiste qui utilise la plastination et ici avec Deux plus tout se sont nos sens qui sont mis à contribution. Nous n’apportons pas toujours l’importance qu’il faudrait à nos sens car nous les utilisons naturellement. Mais, par exemple, quand nous entrons dans un restaurant, il est facile de constater que notre sens olfactif prend le dessus sur les autres. À nous d’aller voir ceux que sollicite Carsten Höller avec ses oeuvres à l’Espace Shawinigan.
Le « Festival international de Danse Encore », cuvée 2007, nous a manifestement présenté la crème des danseurs. D’une année à l’autre, le spectacle s’enrichit de danseurs et de troupes de danseurs de plus en plus performants.
Le spectacle qui nous ravit et nous met en pâmoison est tout en finesse. Les mouvements sont tantôt dynamiques, tantôt langoureux, mais toujours peaufinés et rafinés. Pour les amoureux de la danse, cette année aura été une année de découvertes et de joie pure pour les amateurs de cet art souvent méprisé. Le seul hic, à mon avis, est le coût des billets ( 40 dollars, ce qui fait 80 pour un couple ) pour assister au Gala Desjardins à la salle J.-A. Thompson. C’est cher payer, même pour un spectacle d’une telle qualité.
Pour ceux dont la « sacoche » est moins bien garnie, il y a toujours les représentations à l’extérieur présentées sur la scène Bell de la rue Badeau.
Carsten Höller, dont le domaine de spécialisation sur la reconnaissance olfactive entre les insectes et les plantes, s’inspire de phénomènes scientifiques afin de traduire ses perceptions en installations artistiques.
On dit souvent que la limite entre le génie et la folie est très proche. Je crois qu’il en est de même entre la science et l’art. Bien sûr la science observe, décrit, compile et évolue selon des règles bien précises tandis que l’art inspire, traduit, colore et surprend selon les règles que le créateur veut bien utiliser. Carsten Höller a certainement puisé l’inspiration dans toute cette rigueur scientifique afin de démontrer et expliquer des phénomènes de perception chez les humains face à ses expérimentations esthétiques.
Contrairement aux insectes qui établissent un contact instinctif envers le règne végétal, les créations de cet artiste éveillent chez l’être humain l’analyse de certaines informations différentielles. Face à des phénomènes habituellement connus, notre perception est alors déjouée et récompensée par un résultat d’ordre émotif et perceptible. Ainsi l’Espace Shawinigan nous invite à une radiographie de nos perceptions dans cette cité où l’énergie et l’art dominent.
Voilà, une réflexion de Félix Leclerc, qui aurait pu être dite, pendant le «Festival International de Danse Encore»! Des orteils, jusqu’aux oreilles, tous furent séduits par l’audace de ces danseurs. Là, où se confondaient cheveux blonds à cheveux blancs, pourtant unis par un seul et même désir : Danser! Une fin de semaine, de fluxassions dans lesquelles, tous styles confondus faisaient usage, de potin magique sur le public. L’impossibilité de tout visionner, demeura notre seule contingence, à tout être humain. Car, combien d’entre nous auraient voulu assister, à tous? J’ai vu également, L’Astragale l’an passé. L’émotion et les sentiments, de Claudel et Rodin, nous prouve, que rien ne peut être fait, avec le bon pied, et de bons concepts. Sûrement, que les petits chaussons de ballets, ou souliers d’hip-hop, feront encore de longs voyages!